Taranto Aleatorio, c’est un duo dansé, chanté qui, sans artifice, se suffit à lui-même. Deux femmes, qui, assises sur des chaises face au public, mangeaient des graines de tournesol et se roulaient des cigarettes, prennent d’un coup possession du plateau et l’enchantent au fur et à mesure de leurs voix et leurs corps, créant une partition chorégraphiée fascinante.
Dans des tenues de joggings synthétiques, bleu pour l’une, noir pour l’autre, agrémentés de quelques pompons délicats, une paire de talons pour l’une et une paire de baskets pour l’autre, un duo de femmes bouscule le taranto. Cet art est un palo (forme) du flamenco originaire de la région d’Alméría.
Lola Dolores, en baskets, chante, sans accompagnements, d’une voix pleine et brute à laquelle se conjugue les mouvements de corps, de mains, mais aussi de pieds de María del Mar Suárez. Cette dernière, en dansant, martèle le sol pour créer une musique qui complète le chant de sa comparse, elle-même usant de son corps comme instrument de musique.
Devant nos yeux se dresse alors une chorégraphie à la poésie teintée de nonchalance et d’humour. Le plateau nu se trouve habité et sublimé pendant près d’une heure par les danses et les musiques de ces deux femmes.
L’énergie offerte par les deux femmes suffit à captiver l’audience silencieuse. Les bruits des chaussures, tant des talons que des baskets, les mains qui clappent et la voix puissante et profonde de Lola Dolores emplissent l’espace pourtant vide. La seule chose qui fait le lien entre le public et les danseuses, sont les deux chaises qui cassent, de manière partielle, le quatrième mur.
La puissance du duo, de cet alliage entre sons corporels et précision des mouvements, propose au public de suivre l’intimité d’une danse pensée dans les moindres détails. Si au début, les deux femmes nous regardaient droit dans les yeux nous installer, la bulle s’est refermée sur elles lorsqu’elles se sont mis en action.
Entre virtuosité et humour, le moment que nous proposent María del Mar Suárez et Lola Dolores est simple tout en étant profond et rafraîchissant ! Dans le cadre de la 23e Biennale de danse du Val-de-Marne, retrouvez le duo les 22 et 23 mars au Théâtre Silvia Monfort !
visuel : ©LaChachi_LolaDolores_