Au Festival Faits d’Hiver, la scène du Colombier de Bagnolet est transformée en salle d’opération très particulière. Assis.e. s sur des coussins gonflés nous donnant la sensation de flotter, nous regardons tels des plongeurs et des plongeuses les fluidités de cette pieuvre très multiple.
Au Festival Faits d’Hiver, la scène du Colombier de Bagnolet est transformée en salle d’opération très particulière. Les lumières sont celles des hôpitaux, les belles, celles qui surplombent les chirurgien.nes, pas celles des salles d’attente. Un fauteuil fusionne les univers dentaire et gynécologique, un aquarium vide attend, Mathieu Bonnafous et Jules Bourret sont prêts à manipuler du son, Véronique Lemonnier patiente dans son coin vétue d’une chemise longue transparente en latex rouge, Raphaëlle Latini trifouille dans son atelier de prothèses, et Rebecca Journo compressée dans un haut zippé transparent et une jupette de patineuse en matière plastique commence à mettre en mouvement toute cette image digne d’une expo au Palais de Tokyo. Elle est à la table, debout. Une table folle, qui dégouline d’un truc rose visqueux et qui nous fixe de ses deux enceintes rondes comme des globes oculaires. Rebecca manipule des assiettes qu’elle fait glisser sur la surface, cela provoque des sons étranges, mi-marins, mi-métalliques.
Dans ce spectacle qui est tout à la fois un concert, une installation et une immersion, la maîtrise des éléments et leur interaction est fascinante. Comme dans le documentaire éponyme au titre du spectacle, les caractéristiques de la pieuvre sont explorées. On pense aussi à un film, oscarisé d’ailleurs, La sagesse de la pieuvre de Pippa Ehrlich et James Reed. Animal fascinant, car intelligent, la pieuvre nous obsède. Ses ventouses, ses tentacules, ses déplacements, ses cachettes, sa viscosité. Il s’agit de traduire cela en gestes, en mastications, en images et en sons, de façon allégorique et ludique.
La pièce crée des images folles. On voit, sur le sol enduit d’une substance transparente et collante, Rebecca Journo et Véronique Lemonnier danser au sol l’une dans l’autre, complètement repliées sur elles-mêmes et enchevêtrées. Il y a aussi cette séquence de performance pure qui voit Véronique Lemonnier se ventouser sur le fauteuil. La lumière précise et froide la sculpte dans un geste photographique.
Les amours de la pieuvre est beau, bizarre, il colle. C’est un all over performatif qui brille par son écriture précise.