23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence    23.11.24 : Le 79e Festival d’Avignon aura lieu du 5 au 26 juillet 2025    Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon    19.11.2024 : Olivier Leymarie nommé nouveau Directeur général du Festival d’Aix en Provence
Agenda
Dossiers
Scènes
Auteurs et Autrices
Partenaires
Qui sommes-nous?
Contact
Agenda
03.07.2024 → 07.07.2024

« Juana ficción », le règne de La Ribot et Asier Puga sur le Festival d’Avignon

par Amélie Blaustein-Niddam
06.07.2024

La Ribot est une immense artiste. La très distinguée danseuse et performeuse espagnole insuffle depuis 1993 à la danse un vent de performance qui déroute, dérange et fascine. Ce Juana ficción ne fait pas exception. Cette pièce est un acte majeur à la fois pour l’histoire des femmes et pour celle de la performance.

 

 

Laissez hurler les oiseaux 

Le Festival d’Avignon est redevenu ce qu’il n’aurait jamais dû arrêter d’être : le lieu des chocs, des débats, des joies et des colères. Juana Ficción clive le public en deux. Certain.e.s détestent ce geste d’une radicalité rare, et d’autres, comme nous, restent bouche bée, émerveillé.e.s, pour ne pas dire subjugué.e.s, par cet acte aussi fou que l’histoire de la reine Jeanne Ire de Castille, reine légitime d’Espagne, enfermée pendant 46 ans.

 

Nous sommes le 5 juillet, la pièce joue depuis le 3 et on a tout entendu à son sujet : « C’est nul », « C’est n’importe quoi », « C’est beau », « Tu vas adorer, c’est de la perf pure », « Le public hurle ‘Remboursez !’ ». Quand on entre, l’ambiance est électrique dans le cloître des Célestins, magnifié par la lumière du crépuscule qui s’approche. Avant même que les corps arrivent, il y a une matière organique produite par des sons brouillons auxquels se mêle le vacarme des étourneaux qui hurlent en tournant dans le ciel. La Ribot avait-elle anticipé cela ? Que tous les soirs d’été, ces petits oiseaux recouvrent de leurs cris les bruits de la ville ? C’est ce qu’on appelle un cadeau du ciel, tant ce brouhaha colle à l’histoire qui va nous être « activée ».

Tordre la musique

Des pupitres sont installés autour d’un petit tabouret pivotant. Une armée d’hommes s’installe : chanteurs et musiciens. Emilio Ferrando (clarinette), Fernando Gómez (flûte), Xavier Olivar (alto), Joan Germán Oliveros (saxophone), Víctor Parra (violon), Juan Carlos Segura (synthétiseur), Zsolt G. Tottzer (violoncelle), et le chœur polyphonique Schola Cantorum Paradisi Portae : Marcos Castrillo Sampedro (ténor), Alberto Cebolla Royo (baryton), Rubén Larrea Perálvarez (alto) et Alberto Palacios Guardia (ténor). Le chef d’orchestre, Asier Puga, a l’allure d’un prince futuriste dans un costume tout en gaze et lunettes noires sur les yeux.

 

La Ribot va faire son entrée, et on n’a pas du tout envie de vous raconter ce qu’elle fait dans le détail. Il faut le voir pour le croire. La voir se transformer en animal puissant semblant flotter dans les allées du cloître – d’ailleurs, il n’y avait pas de meilleur lieu pour ce spectacle. Nous regardons, scotché.es, la musique qui dissonne pour mieux rassembler. Oui, nous regardons la musique. Elle convoque l’époque de la reine Jeanne Ire de Castille qui, après la mort de son mari, fut dépossédée de sa couronne et emprisonnée à Tordesillas. Le XVe siècle est là, dans des sonorités baroques, grégoriennes, qui auraient croisé Steve Reich dans une fête où la drogue était en accès libre. C’est fou, aussi fou que la pauvre Jeanne, humiliée et dépossédée, dans un monde où, parce qu’elle était femme, elle n’avait le droit qu’à une chose : disparaître.

 

Effectivement, c’est de la performance pure. Depuis l’année dernière, Tiago Rodrigues a renoué avec cet art majeur qui fait déborder les arts, qui pose des actes. Le festival s’est d’ailleurs ouvert par une autre reine du genre, Angélica Liddell. La Ribot, c’est encore autre chose. Elle aussi performe depuis les années 1990, et a déjà travaillé la figure de la reine Jeanne de Castille.

Retrouver Jeanne

De la tombée du jour à la nuit noire, nous allons donc vivre la chute de cette reine flamboyante, servie des pieds à la tête, abreuvée des meilleurs vins faits avec les raisins les plus généreux. La Ribot nous donne accès à son intimité, elle nous fait entrer dans son cachot d’une manière très originale et elle nous amène à vivre la disparition totale du corps de la monarque. En 2024, cette proposition résonne sur le fond. Des Jeanne de Castille réduites au silence, invisibilisées, il y en a encore bien trop.

 

Sur la forme, Juana Ficción est d’une beauté rare, c’est un acte pur, une succession d’images très étonnantes, dont la cohérence nous parvient à la dernière minute. Dans un ressort clé de l’art performatif, le temps est aussi flexible qu’elle le veut. La Ribot prouve une fois de plus sa puissance dans une écriture qui pose des gestes marquants, des gestes qui marquent le regard pour longtemps. Elle a passé toute sa carrière à annuler la frontière entre le corps et les objets, et aujourd’hui, elle annule la frontière entre le corps et la fiction.

 

Magistral.

Cloitre des Célestins, jusqu’au 7 juillet à 21 heures – Durée : 1h15-1h30.

Du 5 au 8 septembre à la Bâtie-Festival de Genève

Visuel : © Christophe Raynaud de Lage