Au Théâtre de la Commune, dans le cadre du festival Playground, Claudia A. Marsicano a livré un one-woman show qui a enflammé la salle dans une unité entraînante.
Nous découvrons la danseuse et comédienne dans un maillot de bain une pièce bleu ; le sol, lui, est tout rose. L’allure est immédiatement presque enfantine, légère en tout cas. Elle profite de son corps augmenté pour prendre une belle place sur scène. Dès qu’elle ouvre la bouche, on ne peut qu’être envoûté,e,s par elle. Elle nous annonce, en anglais, trois mots : exercise number one. Elle est de profil, bouge à peine et commence à chanter, merveilleusement bien, le refrain de Jolene de Dolly Parton, repris par Miley Cyrus. D’une voix puissante, elle prononce à tue-tête les paroles cultes de ce morceau : « Jolene, Jolene, Jolene, Jolene, I’m begging of you please don’t take my man ». On ne le sait pas encore, mais la musique aura une grande place dans ce spectacle… très participatif.
Elle poursuit son compte jusqu’à plus ou moins dix exercices, tous différents. Le second nous entraîne dans un cours de danse collectif (on a vu, hier, honnêtement, toute une salle blindée de gens entre 7 et 80 ans remuer les pieds et les bras en rythme, de gauche à droite !). Déjà qu’on l’adorait depuis sa chanson, désormais nous avons la sensation d’être dans sa barque, avec l’envie de ne pas la laisser tomber. Plus les exercices avancent, plus elle danse au sens contemporain du terme. Elle impose des déplacements, nuque souple, mouvement de pieds d’avant en arrière rapide, doigts qui frétillent. Elle pétille au maximum, prenant même une allure d’altesse au son des notes de Bach.
Dans un geste très pop, qui croise même Britney Spears et son Toxic iconique, l’artiste nous mène par le bout du nez pendant quarante-cinq minutes survitaminées. Elle se montre, se donne à voir, et tout ce que nous voyons, c’est du talent, juste ça. Beaucoup de talent. Plus le public verra des corps différents, plus ces corps seront normaux, seront juste des corps. Mais le corps de Claudia A. Marsicano n’est pas juste un corps : c’est un vaisseau rempli de théâtre et de danse. Elle joue aussi beaucoup de son visage, prenant des allures clownesques qui nous éclatent de rire. Silvia Gribaudi nous montre qu’on peut être militant,e,s en étant léger,e,s. La metteuse en scène fait cela depuis plus de dix ans : elle est spécialisée dans l’impact social des corps. Elle passe souvent par l’humour, comme dans son Grand Jeté, présenté en 2024 au Théâtre de la Ville. Son R.osa s’inscrit dans cette ligne-là : celle d’une déconstruction des codes et des carcans par l’humour.