“Honda Romance”, le souffle mélancolique de Vimala Pons

« Ça pourrait commencer comme ça »

Nous sommes allés trop vite, vous trouvez ? À tout vous raconter comme ça, du début à la fin de la pièce ? Peut-être. C’est que Honda Romance n’est pas exactement une pièce classique du panthéon Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel. On se souvient du Système de Denver, où la circassienne se transformait en une multitude de personnages à coups de postiches très augmentés. « Augmenté », il faudrait plutôt dire Grand, ou Grande, du nom du spectacle qui a vu Tsirihaka Harrivel faire une chute de huit mètres, s’en remettre, et même en faire un solo, La dimension d’après, où il raconte « ça », sa chute, seconde par seconde.

Alors, nous voici à l’Odéon. Un rideau est baissé, pas le rideau rouge, non, un rideau sombre, aux allures de voile opaque. Et ça commence comme ça, par la vision de notre Vimala, d’habitude si forte, solide, manipulant des objets dix fois plus lourds et plus larges qu’elle, être à plat, de tout son corps, allongée sur le sol. C’est un satellite à taille réelle, c’est-à-dire immense, qui lui écrase les lombaires. Et on le sait, elle ne ment pas, elle ne fait pas semblant, le truc doit peser son pesant de vague à l’âme. Pendant qu’elle suffoque, la foule de badauds la regarde. L’une se barre la bouche de la main en signe d’effroi, quand d’autres se contentent de filmer. Le satellite parle, lui, bien en forme, et nous annonce qu’il est faux, qu’il est un outil romantique, d’où son nom, mash-up entre une marque de bagnole et le titre d’un livre pour adolescent·e·s : Honda Romance.

« Ça va mieux »

Porter, porter lourd, porter tout le temps, depuis plus de dix ans. Elle fait ça, Vimala. Elle porte, et surtout, elle se transforme en d’autres qu’elle. Avec cette pièce, elle nous dit qu’elle ne veut plus, qu’elle passe à la suite, que désormais, ce sera elle, d’abord, en conscience d’elle-même. Et si ça va mieux, alors oui, elle marchera comme on marche, tous et toutes, abandonné·e·s dans nos pensées. Elle provoque des images qui, on le sait dès qu’elles arrivent, vont nous coller au cerveau pour tout le reste de notre vie. Honda Romance est un drôle de spectacle où les actes se répètent, où le temps peut s’étirer pour nous dire que le temps de la guérison est long. En réalité, elle n’arrête pas, elle porte et se transforme, mais elle le fait autrement.

« Ça va vachement mieux »

Dans une extrême modernité, Honda Romance nous entraîne dans le fil d’une pensée qui suit un scroll sur les réseaux sociaux. Des bribes, rien que des bribes, voilà ce qu’elle nous donne à voir et à écouter dans sa scénographie qui avance vers une boite blanche surprenante.  Des bribes de son cœur en miettes, de sa dépression qui la submerge. Plus aucune pensée ne peut atteindre le statut d’une phrase dépassant les cinq secondes. Tout y passe, mais l’amour, la haine et le besoin énorme de solitude priment sur tout le reste. Elle prouve que se relever de tout est possible, que parfois, oui, la sensation d’être écrasée par des vents contraires très, mais alors très violents est une réalité. Et puis, la paix revient. Cela aussi prend un temps fou, le temps d’une marche presque militaire, les yeux droits devant soi, qui fait monter les larmes en même temps que les voix dirigées par une Rebeka Warrior lyrique. Car oui, il y a de la musique dans Honda Romance, de la musique qui donne envie d’aller danser un slow dans la rue après. Mais, voyons, nous n’allons pas tout vous dire. 

English Summary

Honda Romance by Vimala Pons tells the story of a woman crushed by life, observed but never helped, trying to rise again through exhaustion and tenderness. On stage, Pons carries the weight of a satellite, literal and symbolic, as she explores what it means to bear too much, too long. Between fragments of thought and emotional debris, the piece follows a melancholic rhythm of collapse and recovery, echoing the tempo of social media and the long journey toward healing.