À Loos-en-Gohelle, Culture Commune – Scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais met son lieu d’implantation, la Base 11/19, en tenue de fête à l’occasion du Festival de la Sainte-Barbe. Cette manifestation populaire, qui a lieu le premier week-end de décembre dans tout le bassin, donne lieu à une série d’installations et de représentations qui sont autant de prétextes pour se réunir au pied des terrils.
Sainte Barbe est la patronne du feu, des pompiers, des artificiers… C’est la raison pour laquelle elle est associée à la mine, et qu’une fête populaire s’est développée autour d’une procession lors de laquelle une statue de la sainte patronne monte notamment le long des pentes des terrils. La dimension festive ayant largement pris le pas sur la dimension religieuse, les collectivités locales ont fortement accompagné l’émergence d’événements venant composer un véritable festival, dans toute la communauté d’agglomération. A Loos-en-Gohelle, Culture Commune s’est associée à la célébration, façon de rapprocher l’art subventionné et fête traditionnelle et populaire.
L’intention est louable, et le résultat spectaculaire. Culture Commune a engagé depuis plusieurs saisons un travail de recherche, via des accueils en résidence, autour des spectacles de pyrotechnie. L’occasion est trop belle pour ne pas en faire la colonne vertébrale de cette participation au festival de la Sainte Barbe. C’est ainsi que la Base 11/19, ancien site minier reconverti que la Scène nationale partage notamment avec des entreprises de la transition énergétique, se transforme le temps d’une nuit paysage enflammé, avec la complicité de la compagnie Titanos, dont le savoir-faire en matière de construction, de soudure et d’installations foraines se traduit par l’implantation de braseros sur tout le site, atteignant des tailles assez monumentales, avec des mécanismes qui génèrent des mouvements autonomes en utilisant la chaleur dégagée par le feu. En même temps, Les Machines de la compagnie Dynamogène passent au milieu des rangs de plus en plus serrés de la foule, avec ses drôles d’engins roulants pilotés par des ouvriers-musiciens rompus aux grands rassemblements.
Viennent ensuite les spectacles à proprement parler. La Fabrique de la compagnie néerlandaise Doedel ouvre le bal. Ce spectacle pyrotechnique vaut surtout pour sa scénographie impressionnante, sorte de recréation d’un univers à la Mad Max, mélange de références au monde industriel et d’accents dystopique et, de façon surprenante, pas dénué d’une dimension sacrée. Cette dernière naît sans doute d’un maniement très ritualisé du feu, qui, d’abord contenu, finit dans une apothéose infernale et plutôt jouissive. On ne peut pas dire que l’histoire que jouent les interprètes soit bien claire, si tant est qu’il y en ait une ; mais il est indéniable qu’il y a une sorte de chorégraphie du mouvement, et un savoir-faire technique dans l’utilisation du feu, y compris dans la manipulation de ce qu’il symbolise et dans son pouvoir de fascination, lui qui est à la fois danger et source d’une chaleur et d’une lumière qui sont précieux à l’approche du solstice d’hiver.
Dans la foulée, Le concert enflammé de la compagnie Tout en Vrac constitue une entraînante seconde partie de soirée. Là aussi, beaucoup de l’effet tient à la scéno : un poil de pyrotechnie, mais surtout une improbable voiture habillée de facettes, suspendue à 9 mètres de hauteur, brillant de mille feux sous les nombreux projecteurs braqués sur elle. Sa lente rotation est d’autant plus hypnotisante qu’elle a pour fond un décor pas banal : le cavalier du puit de la fosse 11. Dans la remorque-scène, le groupe Johnnie Carwash balance un rock festif et pas chichiteux, oscillant entre grunge et surf rock réhaussé d’un brin de psychédélisme. La chanteuse assure, le batteur tient un tempo endiablé. Sur la pelouse de la Base 11/19, le public se trémousse dans le froid, un vin chaud à la main.
Culture Commune a trouvé là une façon de s’associer à un événement populaire en fignolant un numéro d’équilibre délicat entre qualité artistique et accessibilité à tous les publics. Si l’on en croit les indices disponibles, entre arrivée tardive de spectateurs venus directement du stade à la fin du match de football et impossibilité d’avoir accès au bar ou au camion-friterie en moins de 20 minutes d’attente, le succès semble au rendez-vous pour cette participation au festival de la Sainte Barbe.