Après Empire of a Faun Imaginary, le festival June events continue avec The Game of life, accueilli au Carreau du Temple ce soir et demain.
Faire fi de l’axiome selon lequel les rapports entre danse et musique ne sauraient qu’être de domination ou, à l’inverse, depuis Cage et Cunningham, d’indépendance : voilà la gageure de The Game of life.
Les chorégraphes Pierre Godard et Liz Santoro ont eu l’idée de travailler, avec le compositeur Pierre-Yves Macé, à une pièce postulant une interdépendance complète entre les différents arts dont est fait un spectacle de danse. Iels se sont alors tourné·es vers la nature et, plus précisément, vers le fonctionnement d’un organisme à partir du code génétique.
A la manière d’un Vian, qui composait les boissons de son « pianocktail » en attribuant un alcool à chaque note, les chorégraphes ont eu l’idée d’associer un mouvement à un codon – ces éléments premiers du code génétique – et le musicien une durée. A partir d’un alphabet musical et chorégraphique simple, sinon minimal, les trois danseur·ses et trois musicien·nes nous convient alors à un spectacle changeant au gré des énergies.
La lumière et la scénographie ne sont pas en reste : des panneaux carrés sont éclairés en fonction des unités travaillées par les artistes. Ils accompagnent alors les pliés et rotations des danseurs et danseuse comme les doubles-croches et triolets des musiciennes et musicien. Véritable écosystème que ce spectacle, où les éléments sont interdépendants.
(Liz Santoro et Pierre Godard)
Ce lien fondamental entre les un·es et les autres s’inspire d’un automate cellulaire créé en 1970 par John Conway. Comme chez le mathématicien, l’état de corps des interprètes est tributaire de leur environnement. Ce qui se joue surtout, pour le spectateur et la spectatrice, c’est cette infinité de variations que subit cette même phrase quaternaire, qui ralentit ou accélère sans que l’on ne sache trop comment.
L’univers abscons des mathématiques et la simplicité de la nature coexistent dans le projet des artistes. Cette alliance de deux mondes a priori contraires semble au centre de la création : les carrés lumineux un rien géométriques font ressortir les vêtements bleu nuit des six interprètes. Les trios laissent place à des soli juxtaposés, qui se reconstituent en duos. Les musicien·nes, également, laissent tel instrument donner le « la » avant de reprendre en chœur cette étrange partition. Les mouvements et déplacements des danseur·ses, tout d’abord anguleux, gagnent en courbe au cours de la soirée avant de redessiner un angle droit et de se métamorphoser à nouveau en de souples gestes.
A partir d’une phrase minimale, The Game of life nous embarque donc dans un univers où la variation est le maître-mot de notre rapport au monde.