Kit de survie en territoire masculiniste est une déambulation proposée dans Avignon dans le cadre de la sélection suisse. C’est une expérience immersive qui nous fait entrer dans un monde inconnu, glaçant, celui des masculinistes et des incel (mot-valise pour involuntary celibate),ces célibataires involontaires, comme ils se définissent eux-mêmes, des hommes hétérosexuels, qui sont incapables de trouver une petite amie ou une partenaire sexuelle. Une communauté qui fleurit en ligne et qui va faire des femmes leurs pires ennemies, jusqu’à les déshumaniser et les détruire.
Elle marche seule dans la rue et nous la suivons quelques mètres plus loin. Nous sommes à la fois les prédateurs potentiels et les proies. Chaque coin de rue, chaque tunnel sombre prend une autre dimension. On écoute dans un casque, les pensées qui se bousculent dans sa tête. Elle décrit un homme avec une grosse voiture qui rêve de trouver une femme grande et blonde avec qui il pourrait marcher sur la plage. Il donne des notes à celles qu’il croise, et il se sent humilié quand il leur parle.
Elle, la rue lui appartient aussi, mais elle ne le sait pas. Pour le moment, elle essaie de ne pas se faire remarquer. Et elle parle de ce danger permanent que vivent les femmes qui marchent dans la rue comme elle. Les hommes qui te sifflent, qui te demandent ton numéro (au mieux) ou qui t’agressent physiquement (au pire). Elle décrit ce que ça fait de marcher dans la rue quand on est une femme, et de trouver ça normal d’avoir peur Elle parle d’une phrase qu’elle a lu sur un mur : tous les hommes ne sont pas des violeurs mais toutes les filles ont peur d’être violées.
Elle raconte plusieurs agressions qu’elle a subi. C’est troublant car l’on imagine, en marchant avec elle, que cela pourrait aussi nous arriver à nous. Les perceptions sont brouillées. Les bruits de la vraie ville se mélangent avec ceux de la bande sonore.
L’homme lui, ne parle plus de fille mais de femoid, contraction entre female (femelle en anglais) et humanoid (humanoïde en anglais). On suit son évolution et on voit la folie le gagner. On le voit se radicaliser. Entrer dans ce système qui se nourrit du virtuel, de la frustration et de la peur. Il cherche une oreille attentive alors que la violence monte en lui. Il se sent condamné, il perd pied et sa quête va l’entraîner vers l’irréparable.
Kit de survie en milieu masculiniste est une plongée ordinaire dans un phénomène effroyable et insoupçonné. C’est un récit documenté qui se base sur des faits réels et qui convoque aussi celles qui se sont battues contre les masculinistes en ligne, comme la blogueuse Anita Sarkeesian, régulièrement menacée de viols. Le spectacle, né en 2021 à Genève sous l’impulsion de l’autrice, metteuse en scène et interprète Marion Thomas, adopte une forme singulière et engagée comme le reste des projets du collectif Pintozor Prod. fondé par Audrey Bersier et Maxine Reys, qui ont collaboré sur ce projet.
C’est un récit tout en nuance et en empathie, grâce à la confrontation des points de vue et une expérience à vivre, que l’on soit un homme ou une femme, pour comprendre comment la haine des femmes peut advenir et se transformer en violence systémique.
Kit de survie en milieu masculiniste, de Pintozor Prod. à la Manufacture jusqu’au 23 juillet à 18h et 20h, relâche le 19 Juillet. Durée 1h
visuels © PintozorProd