« METCH », les enchères d’Ivo Dimchev

« Tu ressembles à Jésus et à une pute en même temps »

Ça commence à l’envers, cela aurait dû nous alerter. Pour capter notre attention, il nous éclaire avant de faire un noir. Quelques secondes, un flash, et puis il apparaît, l’air désaxé. On apprendra plus tard qu’il enseigne à ses étudiant·e·s à dissocier la voix et le mouvement de la bouche. L’air anglais pourtant, Ivo Dimchev est un artiste queer bulgare vivant à New York. Mais vraiment, son costume à carreaux tout ponctué de ronds de peinture, ses Doc’s vertes, tout ça lui donne plutôt l’allure d’un punk londonien. Il porte une perruque blonde-blanche qui recouvre les tatouages de son crâne, que des lignes et des points, d’ailleurs, comme sur ses vêtements.

Très vite, il nous met au travail. C’est un seul en scène totalement participatif. Le collectif face à l’artiste, en réalité. Nous, le public, désigné volontaire, lisons un texte projeté au mur : c’est un dialogue. Nous lisons, et il nous répond franchement. Et si, par mégarde, nous voulions répondre autre chose, il nous ignore. Un artiste est libre, n’est-ce pas ?

« Work bitch and torture them more and more »

Ivo Dimchev est également célèbre pour sa musique, un punk doux qui génère des milliers d’écoutes sur les plateformes. Sa voix a des allures croisées entre celles de Nina Hagen, d’Anohni ou de Bryan Ferry. Alors oui, on a très envie de l’entendre. Mais, en accentuant un petit trait pervers, il nous fait attendre, longtemps, très longtemps même, avant de se saisir de son clavier. C’est qu’il y a beaucoup de choses à faire avant : Musique, Exposition, Texte et Chorégraphie, tout ça. Ivo Dimchev se place dans un genre très classique en performance, qui ne peut exister que si le public répond à la sollicitation de participation. Et ce soir-là, à la Friche, tous les signaux étaient au vert.

« Fuck sadness Ivo »

Exposition est peut-être le mot-clé de cet acronyme. Ivo nous étale ses peintures en les faisant passer pour des croûtes mal éclairées. Il veut nous faire réagir face à l’éternel débat entre le beau et le laid, et donc s’attaque à la subjectivité propre à chacun. Ivo joue la corde du grotesque alors qu’en réalité, il touche souvent à la beauté, si l’on arrête de rire une seconde. Oui, ces couleurs fonctionnent. Oui, cette obsession pour des coïts à la perpendiculaire devient, plus on les voit, fascinante. Mais où s’arrête la blague ? L’air détaché de tout, il revient aux fondements du théâtre, qui s’amuse à faire du vrai avec du faux, du faux avec du vrai, semant le doute et le trouble.