« J’ai toujours rêvé d’être un ténor » : deux amies décomposent les genres de l’opéra à la Comédie des 3 bornes

L’épopée d’une femme qui veut devenir ténor

Lorsque les portes de la Comédie des 3 bornes se ferment et que l’on se juche sur ses confortables bancs aux coussins bleus, les deux artistes irradient déjà depuis la scène. Elles sont copines et ça se voit. Dans la vie comme dans leur pièce. Avec à la main le livre déjà culte de Louis Bilodeau, Genre et Opéra, Lucile Graziella incarne une jeune chanteuse lyrique qui en a marre de perdre sur scène. Pour ne pas finir suicidée, enterrée vivante, guillotinée ou poignardée, il faut qu’elle change de registre et peut-être de timbre pour devenir… un ténor.

Au clavier, Camille De Santis, qui a tendance à ouvrir le répertoire exigeant de l’opéra à la douce caresse de la pop et de la bossa nova, lui explique que ça lui permettrait également de percer plus facilement : les Trois Ténors, ce furent presque des icônes populaires… Aussitôt dit, aussitôt fait. Les deux copines font une résidence dans une abbaye de l’Oise, où le réseau téléphonique ne passe pas, et se dédient à écrire un spectacle où la chanteuse pourrait être… un chanteur ! C’est sans compter sur la véritable histoire de l’opéra qui s’est montrée très fluide, des castrats à Mozart, jusqu’à un XIXe siècle qui a figé les rôles et les destins des genres…

Déconstruire l’opéra par le genre

Avec une infinie complicité et avec  beaucoup d’humour et des traits d’esprit qui vont jusqu’à la vanne de stand-up, le duo de choc de J’ai toujours rêvé d’être un ténor déconstruit l’opéra à travers le genre, en choisissant des morceaux de bravoure pour mezzo, soprano et ténor, en nous délivrant aussi, à côté de Chérubin, Zerline et Carmen, des personnages moins connus avec des airs néanmoins superbes, comme le Pur chio possa d’Antoine et Cléopâtre composé par Johann Adolf Hasse. Ce faisant, elles dévoilent également les coulisses des galères des jeunes interprètes et le casse-tête d’auditions où vous ne semblez correspondre à aucun rôle.

Dans la mise en scène vive de Thibaut Marion, avec une agilité et une douceur mutines, Camille De Santis incarne la trentenaire polyamoureuse et festive, mais confidente comme au temps de Molière. De son côté, Lucile Graziella impressionne par la puissance de sa voix et l’énergie qu’elle transmet depuis la scène. Et le caractère intime du théâtre nous rappelle combien la voix, indifféremment de son genre, résonne, entre en nous et nous émeut. Sans rien dévoiler de la fin du spectacle, on peut déjà enjoindre tous les publics à aller voir et entendre cet ovni, en révélant qu’à la fin des genres, c’est l’amitié qui triomphe.

J’ai toujours rêvé d’être un Ténor – Spectacle Musical – Teaser from Compagnie Composite on Vimeo.