Dix ans après Platée et pour célébrer ses 80 ans, le chef d’orchestre des Arts Florissant William Christie retrouve le metteur en scène Robert Carsen pour des Fêtes d’Hébé qui célèbrent un Paris contemporain à l’Opéra comique.
Hébé, déesse de la jeunesse en charge de verser le nectar aux dieux, part en goguette parmi les mortels et entend bien s’y laisser enchanter. Direction les bords de Seine pour vivre « le plus aimable séjour ». Succès immédiat à sa création en 1739 à l’Opéra de Paris, le deuxième opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau, sous-titré « Les Talents Lyriques », met autant la danse en avant que le chant. L’ayant enregistré en 1997 avec ses mythiques Arts Florissants, et à chaque fois plus génial dans le plaisir avec lequel il partage la musique baroque française, c’est cette joyeuse Fête d’Hébé que « Bill » Christie s’offre pour souffler ses 80 bougies.
Dix ans après le mythique Platée du même Rameau, c’est à l’Opéra Comique qu’il retrouve pour cette fête son complice de 11 opéras, le metteur en scène Robert Carsen. Et ce dernier a pris très au sérieux l’invitation aux plaisirs parisiens en leur donnant un tour « JO ». Visuellement, cela reste Carsen, avec quelques lumières et mises en abyme très séduisantes. On adore l’ouverture et la fin qui font avancer d’un plan de clubbing fluo dans un ciel violacé vers un départ en bateau. Mais le traitement du livret redondant d’Antoine-César Gautier de Montdorge reste peu inspiré, sans d’ailleurs remplir la promesse « office du tourisme » de rendre Paris moderne et désirable : les barrières, les pierres vieillies du bord de scène et les berges qui ressemblent à des bouts d’autoroute ne sont pas plus vendeuses que les costumes démodés des chœurs. Malheureusement, pour cet opéra-ballet qui donne vraiment envie de danser, les propositions chorégraphiques de Nicolas Paul sont à l’avenant : elles mêlent du classique et une touche de hip-hop très « sport compatible ».
Si l’intrigue ne permet pas une passionnante mise en scène, le vrai nectar de La Fête d’Hébé sont bien la musique et les voix, portées par une vraie jeunesse sur scène. Absolument radieuse, excellente danseuse et en maîtrise de tous ses airs, comme « Bois chéri des amours » ou « Tu chantais », Léa Desandre est simplement envoûtante dans des rôles allégoriques pourtant si difficiles à incarner. Dans le duo de la dernière entrée, en Mars rocker, Marc Mauillon est également excellent. De manière générale, c’est avec infiniment de grâce que les chanteurs se coulent dans leurs rôles de naïades ou d’amoureux avec une ardeur juvénile et un naturel qui rendent hommage à l’œuvre. Plus musicien que littéraire, explique William Christie dans le livret, Rameau est ramené à sa gloire par l’orchestre : le public, qui emplit la salle Favart, y retrouve quelque chose comme un des meilleurs DJ de son époque. Un très beau cadeau d’anniversaire du chef d’orchestre, qui danse pendant les saluts. À voir jusqu’au 28 décembre (il reste quelques places !)
visuel (c) Vincent Pontet