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« Les Mangeurs de pommes de terre » : Castellucci coupe le souffle de la Biennale de Venise

par Amélie Blaustein-Niddam
05.06.2025

Prenez un bateau et naviguez une petite demi-heure. C’est assez long, c’est le temps qu’il faut pour mettre les futurs cadavres à l’écart de la cité. À Venise, le roi Castellucci s’empare de l’ancien Lazaret de la ville, un bloc de briques rouges qui a vu tant de pestiférés lâcher là leur dernier souffle. Il leur rend hommage et les transforme en anges dans l’une de ses performances les plus magistrales.

«Chute, Statue, Faim, Caricature, Histoire, Trois, Affection, Ami, Cire, Brun, Christus, Ruban adhésif, Lingua Imperii, Étoile noire.
Tout ce qui pourrait relier ces mots entre eux ne relève pas de ma juridiction.»
— Romeo Castellucci

 

Les notes d’intention des spectacles de Romeo Castellucci sont tout autant performatives que les spectacles eux-mêmes. Pour celle-ci, il nous guide en disant :
« Le bâtiment où se déroule l’action était autrefois un grand lazaret, construit sur une petite île. L’ensemble de la structure est entièrement composé de longs et vastes couloirs désormais vides. L’espace ne contient aucun autre élément architectural ni objet. Le titre de l’action, Les Mangeurs de pommes de terre, agit comme un portail. Ce sont les seuls détails disponibles. Je n’ai rien d’autre à dire, mais, étant donné mon grand amour pour la contradiction, je vais jeter ici quelques mots, qui pourraient, me semble-t-il, avoir quelque chose à voir avec l’action imaginée dans cet espace.
Chute, Statue, Faim,
Caricature, Histoire, Trois, Affection,
Ami, Cire, Brun, Christus, Ruban adhésif,
Lingua Imperii, Étoile noire.
Tout ce qui pourrait relier ces mots entre eux ne relève pas de ma juridiction. »

Nous avons souvent écrit la chose suivante sur les spectacles du metteur en scène italien : il pose des objets sur scène et nous demande de les regarder. Le lien que nous tissons ensuite est un double enjeu : à la fois essayer de comprendre son geste, et aussi tisser nos propres fils en fonction de nos croyances et de nos connaissances.
Nous l’avons laissé, il y a quelques jours, avec une armée de douleur dans la cathédrale Saint-Pierre de Genève. À Venise, il revient à ses formes les plus radicales. Nous le retrouvons à l’époque d’Inferno, aux racines de l’humanité, toujours, encore, toujours et encore plus.

Un corps seul dans un sac-poubelle

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Il s’agit déjà d’entrer dans ce lieu lugubre et de quitter précisément la lumière assourdissante du jour. Il s’agit de se mettre en condition et de se laisser porter. On nous demande de rester calmes dans le noir, de ne pas trop bouger. On nous dit aussi que des bouchons d’oreilles sont disponibles. Nous sommes des élu·e·s. Le spectacle se donne pour 30 spectateur·rice·s, une fois par jour, pendant 10 jours. 300 élu·e·s, pas un·e de plus. Nous avançons dans la pénombre et là, nous voyons, seul dans une pièce immense, un corps dans un sac-poubelle. Il bouge encore. Il est incassable. On ne peut pas le sauver.
L’image nous sidère. Elle va nous hanter, c’est fait. Il gesticule, il essaie de sortir de son cercueil mou, la lumière vibre sur lui. Il est trop tard. Il faut passer aux corps suivants. Nous en verrons deux autres, tout aussi mal en point, et puis, nous descendrons voir de plus près comment les damnés vont ici très bas.

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Couper le souffle

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Sans que l’on comprenne comment, sans qu’on en voie les ressorts techniques, un souffle nous cloue sur place.
Nous sommes assis·es ou debout, en avant-scène. Il y a un espace immense devant nous, on le sent. Un ouragan déferle. Nous avons du mal à tenir bon.
Et là, l’émotion s’invite, comme si nous savions que ces corps empaquetés descendaient aux enfers à l’aide de ce tourbillon.
On lâche des larmes sans comprendre. C’est trop. C’est beaucoup trop.
C’est comme si tous les fantômes qui occupent ce lieu nous hurlaient de ne pas les oublier.
Et puis, Romeo fait ce que seul lui sait faire. Il provoque une apparition qui, une fois que vous avez retrouvé votre respiration, vous la coupe à nouveau.
Il convoque une figure ailée, immense, mais immense.
Nous y voyons une Samothrace, car sa signification colle avec ce que nous venons de voir — ou plutôt de vivre.
« Samothrace était une île brumeuse, peuplée d’êtres étranges et située aux portes de l’inhospitalier Pont-Euxin, mais également un lieu parfait pour s’abriter des violents vents du nord », dit Internet.
On y est, n’est-ce pas ?

Résurrection

 

Comme dans sa Vita Nuova ou dans son Sacre, Castellucci nous rappelle que non seulement nous allons mourir, mais que cela n’est pas grave.
Que nous faisons partie d’un grand tout, et que toujours, les morts sont plus nombreux et nombreuses que les vivant·e·s.
D’autres apparitions vont faire corps entre elles pour nous entraîner vers un futur possible, où, en toile de fond comme la Divine Comédie, les corps nus tombent du ciel et s’effondrent au sol.
Mais, au milieu de toutes les peines du monde, une révélation est possible. Elle arrive d’un futur lointain, peut-être d’une autre planète, d’une autre cosmogonie.
Elle s’adresse à nous comme un ange, qui a beaucoup à nous dire, mais qui articule sa prophétie étrangement.
L’image qui surgit appelle toutes les références de Pietà possibles, qu’on a pu voir également dans son Sabbat Mater, il y a peu.
Cette posture de corps à l’abandon de l’autre, la tête renversée, est un motif essentiel dans l’œuvre de Castellucci, au point qu’ici il le réduit à une micro-sculpture en acier issue d’une petite cuillère tordue.
À l’heure du dernier repas de ces condamnés, ici excavés par d’étranges pompiers, ces mangeurs et mangeuses de patates ont-ils et elles eu, comme nous, des révélations faites d’une beauté qui sidère, faites d’évidences qui vous obligent ?

Pour une fois, chose rare, les interprètes viennent saluer. Il faut y voir un petit geste généreux d’espoir, l’autorisation de repartir vers le soleil, de retrouver l’île et sa lumière.
Cette performance puissante marque la Biennale. Elle réunit l’essence du travail de Castellucci : un geste dément, pur, ciselé, impeccable, qui va continuer à faire sens dans nos têtes jusqu’à notre dernier jour.

La biennale de théâtre se tient à Venise jusqu’au 15 juin

Informations et réservations

Visuel : biennale