« Affaires Familiales », la joute géniale d’Émilie Rousset contre l’injustice de la justice française

« C’est pas la fête du slip de la plainte »

Toujours chez Émilie Rousset (Reconstitution : Le procès de Bobigny, Les Océanographes, Paysages partagés…), le document est joué de façon directe. C’est le cas pour Affaires Familiales, mais de manière encore plus nette. Cette fois, elle montre un peu plus ce que les comédien·ne·s ont à réinterpréter. Il s’agit de se glisser dans la peau de l’autre, vous allez nous dire que c’est peut-être la définition du théâtre. Et pourtant ici, tout est vrai, il n’y a aucune fiction, à part que les comédien·ne·s jouent bien à être qui ils et elles ne sont pas. Au plateau, qui prend la forme d’un rouleau de la loi tout blanc, on retrouve les fidèles d’Émilie : Saadia Bentaïeb, Antonia Buresi, Teresa Coutinho, Ruggero Franceschini, Emmanuelle Lafon, Núria Lloansi et Manuel Vallade. En français, en italien et en espagnol, tous et toutes incarnent des civils, des élu·e·s, des avocat·e·s, tous et toutes confronté·e·s, comme Lorraine de Sagazan dans son Léviathan, aux limites de la justice. Tous et toutes redonnent vie à des existences devenues des ombres collées sans corps sur le mur de la Loi.

« Le bon sens s’oppose à la justice »

Chaque situation racontée ici, chaque dossier ouvert ou refermé, est un miroir tendu à notre société. Une avocate qui traque les enlèvements parentaux, une autre qui défend les droits des familles LGBT+, un père italien dont l’enfant est né par GPA, une flic catalane, des plaintes pour inceste qui s’éteignent dans le silence, des victoires arrachées devant la Cour européenne des droits de l’homme… C’est toute une justice qui vacille, prise entre la lettre de la loi et les secousses d’un monde qui s’écroule presque partout, en tout cas, surtout ici.

« Ce qui demande le plus d’énergie, c’est de croire en la justice »

Pour la première fois, Émilie Rousset met sa méthode en scène. Peut-être, comme elle le fait dire à Emmanuelle Lafon, que ce récit la touche : « Moi aussi je suis très émue », dit-elle, face à une avocate qui raconte comment un juge peut donner à un père incestueux la garde de son enfant ou quand une autre explique comment la misogynie, portée ici par des femmes, peut donner raison à un homme violent. Pour la première fois, elle est l’une des témoins, tout en restant à sa place d’intervieweuse. Elle se livre plus sur ce qui la révolte intimement, dévoile un peu son jeu qu’elle maîtrise si bien depuis une bonne dizaine d’années. Nous aussi, nous tombons sous le choc, avec elle, de cette vision claire et nette d’une justice qui ne fait pas les bons choix. Dans la forme comme dans le fond, Affaires Familiales est un monument, joué à la perfection par des orfèvres qui manient les genres et les langues de façon interchangeable.

Comme toujours chez Émilie Rousset, elle œuvre avec une intelligence et un talent monstrueux pour nous faire découvrir des tonnes de choses sur un thème pas forcément très connu, à moins de s’y être frotté. Magistral.

Summary: With Affaires Familiales, Émilie Rousset turns her sharp documentary lens on the French justice system, diving into real-life testimonies from lawyers, parents, and civil servants. Through multilingual performances and meticulous reenactment, the piece reveals the contradictions and blind spots of family law. It’s a powerful and intimate political statement, as striking as it is necessary.

الملخص
في عرض Affaires Familiales، تسلط إميلي روسيه عدستها الوثائقية الحادة على النظام القضائي الفرنسي، مستعرضةً شهادات حقيقية من محامين، وآباء، ومسؤولين مدنيين. من خلال أداء متعدد اللغات وإعادة تمثيل دقيقة، تكشف المسرحية تناقضات قانون الأسرة وثغراته. إنه عمل سياسي قوي وشخصي في آن واحد، يجمع بين الدقة والتأثير، ويضعنا وجهاً لوجه أمام عدالة متزعزعة.