… ce serait sûrement par le spectacle de rue. Depuis mi-juillet, la compagnie Akouma déclame son poème-fiction alternant spectacle de feux et mise en lumière dans la vielle cité. Jeudi dernier environ 3000 personnes ont assisté à une performance stylée, alchimie éphémère de l’architecture des lieux, de la maîtrise pyrotechnique et de la poésie déjantée de cette troupe à l’art complet.
En un jour et une nuit chaque semaine depuis mi-juillet, le nouveau rituel hebdomadaire de Terrasson-Lavilledieu convoque la tradition du spectacle de rue dans son centre historique. Avec cette formation de feu, la mairie a fait le choix radical d’attiser au briquet-tempête sa programmation culturelle de l’été. La ville connue pour son patrimoine historique réenchante le spectacle vivant pour mettre en lumière ses vieilles pierres. La place pavée au carrefour des cluseaux a traversé les guerres et les famines, nœud stratégique pour relayer les histoires. A l’instar des JO, l’activité festivalière de Terrasson, rend honneur cette année à ce parent pauvre de la culture. Et si le premier des patrimoines historiques à préserver était l’art de la rue ? L’émotion directe et sans filtre de l’imaginaire pour nous reconnecter aux prouesses et à notre fragilité.
Acrobates, jongleurs, sculpteurs, musiciens, les artistes se confondent dans cette compagnie qui cultive l’art de la troupe. L’installation est en soi spectaculaire. Un carrousel de fer et de verres dégouline de lumière qui jaillit de la fontaine. Les sculptures fantasques et gigantesques de Pierre Fremy occupent l’espace et enlumine l’édifice de l’abbaye par des guirlandes de lanternes. Poissons insolites, mante religieuse et araignée géantes, scarabée fumant la chicha ; ont trouvé logis dans ce pays des merveilles. Et surtout, une lune géométrique haute de 5 mètres qui abrite les trapézistes romantiques Marie Lacaze et Airelle You. Au violon, le virtuose GuillaumeThiriet ancien élève du conservatoire de Tarbes, fait raisonner une partition ensorcelante du haut de la muraille. Le mime est partout en trait d’union des différents tableaux, emmené notamment par le jeu théâtral de Marie-Jo Grau la plus ancienne de la troupe, et Kevin Lebrun le plus jeune. Il suffit d’un tour de clé pour déployer la lune et très vite le Jardin imaginaire de Terrasson révèle sa magie dans une épopée fantastique où tous les arts se côtoient dans un design musical organique créé par Roger Cazenave du groupe No flût.
Depuis son promontoire de la vallée de la vézère, l’imposante église de Saint-Sour regarde la lune de fer qui s’est posée aux pieds de ses remparts. Le soleil se couche à peine quand une brigade de petites mains allume discrètement 1200 bougies qui font doucement vaciller le ruban de pierre. Le crépuscule descend et les murmures s’élèvent, lorsqu’à 9 heure pétantes, les notes cognent comme des gouttes de pluies sur la carcasse de l’astre forgé. Un aviateur déglingué envoie une bande sonore hypnotique. Et 2 colombines en habit futuristes semblent suprises de découvrir cet auditoire curieux. A partir de cet instant, le bizarre s’empare du Jardin imaginaire et se dilue dans l’univers onirique d’Akouma, étrangement poétique et délicieusement effrayant. Dans un parcours de lumière, on suit le feu sacré qui passe de scénettes en tableaux extravagants où les colombines jouent avec la lune, où un violoniste fait dérailler le soir, où des jongleurs paradent en feu, où des poissons improbables assis sur un banc nous regardent déambuler, et où seules les ombres animent les bestioles géantes. Tout cela dans un rythme déconcertant jusqu’au feu d’artifice détonnant tiré du clocher gothique flamboyant. Puis la troupe se rejoint pour se lâcher littéralement dans un final explosif sur la lune. Une furie apocalyptique déchire la nuit du Périgord noir. Les spectateurs semblent se donner la main, captifs du délire foisonnant de cette bande d’allumés jusqu’au final déjanté.