Quel rôle a joué le Carreau du Temple dans votre carrière ?
Le Carreau a joué le rôle d’une maison qui a accueilli chacun de mes bébés.
Ça a commencé en 2016 avec la programmation de
Monstres d’Amour lors d’un partenariat avec le festival
Jerk Off.
Pour nous, ça représentait un des premiers beaux plateaux offert à une œuvre assez marginale dans le paysage théâtral de l’époque.
Ça nous a donné de la confiance, de la visibilité, de la crédibilité.
Nous avons ensuite pu initier une performance dans la grande Halle qui a résulté en un spectacle important dans ma carrière Où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute.
Pouvoir prendre un tel espace, avec une œuvre fragile, en construction.
Puis revenir, et la présenter aux professionnel.le.s pour avoir des aides à la production et diffusion.
Et enfin revenir dans une programmation officielle du Carreau. Nous avons été accompagnés à toutes les étapes.
Et puis la fidélité et l’attachement au lieu, et pour les publics qui ont pu à chaque fois suivre les évolutions des mes travaux.
L’accueil de Sa bouche ne connaît pas de dimanche, de Carte Noire nommée Désir, et finalement de Plutôt Vomir que Faillir…
Enfin …« finalement », je pense qu’on n’a pas fini d’inventer ces rendez-vous avec l’équipe dans les années à venir.
Votre moment le plus Cult au Carreau ?
La loge de notre cochon star, Charlotte, bébé porcin de 6 semaines sauvée de l’abattage pour apparaître dans Sa bouche ne connaît pas de dimanche.
Elle était accompagnée de ses nouveaux « parents », une ferme pédagogique, d’une personne qui surveillait qu’elle était bien soignée dans sa loge avec thermomètre et soufflerie, et puis d’un dresseur d’animaux pour le cinéma qui avait travaillé avec John Malkovich.
Pendant le festival d’Avignon, vous avez reçu de la part d’une partie du public des agressions racistes lors des représentations de Carte Noire. Est-ce que ces événements ont modifié votre façon de faire du théâtre ?
Je suis plus inquiète, plus énervée, plus fatiguée.
Je suis aussi obligée de penser encore un peu plus à ma pratique hors scène.
Comment prendre soin des équipes avec qui je travaille dans des moments de grande visibilité avec un contexte politique qui se durcit ?
Parler de nous, c’est s’exposer aussi à cette violence et il faut inventer des outils et de nouveaux fonctionnements en plus des œuvres.
Pouvez-vous me raconter sur quoi porte votre travail en ce moment
Il y a la Gouineraie que je co-écris avec ma compagne Sandra Calderan. On essaie de penser à ce que féminisme et lesbianisme impulse dans les familles hétéronormatives, on parle gouino-futurisme et ruralité queer…. J’espère qu’on viendra au Carreau un jour, mais on sera aussi je crois chez nos autres complices franciliens dont je ne dévoile pas la programmation à l’avance.
Je cherche aussi à créer des formes hors de la boîte noire du théâtre, des expositions performatives dans lesquelles on reste longtemps, on dort, on mange…
Et je vais faire la saison prochaine avec le CDN de Nancy, une création partagée autour de la procréation, sur le territoire avec des publics non professionnels.
Qu’avez-vous à dire au Carreau pour fêter leurs dix ans ?
Que le Carreau du Temple reste le terrain de jeu, de créativité, de festivités et d’audace que je connais.
Que l’on puisse continuer à voir se croiser cette variété de publics qui circule librement dans ce grand lieu de culture.
Celleux qui viennent tous les jours parce que c’est un lieu de vie, celleux qui viennent exceptionnellement parce qu’il y a tout le temps des choses exceptionnelles.