Nous attendions beaucoup de la direction de Riccardo Muti. Rigoureuse et précise, elle ne s’avère pas, pour autant, particulièrement éblouissante. Aux côtés de Piero Pretti, la distribution brille principalement grâce aux seconds rôles.
Les Ballo in maschera de Verdi se suivent… et ne se ressemblent pas. Le Liceu de Barcelone vient de tirer le rideau sur son spectacle, que c’est le Teatro Regio de Turin qui se saisit de l’opéra de Verdi pour des représentations qui s’étaleront jusqu’au 3 mars.
Le déplacement était principalement justifié par le retour dans la fosse du théâtre du maestro Riccardo Muti. On connut, par le passé, le chef capable de transcendance, voire d’une tension extrême notamment chez Verdi.
Mais, pour ce Bal masqué, Muti semble s’être assagi et ce n’est pas le choc attendu. Comme on pouvait s’y attendre, la rigueur est au rendez-vous et, à la tête de l’Orchestre du Teatro Regio, Muti se montre, à tout moment, soucieux de colorer les ambiances diverses dans cet opéra qui regorge de changements de tons. Le travail d’orfèvre est respectable et les différents pupitres apparaissent dans leurs belles lumières. Et si quelques sèches ponctuations des percussions soulignent les moments d’acmé tragique et que les scènes finales du premier et du second actes ont une belle ampleur, le travail de Muti ne s’avère pas suffisant sur la longueur, faute d’une appréciable tension, pour toujours amarrer le spectateur au drame.
La mise en scène, assurée par Andrea De Rosa, constitue la principale bonne surprise de la soirée. Si nous nageons en plein classicisme, De Rosa sait utiliser les capacités techniques de la grande scène du Regio pour faire surgir la noirceur, au centre de la scène. Ainsi, au milieu de l’univers grandiloquent d’un Palais où la décadence le dispute à une atmosphère assez sinistre qui n’est pas sans rappeler celle du « Fantôme de l’Opéra », apparaît une effrayante sorcière semblant émerger du monde des morts. De même, la scène du cimetière est digne de l’enfer de Dante avec ces corps sortant de terre comme les cadavres pétrifiés de Pompéi. Au final, avec les très beaux décors de Nicolas Bovey et les costumes somptueux d’Ilaria Ariemme, les scènes sont, à tout moment, suffisamment puissantes. L’on regrettera juste une certaine confusion dans les scènes de foule faisant souvent perdre de vue les protagonistes principaux.
Piero Pretti est, tel qu’on le connaît, un Riccardo efficace qui ne montre jamais de faiblesses et assure crânement (bien que manquant parfois de nuances) les emportements du Conte.
En revanche, si la Amelia de Lidia Fridman est très engagée dans son interprétation, la voix s’avère par trop raide dans un rôle dans lequel on attend de véritables instants de douceur. Dès lors, on peine à qualifier cette voix assise principalement sur les graves, pas toujours stable dans le médium et l’aigu avec un fort vibrato au début. La rondeur nécessaire n’y est pas ; les changements de registres et les aigus sont souvent trop agressifs.
Luca Micheletti, annoncé souffrant après avoir – moment jamais agréable pour un artiste – fait sérieusement dérailler un aigu au premier acte, est également efficace, assure son grand air avec panache sans que l’on puisse dire que son Renato est réellement inoubliable.
La Ulrica d’Alla Pozniak tient, elle, le haut du pavé de sa grande scène. De sa voix sombre de contralto, elle campe une sorcière aussi effrayante par l’allure que par le chant.
Les seconds rôles sont, eux, tous parfaits !
Damiana Mizzi est admirable dans le rôle d’Oscar car elle sait combiner une forte présence scénique et une maîtrise totale des difficultés du rôle. Sergio Vital est un Silvano sonore qui se différencie avec classe, alors que Daniel Giulianini et Luca Dall’Amico brillent dans les rôles des deux méchants, Tom et Samuel. Le chœur (préparé par Ulisse Trabacchin), très sollicité dans Le ballo, est excellent et au niveau attendu.
Si ce fut plutôt la déception pour cette soirée que l’on espérait plus flamboyante, de beaux rendez-vous sont à saisir prochainement au Teatro Regio, qu’ils soient pucciniens (La fanciulla del west, Le villi et Il Trittico), wagnérien avec Le vaisseau fantôme ou sous le signe de Copland avec The tender Land.
Le programme du Teatro Regio est à consulter ici.
Visuels : © Andrea Macchia