Danseurs du courant hip hop mais aussi artiste visuel diplômé des Gobelins – école de l’image à Paris, Éric Minh Cuong Castaing a fondé la compagnie Shonen en 2007, avec laquelle il mène des projets très personnels, parfois déroutants qui s’apparentent plus à des expériences réflexives qu’à des spectacles ou des performances. Ses thèmes sont ceux de la vie, il cherche là où la société vibre et dit quelque chose de nous. La relation aux robots, le monde du handicap, l’enfance, pour chaque création il s’empare avec subtilité d’un fait de société, l’observe, l’écoute, le vit jusqu’à se l’approprier par des images qui disent le corps qui porte ces réalités. Entre images, témoignages sonores et robots, Hiku présenté à la Maison de la Culture du Japon dans le cadre du Festival d’automne s’empare du phénomène Hikikomori qui touche au Japon une population jeunes et souvent blessée par la vie.
« Devenir Hikikomori, ça peut arriver à tout le monde, ce n’est ni fainéantise ni lâcheté » dit l’un d’eux… Se mettre à l’abri du monde mais rester connecté par les jeux vidéo, les mangas etc. grâce aux écrans, jusqu’à se perdre dans ces univers fictionnels est une démarche qui touche des dizaines de milliers d’individus au Japon. C’est au début des années 1990 que ce syndrome est apparu en réaction à des difficultés économiques, à la pression de la société japonaise, et pour les jeunes à la difficulté de trouver sa place. Éric Minh Castaing et Anne – Sophie Turion nous livre sans affect cette posture de la modernité, s’isoler volontairement du monde.
La grande salle de la MCJP, vidée de ses gradins, est restructurée par des écrans, un grand en fond de salle, deux moyens (dont un à regarder recto – verso) installés en oblique, des chaises, des coussins, des objets épars. Doit – on circuler, s’asseoir, regarder et écouter les différents témoignages. Les images en plans séquences sont très belles. Cette errance mentale crée du vide en nous et c’est tant mieux. Bons spectateurs ou chercheurs de sens on sent la tension volontairement créée par le dispositif. Des écrans émergent des histoires, des corps reclus, des obsessions. Les Hikikomori qui se livrent ainsi sont sur le chemin du retour vers le collectif, les images montrent comment les éléments vont être leur guide : la terre pour l’un qui s‘adonne au jardinage, l’eau pour celui qui marche dans le lac, l’air senti autour de soi lorsqu’on est sur un vélo. Les informations pudiquement glanées nous parlent aussi des cinq sens, notamment le toucher que les Hikikomori oblitèrent au profit du regard sur l’écran et d’un imaginaire envahissant.
Ce dispositif va s’animer grâce à l’utilisation de robots commandés à distance. Shizuga, Matsuda et Yagi que l’on a vu sur les écrans vont nous parler, nous poser des questions, répondre à nos questions. Chacun pilote son robot depuis sa chambre et le déplace dans la salle au gré des envies. Yuika est avec nous pour traduire.
Très en phase avec l’époque, Hiku en associant images filmées, robots et nouvelles technologies confronte notre présence à ces hommes et femmes qui ont choisi de se retirer du monde ; présence – absence mélangées… La rencontre peut se faire ou non et là est tout l’enjeu ; que se passe – t – il entre le vivant, l’image et la technologie ? quelle communication existe-t-il entre le vivant partagé à la MCJP et le vivant solitaire qui arrive à travers un robot ? Avons-nous un intérêt les uns pour les autres et sur quoi se base -t- il hors de la présence réelle ? Toutes les questions autour de la nature de l’humain et de la communication moderne porteuses de désespérance s’exposent là sans donner de réponse.
Comme une épopée, tout au long de la soirée, sur les écrans, il est question d’une Hikikomori Démo, une manifestation des Hikikomori qui banderoles dressées, revendiquent leur marginalité… Retrouver ses semblables ? Besoin d’exister ?
Ne sommes-nous pas tous, malgré nous, des êtres de relation…
Tournée
Théâtre de Châtillon : 17 et 18 Novembre
Le Théâtre de Rungis : 24 et 25 Novembre
Houdremont centre culturel – La Courneuve : 15 Décembre
Visuel : ©Pierre Grosbois