En collaboration avec le Théâtre de la Bastille, la Ménagerie de Verre accueille la dernière création de la révélation de la performance, Alina Arshi, qui livre un pas de deux absurde et fascinant, et qui, une nouvelle fois, interroge le regard que l’on porte sur la représentation des corps.
Tout commence dans le hall de la Ménagerie. Les deux interprètes fendent la foule, totalement nues, et se placent sur deux podiums, un chacune ; le seul accessoire mis à leur disposition est une paire de sabots. Et là, ça commence, une relation entre le mouvement et l’immobilité se met en place. Quand l’une bouge, l’autre attend, un temps seulement. Elles ressemblent à deux statues, ou plutôt à deux modèles qui prennent la pose pour un cours de dessin. La bande-son nous alerte : d’abord Como Una Ola de Rocío Jurado, un drama total, auquel succède Is This Desire de PJ Harvey, qui envoûte les ventres et les épaules. Les pieds sont pas mal fixes au départ, ça ne va pas durer. On se souvient de Entepfuhl, où Alina nous témoignait de sa plasticité contorsionnée.
Les torsions sont désormais présentes. Elles permettent aux interprètes d’aller chercher loin les extensions de leurs côtes. Sans trop vous en dire, sachez que, dans une proximité très tactile avec le public, et dans une prise en mains, en ventre et en jambes de tout le mobilier de la Ménagerie, nous entrons dans la grande salle du OFF où nous assistons au cœur de la performance.
L’acte majeur de la pièce est donc une traversée. Et là, il faut tout de suite revenir au point de départ : deux corps en représentation, séparés. L’acte est différent, tout amène à une fusion de la contrainte. C’est fulgurant de technique et d’écoute. Le duo se colle et avance sans se lâcher. Araignées ou poulpe, monstre sorcier, toutes les images possibles nous parviennent. Aller, et retour, et recommencer, encore. Elles choisissent l’absolue difficulté : elles rampent en se maintenant l’une l’autre, en se crochetant l’une l’autre, en restant agrippées, toujours. Toujours ? Pas de spoiler ici. Vous verrez.
Ce pas de deux marque une nouvelle étape dans la jeune carrière d’Alina Arshi : elle est fulgurante dans sa façon de déphaser chaque millimètre de son corps. La voir partager ce qui apparaît déjà comme sa signature est particulièrement fascinant, car elle montre sa capacité à faire école.
Jusqu’au 29 novembre à la Ménagerie de Verre
Interdit aux moins de 16 ans
Visuel : © Giorgia Filipponi