La compagnie de danse d’outre-Rhin Tanzmainz a repris avec brio Soul Chain (2019) de Sharon Eyal et de son co-auteur Gai Behar dans le cadre prestigieux du théâtre antique de Vaison-la-Romaine.
Renouant avec les attractions et les vedettes « américaines » du music-hall d’autrefois, Pierre-François Heuclin, directeur artistique du festival vauclusien, JO et Euro 2024 obligent, a programmé avant la pièce-maîtresse de la chorégraphe-maîtresse Sharon Eyal un bref opus de Gautier Fayolle intitulé Unisphere, consacré au ballon rond. Ce champion du monde de football freestyle et ses partenaires de jeu, Norman Habri, Mathieu Pierron, Lubin Loquais et Clément Rubrecht ont amusé la galerie à ciel ouvert avec leurs jongles, acrobaties, tours de passe-passe, bonds et rebonds pendant une vingtaine de minutes.
Après quoi, on est passé aux choses sérieuses. Car la mécanique plaquée sur du vivant de Soul Chain ou du répertoire d’Eyal-Behar ne repose pas sur le rire, au sens où l’entend Bergson. Elle relève de l’art et aussi du sport, de la performance en général, comme l’a remarqué Pierre-François Heuclin lors de sa présentation. On y décèle des traces des tragédies grecques mises en danse par Martha Graham (l’inspiratrice de Batsheva), des formes abstraites de Cunningham (sans la disjonction entre le geste et la musique), de la maestria chic d’un William Forstyhe.
Seize danseurs de Tanzmainz, de tout gabarit et acabit, hommes et femmes à parité, s’expriment et s’escriment sans discontinuer, une heure durant. La plupart du temps en groupe. Tous et sans relâche en demi-pointes. Ils font des fausses sorties, de vraies (r)entrées ainsi, ad libitum. Par deux ou par plus, ils traversent le plateau horizontalement ou en diagonale. De jardin à cour, de babord à tribord. Et inversement. Ils sont en tenue légère, moins dénudés qu’ils n’en donnent l’air, leur justaucorps étant de couleur chair.
Les danseurs et danseuses de Honne Dohrmann sont endurants, épatants et extrêmement sexy. Les figures imposées au programme n’ont rien, a priori, de tarabiscoté. C’est leur répétitivité même, leur mise en bouche ou en boucle, leur vitesse d’enchaînement qui exigent un engagement total. Chaque interprète ou presque a l’occasion de briller en solitaire, de se détacher de l’uniformité. Les un(e)s se dodelinent, font de petites mines, hochent du chef au risque du torticolis, les autres montrent des signes d’angoisse, entrent en transe ou tout comme.
Visuel : photo de l’affiche Vaison Danses © Andreas Etter