« One’s own room Inside Kabul », un silence de moins pour les Afghanes

« Je suis sûre que la communauté internationale ne va pas pouvoir ignorer ce qui se passe ici »

À l’été 2022, Caroline Gillet documente la vie de deux femmes sous le régime des Talibans. Le podcast s’appelle Inside Kaboul, et il constitue la matière première de cette installation. Il faut s’imaginer un petit espace. Deux banquettes sur deux niveaux sont séparées par une belle nappe, sur laquelle sont posées des dizaines d’assiettes peintes. On retrouve les figurines de l’artiste invitée de la 76e édition du Festival d’Avignon : ces femmes à la peau couleur or et aux cheveux libres, qui chevauchent des chevaux, lisent, écrivent. Qui vivent.

Kubra Khademi est une artiste performeuse et féministe hazara, originaire d’Afghanistan. Née en 1989, elle ne cesse d’explorer sa vie en tant que réfugiée et femme. Libre.

« Je dors, je cuisine, je nettoie »

Le 15 août 2021, les Talibans entrent dans Kaboul, capitale de l’Afghanistan, et prennent le contrôle du pays. Ils instaurent un régime en rupture avec la tradition juridique hanafite, historiquement prédominante en Afghanistan, ouverte à la réflexion et plus libérale. À l’inverse, les Talibans appliquent une lecture hanbalite rigoriste de l’islam, qui interdit tout raisonnement personnel.

Dès leur arrivée, dans une spirale continue vers le pire, les Talibans excluent les femmes de la sphère publique en les cloîtrant chez elles. L’étau se resserre, jusqu’à les réduire au silence et leur interdire de se soigner : les femmes n’ont plus le droit d’étudier la médecine, ni de consulter un médecin homme.

« 2024 : la voix des femmes est interdite en public »

L’installation prend la forme d’une écoute collective, portée par la présence puissante de Kubra Khademi, assise en tailleur, bloquant la porte. Les portes sont dans leur bas, ponctuées par des traits de peinture, vers le mur, doré, et vers l’impossible sortie rouge sang.

Nous sommes confiné·e·s avec elles. Les murs deviennent des fenêtres vers un extérieur interdit : Kaboul, ses toits, les tirs de fusil. Nous écoutons cette voix qui nous parle en direct de chez elle, qui documente un quotidien devenu carcéral. Son anglais parfait révèle une intelligence broyée par le régime.

Le mépris de la communauté internationale face à ce crime est insoutenable. L’installation est présentée plusieurs fois par jour au Festival pour alerter, avec urgence. Autour de cette table, où même les fleurs sont en argile cuit, fragile, cassable, la vie de ces femmes est en urgence vitale.

Pouvoir entendre ce témoignage est une chance inouïe. On imagine que celle qui parle le fait cachée. Et pourtant, dans sa voix, on entend encore, malgré tout, un espoir. Un espoir qui s’amenuise à mesure que les Talibans empilent les interdits, et que le monde continue de se boucher les oreilles.

في صيف 2022، وثقت كارولين جيليه حياة امرأتين تحت حكم طالبان، لتتحول شهادتهما إلى عمل فني مؤثر تؤديه الفنانة كبرى خادمي.
التركيب الصوتي والجسدي يضع الجمهور في قلب منزل مغلق، حيث تُروى يوميات القمع والعزلة والخوف.
هذا العمل القوي يدق ناقوس الخطر حول محو وجود النساء في أفغانستان، وسط صمت عالمي مخزٍ.

In the summer of 2022, Caroline Gillet documented the lives of two women under Taliban rule,  a testimony transformed into a visceral installation performed by artist Kubra Khademi.
This immersive piece traps the audience in a confined domestic space, where a woman recounts, in perfect English, the daily brutality and silencing of Afghan women.
Urgent and powerful, the installation is both an artistic cry and a political alarm in the face of global indifference.