Tube du répertoire, le chef-d’œuvre de Bizet se retrouve à l’affiche de l’Opéra de Prague pour de nombreuses dates.
Comme diraient les Pet Shop Boys : « Go West »… Après notre escale au Semperoper Dresden, direction la République tchèque, et plus particulièrement Prague. Au programme en ce moment, deux chefs-d’œuvre dans deux salles différentes, toutes deux gérées par le National Theatre. Au Théâtre des États se tient un Don Giovanni (et le lieu est celui de la création de l’opéra par Mozart en personne, en 1787). Notre choix s’est pourtant porté vers une œuvre très chauvine, le Carmen de Bizet. Le Théâtre national, situé dans la ville nouvelle, inauguré en 1881, se retrouve ravagé par les flammes deux semaines après son ouverture… Reconstruit, le théâtre, dans un style néo-Renaissance, reste impressionnant. En ce début du mois de septembre, on côtoie surtout des touristes. Les habitués seront peut-être là quelques jours plus tard pour une vraie production opératique signée Calixto Bieito, le Katya Kabanova de Leoš Janáček.
La mise en scène de Carmen signée Grischa Asagaroff semble tout droit sortie des années 1990, et on peine à croire qu’elle a été créée post-Covid. Dans un décor unique ou presque (une sorte d’escalier) où changent quelques éléments, le metteur en scène nous présente une Espagne de pacotille (un grand drapeau espagnol flotte au premier acte, au cas où). Les costumes sont sérieux, mais paraissent tout droit sortis d’un décor de cinéma. Cette production colle au plus près du texte, sans aucune idée, faisant fi de toutes les relectures récentes qui ont pu nous réjouir ou non (Dmitri Tcherniakov à Aix, Olivier Py à Lyon, même Calixto Bieito à Paris…). Heureusement, le metteur en scène sait diriger ses acteurs, moments intimes comme moments de foule.
Côté voix, évacuons le problème de la prononciation du français (de même, que diraient des Tchèques s’ils assistaient à un opéra de Janáček dans un de nos opéras nationaux ?). Lorsqu’ils chantent, il est très difficile de comprendre chanteurs comme chanteuses. La Carmen pulpeuse de Lilia Istratii a quelque chose de très sensuel dans sa gestuelle, comme dans son chant. Le Don José de Aleš Briscein a la voix puissante, et habite son personnage avec justesse. Si le français de la Micaëla de Alžběta Poláčková pourrait vraiment être perfectible, son timbre est en revanche bien vivant, mais son souffle fait défaut, et on note quelques fois d’un manque de respirations. Enfin, l’Escamillo de Svatopluk Sem possède la puissance de son personnage présomptueux, mais il manque tout de même un peu d’incarnation.
Finalement, c’est bien le chef Rastislav Štúr qui mène l’opéra de bout en bout avec solidité et robustesse. Après un Prélude très pompier au tempo rapide, le chef d’orchestre soigne ses entrées et se révèle réellement à l’écoute de ses chanteurs.
Carmen, Georges Bizet, Opéra de Prague, représentation du jeudi 04 septembre 2025, Mise en scène de Grischa Asagaroff, Direction musicale de Rastislav Štúr, Avec Lilia Istratii, Aleš Briscein, Alžběta Poláčková…
Visuel : © Zdeněk Sokol