Dans le cadre de Playgroud 2023, un des programmes des Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis, Anna Massoni a présenté son solo Pièce d’angle (2020), en matinée, aux élèves de l’école Voltaire de Montreuil.
Élégante variation que cette performance silencieuse, présentée hors scène et, dans le cas présent, à destination du jeune public, par la danseuse-chorégraphe Anna Massoni vêtue casual, extrêmement concentrée dès potron-jaquet. Les écoliers ayant été préparés à l’événement par leurs enseignants, leur attention a été retenue, soutenue, absolue. Aucun signe d’impatience de leur part plus d’un quart d’heure durant, si ce n’est de légères frappes du talon sur un des caissons en bois servant de gradins aux élèves du deuxième rang assis près du radiateur.
Ces coups discrets et anonymes relevaient moins de la peur du vide que peut représenter le silence que du besoin archaïque de marquer le rythme. D’ailleurs, à l’issue de la prestation de la chorégraphe, lors des échanges de celle-ci avec ses apprentis-danseurs, un des garçonnets a dit avoir compté in petto pas moins de 712 balancements des bras – donnant par là même une idée de la dépense énergétique que réclame la pièce et du parti pris minimaliste de son auteure.
Le solo est particulièrement fluide. Quoique sa structure suive une certaine logique, un ordre ou ordonnancement géométrique qu’annonce d’ailleurs son titre, et ne soit pas particulièrement narratif ou « dramaturgique » – cette fonction, nous dit-on, est exercée par Vincent Weber auprès d’Anna Massoni -, ses différentes parties sont amenées en douceur. Les motifs ou tableaux chorégraphiques se fondent agréablement les uns aux autres. De la station debout, de l’immobilité, face au public, les yeux le fixant, bras inclinés et mains ouvertes, on passe à un oscillement régulier, métronomique des membres supérieurs.
La tête s’incline latéralement, se baisse, à contretemps. Le haut du corps se courbe, les doigts s’écartent, la danseuse exécute un quart de tour vers sa droite, se montre de profil… Les bras plus ouverts que ballants ont la connotation d’une offrande, comme celle d’une danse mystique à la Ruth Saint Denis. Son abstraction est telle qu’on ne perçoit ni début ni fin, ni avancée ni marche-arrière. Inutile de dire que la superposition des mouvements produit une forme complexe. Et un beau canon gestuel.
Visuel : Anne Massoni, Pièce d’angle © Nicolas Villodre