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Violence, sexe et mort : « Carmen » by Bieito au Teatro Colón de Buenos Aires

par Marta Huertas de Gebelin
28.07.2024

Si l’on ne devait retenir qu‘une production de Calixto Bieito, ce serait sans doute Carmen. À 25 ans de sa création, l’opéra de Georges Bizet revu par le metteur en scène espagnol, traverse l’Atlantique Sud pour accoster dans l’ample vaisseau du Teatro Colón de Buenos Aires où il est servi par une distribution solide.

Le Teatro Colón de Buenos Aires s’est longtemps démarqué par des saisons d’opéra où excellaient les plus prestigieux interprètes et chefs d’orchestre du monde dans des mises en scène grandioses et traditionnelles. Habitué à ce genre de spectacles coulés dans le même moule, le public des abonnés en redemande tous les ans, s’opposant ainsi farouchement aux productions qui secouent les usages établis. Pourtant, depuis la pandémie du Covid19, ce grand théâtre lyrique argentin cherche à insuffler un vent de renouveau dans sa programmation. Pour ce faire, ces dernières années il a fait appel à des directeurs de scène renommés tels que Stefano Poda, Damiano Michieletto, Romeo Castellucci ou Barry Kosky.

 

Dans cette saison 2024, ce fut le tour de Calixto Bieito et sa Carmen polémique. Pour le retour de ce titre-phare du répertoire après onze ans d’absence, le choix du Théâtre s’est porté sur la version revisitée du metteur en scène espagnol qui, poursuivant son parcours international commencé au Festival de Peralada en 1999, a traversé pour la première fois l’Atlantique Sud et débarqué dans la capitale argentine pour huit représentations jouées à guichets fermés.

Carmen by Bieito : une société où règnent la violence, le sexe et le machisme

La Carmen de Bieito n’est pas une version de tout repos. Dieu merci, elle est loin de toute espagnolade et de la réduction de la culture ibérique aux mondes du flamenco et des corridas. De ce fait, partout où elle est jouée, elle a ses partisans et ses détracteurs, aussi farouches les uns que les autres. Quoi qu’il en soit, c’est une production qui ne laisse personne indifférent, et l’une des mises en scène dont on a le plus parlé depuis 25 ans. Malheureusement, le programme imprimé par le Teatro Colón n’en tient compte ni dans sa couverture (une femme en robe rouge à volants et grand peigne dans les cheveux) ni dans son argument qui situe l’action au XIXe siècle à Séville et dans ses environs , ce qui a pu en déconcerter plus d’un.

 

Pour sa part, Bieito fait revivre l’histoire de Carmen dans une ville espagnole de la côte africaine – Ceuta ou Melilla – au début des années 70. Pourquoi le déplacement dans l’espace et dans le temps de cette Carmen, toujours aussi espagnole quoique composée par un Français ? Les choix de Bieito ne sont pas du tout innocents. À l’époque, ces villes faisaient partie du Sahara Espagnol, délimité par des frontières terrestres avec le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie. Patrouillé par la « Guardia Civil » qui menait la lutte contre les trafics en tout genre et la contrebande, ce territoire était aussi celui des légionnaires espagnols de la fin de l’ère franquiste (Franco avait été l’un des chefs de la Légion au tout début de la Guerre Civile). Bieito en fait des brutes assoiffés de sexe, aimant la bagarre mais acceptant la soumission à une discipline de fer propre à certaines armées (le soldat sanctionné à courir en cercles jusqu’à l’épuisement).


Dans l’autre camp, paradent les bohémiens, contrebandiers et proxénètes qui, dans les frontières du pays et aux marges de la société, tirent profit des prostituées sous leur coupe et du trafic de produits illicites. Des deux côtés règne le mythe de la virilité associée à la violence. L’homme, « le vrai », se doit d’être le plus fort sur tous les plans.
Dans cette société marginale, les femmes – cigarières, bohémiennes, contrebandières ou belles Barbie du boom touristique dont la vie est signée par l’alcool, le sexe et la violence – se frayent tant bien que mal leur chemin.

 

Si Bieito se sert de ces autres stéréotypes, c’est pour mieux mettre en évidence que virilité exacerbée et violence sont des composantes du machisme qui aboutissent trop souvent au meurtre. Dans nos sociétés (et encore plus dans l’Espagne réactionnaire et moraliste du début des années 70), la violence exercée par les hommes, autant sur ses congénères que sur le « sexe faible », était un fait quotidien socialement accepté dans certaines circonstances. Et les « crimes passionnels » – aujourd’hui appelés de leur vrai nom : féminicides – étaient couramment justifiés par les soi-disant attitudes aguicheuses ou inconséquentes des femmes.

 

Pour une production où la direction d’acteurs (reprise par Yves Lenoir) est au centre du jeu, la conception scénographique d’Alfons Flores, les costumes de Mercè Palima et les très beaux éclairages d’Alberto Rodriguez Vega sont aussi des éléments essentiels au service de l’histoire. Dans un plateau nu, les éléments du décor, hautement symboliques, sont tous étroitement associés à la virilité, la domination masculine, le sexe ou la mort : le mât du drapeau au premier acte (soit dit en passant, le pseudo-drapeau espagnol sur scène n’en est pas un puisqu’il y manque les armoiries d’Espagne sur la bande jaune) ; les nombreuses voitures du deuxième acte ; au troisième, la silhouette du taureau d’Osborne et le rite initiatique du torero dansant son « baptême lunaire » la veille de la corrida (sous des murmures scandalisés lors de la première) et enfin, au quatrième acte, le cercle des arènes où Don José va donner la mort à Carmen.

Une distribution où le féminin l’emporte sur le masculin

Bizet et ses librettistes Ludovic Halévy et Henri Meilhac avaient adapté la nouvelle Carmen de Prosper Mérimée sous la forme d’un opéra-comique qui associait passages parlés et numéraux musicaux. Or, après sa mort prématurée, son ami Ernest Guiraud a remplacé les dialogues par des récitatifs. Cette version est devenue la plus représentée dans le monde entier. Bieito a pourtant choisi de conserver certains dialogues parlés du livret original… tout en éliminant la plupart d’entre eux. Hélas ! Ce fut la pierre d’achoppement des chanteurs solistes dont la prononciation du français laissait fort à désirer (surtout dans les passages parlés), à un exception près, celle de Francesca di Sauro.

 

Pour sa deuxième production de Carmen, la mezzo italienne campait une bohémienne d’une jeunesse éclatante. Âgée de 29 ans, di Sauro n’a pas que le physique du rôle, elle a aussi une voix très belle, bien timbrée, veloutée et homogène, parfaitement placée. On n’est sans doute pas face à une de ces Carmen à la voix sombre de stentor, mais à une jeune mezzo lyrique aux couleurs chaleureuses et au chant très musical. Pour que tout soit parfait, il lui faudra encore dompter quelques aigus légèrement acidulés. Elle y arrivera sans doute avec le temps. À l’heure actuelle, dès son premier air (« L’amour est un oiseau rebelle »), elle s’est imposée en jeune fille impertinente et sensuelle, mais jamais vulgaire, et s’en est sortie plus tard avec panache des scènes érotiques. Sa Carmen veut surtout jouir de la vie à sa guise (« Les amours de Carmen ne durent pas six mois », précise Escamillo) et sauvegarder sa liberté, son seul trésor, même face à la mort. Pour ce faire, la bohémienne séduisante et manipulatrice du premier et du deuxième actes va évoluer vers plus de gravité jusqu’à la scène finale intense et poignante (Don José lui tranchant la gorge), qui a valu des applaudissements prolongés aux deux principaux interprètes.

 

Le ténor Leonardo Caimi y a mis du sien dans cette scène, bien entendu. Il connaît bien son Don José qu’il a chanté de nombreuses fois et son personnage est pleinement crédible. Ceci dit, sa voix, puissante et d’une couleur séduisante, semblait par moments fatiguée et son émission un peu forcée. Tout compte fait, on le sentait plus à l’aise, donc plus convaincant, dans les moments dramatiques proches du chant vériste, que dans les passages lyriques.

 

Par contre, la Micaëla de l’argentine Jaquelina Livieri – que l’on avait appréciée en juin dans le rôle de Liù – a fait l’unanimité (ou presque) sur sa prestation vocale et théâtrale saluée par des bravos et des applaudissements nourris, surtout lors de son air « Je dis que rien ne m’épouvante ». Cependant, le caractère que Bieito lui a attribué était bien loin de la villageoise timide de Bizet : elle embrasse à plusieurs reprises Don José sur la bouche et défend son homme en crachant sur Carmen avant de quitter la scène avec lui. De ce fait, le contraste se délite entre la bohémienne effrontée et délurée, et la jeune fille pudique et réservée que Micaëla est censée représenter. Mais Livieri a tourné cela à son avantage en laissant libre cours à sa voix lyrique d’un beau timbre, grande projection et couleur agréable.

 

Escamillo était le baryton-basse espagnol Simón Orfila, un torero séduisant par sa belle prestance et son interprétation scénique convaincante. Il est, comme Caimi, un habitué de son rôle, et doit sans doute connaître fort bien le défi consistant à garder un style de chant élégant tout en faisant face aux difficultés techniques, notamment dans les notes aigües de l’archi-célèbre « Chanson du Toréador ». Mais là, malgré sa voix percutante, son savoir-faire, et un medium et des graves attrayants, il n’y arrive pas toujours.

 

Quant à Laura Polverini dans le rôle de Frasquita et Daniela Prado dans celui de Mercédès en jeunes filles aux allures aguichantes et déjantées, elles sont bien convaincantes toutes les eux. Le reste de la distribution – Felipe Carelli (Moralès), Cristian De Marco (Zuñiga), Sebastián Klastornick (Dancaire) et Pablo Truchljak (Remendado) – était à l’avenant, surtout en ce qui concerne leur performance théâtrale.

Pour cette production, le Chœur du Teatro Colón, soigneusement préparés par Miguel Martínez, le Chœur d’enfants apportant sa part de fraîcheur au spectacle et l’Orchestre du Théâtre ont été dirigés par le chef géorgien Kakhi Solomnishvili qui a livré une lecture agile et riche en nuances de la belle partition de Bizet. Il aurait peut-être fallu un peu plus de punch à certains moments, mais ce fut globalement une version soignée et équilibrée.
Sans conteste, la grande triomphatrice de la soirée a été la musique de Carmen, l’éclat de ses mélodies inoubliables, l’habileté de Bizet à dépeindre les émotions de ses personnages. Et, si le soir de la première quelques spectateurs ont hué la mise en scène de Bieito (qui était absent), cela ne s’est pas reproduit dans la représentation à laquelle nous avons assisté. Bien au contraire, le public conquis et encore bouleversé par le violent féminicide qui s’était déroulé sous ses yeux a chaleureusement applaudi les deux protagonistes aux saluts devant le rideau, puis tous les artistes et musiciens sur la scène.

Visuels : © Arnaldo Colombaroli