« DOWN BEAT », Dash Che et Suvi Tuominen mâchent jusqu’à la reconnaissance à Moving in November
par Amélie Blaustein-Niddam09.11.2025
Au sein du festival radicalement international qu’est Moving in November, se niche Focus on the Local Landscape, qui, comme son nom l’indique, nous permet de repérer les talents finlandais. Au sein du Musée du Théâtre, nous avons adoré le duo à l’aérobic collant composé de Dash Che et Suvi Tuominen. Cela s’appelle Mean Time Between Failures: DOWN BEAT et ça se mâche en mode performance foutraque.
« Start chewing when the show begins »
Nous voilà accueillis par Dash Che et Suvi Tuominen, toustes deux vêtu·e·s de survêtements rouges et de baskets flashy. Iels nous tendent un petit récipient rempli de trois chewing-gums et nous donnent un ordre à peine formulé comme un conseil : « commencez à mâcher quand la performance débute ». Le duo enlève le haut pour elle et le bas pour iel. Elle se retrouve en brassière et iel en slip moulant, tous deux jaune fluo. L’esthétique est très 80’s, ambiance Véronique et Davina version finnoise. On se marre sévère face à leurs mouvements de gym bien stéréotypés, dignes des cours de sport uniformisés. Les genoux montent, les bras se plient, les fronts sont en sueur et surtout, tout le temps, les mâchoires mâchent des chewing-gums dégueulasses, sans sucre et aux goûts improbables.
« From mistake you rise to victory »
De quoi le chewing-gum est-il le symbole ? De la Libération en 1945, certes. Mais le duo nous fait plutôt saliver en référence à une autre artiste : il revisite la série d’œuvres S.O.S Starification de l’Américaine Hannah Wilke, figure des années 1970, qui utilisait, elle aussi, le chewing-gum pour dénoncer l’instrumentalisation du corps féminin, en particulier dans le monde de l’art dominé par les hommes.
Nous avons envie d’aller plus loin, sur un terrain plus philosophique. Le goût de ce geste dure quatre minutes, au bout de quatre minutes vous mâchez du rien, et pourtant vous mâchez encore. Dans un jusqu’au-boutisme réjouissant, le duo pousse cette idée de vanité collante jusqu’à son terme et nous embarque, avec délice et, pour le coup, beaucoup de saveur dans le délire.
« Choose the beat, follow the beat »
Mâchez, mâchez, sinon les artistes n’auront plus rien à nous offrir pour attirer le regard des institutions qui les financent de moins en moins. Quitte à se montrer, il faut le faire à fond, offrir son corps au public, devenir un objet parmi les objets, à défaut d’une œuvre d’art bonne pour un musée du théâtre contemporain.
Dash Che et Suvi Tuominen nous amusent autant qu’iels nous entraînent dans leur pétage de plomb en règle. Évidemment, on ne vous en dira pas plus. Mais au son d’une techno implacable, la bouche toujours semi-ouverte pour faire aller et venir les mâchoires, iels débordent la représentation, nous y incluent dans une forme de mise en scène de soi à la fois rigolote et percutante.
Est-ce que les artistes sont bons à jeter, au même titre qu’un chewing-gum finira collé salement sous une table ? Le parallèle est franc, et malheureusement, il est dans l’air du temps, en Finlande comme en France.
Yhteenveto suomeksi :
Mean Time Between Failures: DOWN BEAT on suomalaisduon Dash Chen ja Suvi Tuomisen energinen ja humoristinen esitys, joka yhdistää kehon, rytmin ja purukumin performanssiksi. Teos leikittelee 1980-luvun aerobic-estetiikalla ja viittaa taiteilija Hannah Wilken teokseen S.O.S Starification, jossa purukumi symboloi naisen kehon välineellistämistä. Esitys on fyysinen ja ironinen kommentti nykytaiteen ja rahoituksen suhteesta. Purukumia pureskellaan, kunnes maku katoaa, mutta liike ja ääni jatkuvat – aivan kuten taiteilijat itse, jotka jatkavat, vaikka järjestelmä yrittäisi les épuiser.
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Visuel : ©Karoliina Korovuo
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