La directrice de la Comédie de Genève s’empare du roman alambiqué de William Faulkner, Absalon, Absalon !, pour en livrer une œuvre fleuve aux images fortes.
La première image est tonitruante et elle donne le la de l’ensemble de cette traversée de cinq heures dans le sud des États-Unis avant, pendant et après la guerre de Sécession. Sous la forme d’un clip projeté sur un immense écran, on voit défiler Pierre Artières-Glissant, Daphné Biiga Nwanak, Jérôme de Falloise, Alban Guyon, Adèle Joulin, Jimy Lapert, Armel Malonga, Annie Mercier, Hendrickx Ntela, Laurent Papot et Kevin Bah. Il est question de meurtres et d’épouses. Au début, nous sommes conquis par l’allure de western que prend la pièce. Les choses vont à toute allure et le décor est dingue. On note deux voitures, un cercueil, une maison meublée, entre autres, le tout posé sur une scène entièrement recouverte de terre.
Mais rapidement, le procédé nous épuise. D’abord parce que l’utilisation très classique du théâtre filmé n’est pas un artifice qui nous surprend. La vidéo est une actrice dans ce spectacle. Les images tournées en direct fonctionnent à merveille, mais sans révolutionner l’approche du début du siècle. C’est très bien fait, chaque cadre donne envie de le prendre en photo. Mais la forme ne suffit pas.
Sur le fond, et cela est à saluer, Chavrier ne colle pas totalement à ce roman très opaque qui navigue entre les histoires et les époques sans explications claires. On se noie, on se perd, et c’est fait exprès. Malheureusement, la sensation de puzzle cauchemardesque qui devrait être la nôtre face au comportement du personnage principal, Thomas Sutpen, violent, barbare et misogyne, est écrasée par le suremploi de la musique dans le spectacle. La guitare live est appuyée par une nappe omniprésente qui semble nous ordonner de ressentir.
Chavrier multiplie les effets de style pour augmenter cette volonté de brouiller les pistes, ce qui donne au récit et à sa transmission scénique une valeur artificielle. Elle fait le choix, assumé, de ne jamais changer le rythme, très énergique donc, de la pièce pendant les cinq heures, entractes compris.
Et pourtant, la matière à faire un chef-d’œuvre est là. La lame de fond est le racisme aux USA et l’impossible multiculturalisme. Mais les allers-retours incessants entre le passé, le présent et le futur, là encore restent à la surface de l’image. On ne dira pas grand-chose de la danse, qui aurait mérité d’être chorégraphiée. Elle se résume à un geste de lâcher-prise dans les genoux avec une torsion des chevilles, cela venant de façon extrêmement littérale appuyer l’idée d’un monde qui s’effondre.
Jusqu’au 7 juillet à la FabricA
Du 25 mars au 11 avril au Théâtre de l’Odéon
Visuel : © Christophe Raynaud de Lage
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