Dans un programme double, la Ménagerie de verre offre un focus au chorégraphe et plasticien Grégoire Schaller : Deep Water avec Arthur Hoffner suivi de Ordeal by Water avec Anna Chirescu. Un fil tenu par une eau pleine de forces.
La première pièce prend place dans un univers très genré. Rose pour le sol, bleu pour les bidons. Et aussi, par-ci par-là, une corde à sauter et d’autres formes bien difficiles à définir. Grégoire Schaller apparaît – non, nous ne vous dirons pas comment – et il commence à jouer les haltérophiles un peu fragiles. Alors oui, il arrive à soulever ses étranges contenants, mais est-ce là, vraiment, le sujet de cette pièce ? En réalité, il est question d’eau et de recyclage. Il est question de ce que les images provoquent, en l’occurrence, ici, du rire ou de la surprise. La performance est très brève, elle dure trente minutes, et elle est très bien écrite. On reste bouche bée, l’eau bien collée à la bouche, devant cette pièce aux allures de magie. Pas question en 2023 de gâcher l’eau. Celle du spectacle est recyclée et recyclable, certes, mais comment arrive-t-il à justement rendre cette eau circulaire ?
Après quelques courtes minutes de transition nous entrons dans le off de la Ménagerie de verre qui ce soir a pris des allures de temple ancien. Nous retrouvons Anna Chirescu qui est la cofondatrice de la compagnie Anna & Grégoire. Anna Chirescu est une immense danseuse à la structure classique qu’on a très souvent vue évoluer également dans des formes contemporaines de type Cunningham. Pour ce spectacle, nous la découvrons totalement aux antipodes des endroits où nous la connaissons habituellement.
La pièce Ordeal by Water est en réalité un jugement qui s’inspire de l’histoire des séances de tortures médiévales. Pour savoir si une femme était ou non une sorcière, elle était plongée dans l’eau, généralement lestée d’une lourde pierre. Deux solutions, soit elle coulait, soit elle remontait à la surface… ce qui la qualifiait de sorcière…
Au son de la guitare de plus en plus expérimentale de Simon Déliot, Anna Chirescu passe de l’image d’une escrimeuse rouge à une samouraï noire.
Sa danse, physique, tendue et organique convoque les esthétiques de la fin du siècle dernier. Jan Fabre et Dave St-Pierre sont ici littéralement cités. Que dit un corps nu jeté à l’eau aujourd’hui ?
Contrairement au monde d’avant, il n’est pas érotisé, il ne subit pas, il s’en sort.
Ce double programme permet d’entrer dans le grand bain du travail de Grégoire Schaller.