Les étranges bestioles de François Delarozière, ancien de Royal Deluxe, reviennent à Calais.
C’est en 2019 que les bêtes de François Delarozière ont fait leur entrée à Calais : le bricoleur tout terrain avait alors construit un animal crachant eau et feu, de 72 tonnes et 25 mètres de long. Ce « Dragon » a rapidement pris place dans la vie quotidienne des Calaisiens et Calaisiennes, élisant domicile sur le front de mer. Ce dernier a fait ce week-end la rencontre d’un nouveau compagnon, doté comme lui de puissantes écailles, mais légèrement moins haut : un varan de 22 tonnes et près de 15 mètres de longueur. Comment, dès lors, cohabiter dans la ville ?
Comme il l’avait fait Toulouse avec son Minotaure, François Delarozière a eu l’idée de festivités sur trois jours qui racontent la joute entre les deux reptiles. Un tel combat n’était toutefois pas possible sans son œuvre phare, Lilith, habituée du Hellfest et inspirée du personnage mythique du même nom, à la tête de femme et au corps mêlant pattes d’araignée et queue de scorpion. Pas de quoi inquiéter les plus jeunes : les centres socio-culturels et les écoles ont travaillé, plusieurs mois durant, l’accueil de ces étranges machines avec dessins et épîtres aux personnages. Les enfants étaient donc prêt·es à recevoir ces hôtes extraordinaires.
Les rues et le port de Calais étaient en effet bondées de familles venues apercevoir les combats ou dénicher, au hasard des carrefours, tel monstre de cette mythologie nouvelle, véritable syncrétisme de différentes traditions légendaires. Mais l’œil n’est pas attiré que par la narration : le regard se tourne aussi vers la mécanique de ces imposantes machines, dont la précision d’horlogerie demande de l’attention, puisqu’il faut pas moins de six personnes pour manipuler le Varan. Loin de détruire la magie du moment, la conscience de ces nécessités techniques participe de l’émerveillement.
C’était toutefois le soir que les chimères, comme les appelle leur créateur, prenaient toute leur ampleur. Ainsi de l’épisode de « L’Initiation au feu », sur le port de marchandises de Calais. Entre deux énormes grues aux allures un rien vintage, tout droit sorties d’un Adèle Blanc-sec, un orchestre était juché sur deux nacelles, accompagnant les confrontations de la musique de Mino Malan. Devant, les deux reptiles et, un peu plus loin, Lilith, la « Gardienne des ténèbres ». Le feu, au cœur de ce passage, se reflétait avec bonheur dans le corps des monstres, ocrant les écailles d’un orange mordoré. Et c’était sans doute là l’un des plaisirs de ces spectacles : l’articulation entre l’immensité des bêtes et le soin apporté aux plus minuscules des détails.
Le Varan de Voyage, par la Machine et François Delarozière. A Calais les 7, 8 et 9 novembre.
Visuels : Nohcab – Calais XXL