Les Inaccoutumées de printemps de la Ménagerie de Verre se terminent ce week-end, déjà. Ce jeudi, nous avons pu voir la dernière création du chorégraphe Catol Teixeira et nous avons été subjuguées par la toute nouvelle révélation Alina Arshi.
Tout commence dans le White Cube qu’est le Off, ce soir, comme souvent, vidé de son petit gradin. Catol est là, en jean et torse nu, les seins nus, le regard et le sourire rieur. Il se pavane, se glisse comme un chat entre nous. Il prend son temps, il nous toise avec humour. Puis vient la danse et là, on ne rit plus. Dans un geste très bien exécuté, il visse le bas du corps et met le haut en mouvement dans une fragmentation tête / buste. Cette torsion devient un pas, de plus en plus vaste, et chemine du côté du voguing.
La pièce se nomme La peau entre les doigts et elle convoque tous les états d’un corps en transition, quelle qu’elle soit selon celle ou celui qui regarde. Dans ses pas, on voit les questions, les doutes et les fiertés.
Nous avions laissé Catol en suspension l’année dernière dans Clashes Licking, qui éblouissait par son fond et sa forme, mais qui manquait de dramaturgie. La peau entre les doigts est une pure pièce de danse, très bien écrite et très bien construite, qui convoque une beauté aux accents tristes.
Après quelques minutes de pause, nous montons à l’étage pour découvrir un espace défini par des patchworks assemblés qui déterminent la zone de jeu. Elle est seule en scène. Elle s’appelle Alina Arshi et vous devez retenir ce nom, car, croyez-nous, vous allez la voir partout dans les saisons à venir.
En attendant, elle est là ce soir devant une salle pleine à ras bord. Et elle attaque. Plus précisément, elle s’attaque, elle se mange. Et, elle laisse baver, presque vomir tout ce qui a pu la traverser, elle et toutes les générations qui l’ont précédée. Elle semble avaler, dévorer plutôt la bande son qui mêle bruits de voitures et meuglements de vaches.
Le mouvement est là, extrêmement lax. Elle fait un avec son buste se collant à ses membres inférieurs. Elle se contorsionne en maîtresse yogi.
Chaque repli de son corps semble faire un écho aux plis des bandes de tissus multicolores de son décor à la fois léger et très écrit
Sur la forme, elle porte en elle l’histoire des performances les plus organiques, il y a quelque chose de Marina Abramović en elle, une urgence à se montrer pour exister. Comme si un fil invisible était tissé entre toutes ces artistes qui se jettent dans le vide sans filet.
Quand elle hurle, aucun son ne sort de sa bouche, elle ferme ses orifices. On ne l’entend que mieux.
Un choc.
Visuel : MDV