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Ramon Vargas : « Le secret de ma longévité vocale c’est d’avoir toujours su respecter mes limites »

par Marta Huertas de Gebelin
03.12.2024

Lauréat de plusieurs prix en Italie, en Angleterre, en Autriche, aux États-Unis et, bien sûr, dans son beau pays natal, le Mexique, le ténor Ramón Vargas est acclamé comme l’une des plus belles voix lyriques de sa génération. Il mène depuis quatre décennies une longue et fructueuse carrière sur les scènes lyriques les plus remarquables du monde : le Metropolitan Opera, la Scala de Milan, le Royal Opera House de Londres, l’Opéra de Paris, les Arènes de Vérone, l’Opéra de Vienne, le Festival de Salzbourg et bien d’autres. Avant de retourner au Capitole de Toulouse pour y chanter la Misa Criolla du compositeur argentin Ariel Ramirez, Vargas est à Buenos Aires pour se produire au Teatro Colón dans le rôle principal d’Un Ballo in maschera. Il nous a accordé cette interview dans son hôtel de la capitale argentine.

Bonjour Ramón Vargas. J’ai le plaisir de vous rencontrer aujourd’hui grâce à la générosité de votre compatriote Arturo Chacón-Cruz. Je profite aussi de la journée de repos des artistes au Teatro Colón. 

 

Arturo et moi sommes de très bons amis. Il est ténor lui aussi, mais il est plus jeune que moi. Nous nous connaissons cependant depuis longtemps. Pour l’occasion, il s’est mis en contact avec mon fils. Me voilà donc ravi d’être ici avec vous !

 

Commençons par rappeler que votre carrière est longue et couronnée de succès. En 2022, vous avez fêté le 40e anniversaire de vos débuts au Palacio de Bellas Artes de  Mexico. Au cours d’une trajectoire de plus de quatre décennies, il y a sans doute eu des moments clés. Lesquels ont été les plus importants pour vous ?

 

Je pourrais citer mes débuts au Metropolitan ou à La Scala, respectivement en 1992 et 1993, mais, en réalité, le tournant décisif de ma carrière s’est produit en 1988 à Lucerne, en Suisse, quand j’ai compris que je pouvais vivre dignement de mon travail comme chanteur lyrique. Auparavant, j’avais fait partie de l’Opéra Studio de Vienne où je ne touchais qu’une allocation d’étudiant. Par contre, au Théâtre de Lucerne, j’ai été engagé dans la troupe permanente, et je recevais un salaire mensuel, certes pas terrible, mais qui me permettait de couvrir mes dépenses. J’ai alors réalisé que j’étais devenu un chanteur professionnel.

 

Quels autres évènements ont marqué votre carrière ?

 

Mes débuts au Met ont été importants pour moi, surtout parce que je ne m’y attendais pas du tout : le 18 décembre 1992, j’ai dû remplacer Luciano Pavarotti dans Lucia di Lammermoor. La production était moderne et les décors très beaux, mais ce n’était pas pour lui. Au dernier acte, par exemple, Edgardo devait chanter en descendant une colline au milieu de tombes. Même moi, qui étais jeune, j’avais du mal à le faire. Le Théâtre a proposé à Luciano de faire son entrée côté cour ou côté jardin, mais il a préféré annuler sa participation.

Ce début inespéré m’a valu vingt-quatre saisons au Met : plus de deux cent vingt représentations de vingt titres différents. Et l’année d’après, j’ai fait mes débuts à La Scala dans le rôle de Fenton de Falstaff, sous la direction de Riccardo Muti.

Puisque rien qu’au Metropolitan vous avez chanté vingt rôles, combien en avez-vous interprétés dans votre carrière ?

 

Près de soixante-dix ! Dont vingt opéras de Verdi et dix-neuf de Rossini ; ainsi que du Mozart, du Berlioz, du Gounod, du Donizetti, etc.

 

Quels rôles vous ont porté chance ?

 

Le rôle qui m’a le plus marqué est sans doute Edgardo de Lucia di Lammermoor. Ce fut mon premier contrat à l’Opéra de Lucerne. À partir de ce moment-là, de nombreuses portes se sont ouvertes pour moi, y compris – comme je l’ai déjà raconté – celles du Metropolitan. C’est un rôle magnifique de surcroît !

 

Y en a-t-il un dont vous êtes lassé ? 

 

Lassé, pas vraiment. Mais, il y a certains rôles que j’ai beaucoup aimés au départ, par exemple Rodolfo de La Bohème, puis j’ai commencé à me sentir mal à l’aise en le chantant, parce qu’il est trop sot. Quand Mimi a besoin de lui, il a peur et s’enfuit. Elle ne l’aurait jamais quitté s’il avait eu besoin d’elle. On ne peut excuser la superficialité de Rodolfo que parce qu’il est très jeune.

Il va de même avec le duc de Mantoue dans Rigoletto que j’ai aussi beaucoup chanté. On le prend parfois pour une crapule, mais c’est plutôt un homme incapable d’aimer. Seule Gilda, un être pur, une si belle âme, aurait pu lui apprendre à aimer.

 

Votre répertoire actuel est celui d’un ténor lyrique pur, mais il comporte aussi des rôles de ténor spinto.

 

Je chante à présent Carmen, Tosca, Enzo Grimaldo dans La Gioconda qui est souvent considéré le premier opéra vériste. Cependant, ma voix n’a pas vraiment changé. Je ne suis pas un ténor spinto et cela, à mon âge, c’est un handicap, car il ne m’est pas possible d’aborder les rôles véristes. Je respecte ce que ma voix me dit. Le secret de ma longévité vocale c’est d’avoir toujours su respecter mes limites.

 

Quelles seraient ces limites ?

 

Si on faisait le parallèle avec la boxe professionnelle, on pourrait dire que ma voix n’est pas celle d’un poids lourd, mais celle d’un poids moyen. Pour un boxeur, ne pas respecter ses limites ce serait vouloir se mesurer à un poids lourd alors qu’il est un poids moyen. Pour moi, et pour tous, ce qui compte c’est de savoir jusqu’où l’on peut aller. Ce qui ne signifie pas être meilleur ou pire qu’un autre, mais être conscient de ses capacités maximales.

 

Est-ce difficile de rester dans ses limites ?

 

Évidemment. Il y a des tentations ! Il faut apprendre à dire « non » aux offres qui ne correspondent pas à notre voix. Pourtant, les jeunes chanteurs d’aujourd’hui ont tendance à accepter tout ce qu’on leur propose, croyant que, dans le contexte actuel, quelqu’un d’autre s’en emparerait aussitôt. En réalité, il en a toujours été ainsi. Luciano Pavarotti, la voix la plus impressionnante des cent dernières années, est décédé, et l’opéra a survécu. Personne n’est indispensable, même si chacun peut faire son apport.

 

Revenons sur votre répertoire actuel. Vous continuez à l’enrichir de nouveaux titres. En 2021, Tosca à l’Opéra National de Grèce et La Gioconda au Théâtre du Capitole de Toulouse ; Il Proscritto de Mercadante en 2022 à Londres, et l’année dernière I Lombardi alla prima crocciata de Verdi à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège. Il Proscritto est un opéra quasiment inconnu, pouvez-vous nous en parler ?

 

Cet opéra de Saverio Mercadante n’avait plus été entendu sur scène depuis sa création (ndlr. en 1842). À l’initiative du label britannique Opera Rara, qui cherche à s’emparer d’opéras oubliés ou très peu représentés, nous l’avons repris à Londres (ndlr. au Barbican Centre) en version de concert, et enregistré par la suite en CD. Bien que ce ne soit pas un chef-d’œuvre, c’est un bon opéra qui vaut la peine d’être connu. La trame est féministe et très actuelle. L’héroïne est mariée à un proscrit forcé de quitter son pays. Tous le croient mort. Lorsqu’il revient, elle vient de se remarier et se voit plongée dans un conflit émotionnel entre deux amours.

Un enregistrement de plus pour votre vaste discographie qui comprend des opéras de Mozart, Donizetti, Rossini, Bellini, Massenet, Verdi, et plusieurs CD de chansons italiennes, françaises et mexicaines.

 

Oui, et qui plus est, Il Proscritto a remporté le prix du meilleur enregistrement d’un opéra complet aux International Opera Awards 2023. J’espère qu’un théâtre voudra bientôt le créer sur scène !

 

Si on vous propose un titre que vous n’avez pas encore voulu aborder, qu’est-ce qui vous pousse à l’accepter ?

 

J’ai ajourné certains rôles parce que je sentais que, à l’époque, ma voix ne pouvait pas encore les aborder naturellement. Ce fut le cas pour Cavaradossi dans Tosca. Je l’ai reporté deux fois, alors que j’avais déjà signé les contrats, à Houston et au Canada. C’était, bien sûr, un an et demi avant les représentations. J’ai expliqué aux directeurs des théâtres que je ne voulais pas forcer mon instrument, et ils m’ont compris. Maintenant, c’est un rôle dans lequel je me sens à l’aise, bien que je ne sois pas un puccinien convaincu. Outre Tosca et La Bohème, je n’ai pas interprété d’autres opéras de Puccini. J’aime l’écouter, mais pas le chanter. J’ai mes raisons…

 

Pouvez-vous nous dire lesquelles ?

 

Je suis verdien. Verdi expose toujours les raisons qui poussent ses personnages à prendre des décisions. Par contre, l’œuvre de Puccini n’est basée que sur l’émotion. Comme je suis cérébral par nature, je ne peux pas comprendre, par exemple, pourquoi Scarpia est si méchant. Iago, au contraire, s’explique là-dessus. « Je suis cruel parce que tu m’as fait comme ça » dit-il à Dieu.

En ce moment, nous répétons Un Ballo in maschera. Verdi voulait en faire un opéra politique, mais on le lui a interdit, de sorte que c’est finalement devenu une histoire d’amour. Cependant, au dernier acte, Riccardo fait ses adieux à la vie en disant : « Addio miei figli, per sempre addio. Addio diletta America ». Il ne dit pas au revoir à Amelia et à Renato. Bien au contraire, il s’adresse à quelque chose de plus élevé, la patrie, la communauté, ce qui  donne une autre dimension à son existence. C’est ainsi dans tous les opéras de Verdi. Dans La Traviata, Violetta se sacrifie pour un intérêt supérieur et son amour la rachète à travers la mort. Voilà Verdi. Puccini savait toucher des fibres intimes, émotionnelles, mais il était beaucoup plus superficiel.

 

Vous vous déclarez essentiellement verdien, mais vous avez aussi souvent démontré votre talent dans le répertoire français.

 

La musique française est exquise. En plus de Carmen, j’ai chanté de nombreuses représentations de Faust de Gounod, Roméo et Juliette, Werther, La damnation de Faust… J’adore Massenet, mais Berlioz a deux longueurs d’avance sur lui. Gounod est aussi un compositeur magnifique, de grande classe. Je ressens une grande affinité avec la musique française, mais malheureusement je ne peux plus chanter ce répertoire. Encore une fois, il faut savoir reconnaître ses limites.

À propos de limites, il y a un mois et demi, j’ai chanté L’Elisir d’amore, un opéra que je n’avais pas joué depuis longtemps. Bien qu’il s’agisse d’un rôle très long, j’ai accepté, car c’était mon cher ami Aquiles Machado, directeur artistique du Teatro Colón de La Corogne (en Espagne) qui m’avait invité. En plus, la production non traditionnelle, inspirée des œuvres de Botero (ndlr. célèbre peintre et sculpteur colombien), était très belle. C’était comme un conte et cela a très bien marché.

 

Vous avez donc passé d’un Teatro Colón à un autre ! Vous êtes maintenant à celui de Buenos Aires où vous vous êtes déjà produit à deux reprises (La Favorita en 1995 et Les contes d’Hoffmann en 2019) et où vous êtes maintenant en tête de la distribution d’Un Ballo in maschera qui va clore la saison 2024. Vous avez chanté votre premier Riccardo au Mexique en 1998 et puis, vous l’avez interprété à San Francisco, Zurich, Hambourg, Madrid, Londres, Vienne, Munich, Genève,  Séville, et j’en passe. Avez-vous déjà fait partie de productions de Ballo in Maschera dans son cadre suédois d’origine ? 

 

Plusieurs fois ! Verdi s’était inspiré de l’attentat contre Gustave III de Suède dans un bal masqué, mais la véritable histoire de ce roi diffère beaucoup du livret (ndlr. d’Antonio Somma). Gustave habitait à Paris lorsque son père est décédé, et ne souhaitait pas du tout assumer les responsabilités d’un souverain. Le métier d’acteur était sa passion. Plus tard, il a même fait bâtir l’Opéra Royal de Stockholm où il s’est produit à plusieurs reprises. Par ailleurs, quand il a assumé le pouvoir, guidé par les idées des Lumières françaises, il a mis en œuvre d’importantes réformes en Suède. Il était aimé par le peuple, mais beaucoup de nobles le détestaient.

 

Quels défis le rôle de Riccardo/Gustavo pose-t-il au ténor qui l’interprète ?

 

C’est un opéra que je connais très bien, un rôle que j’ai beaucoup analysé. D’une part, l’opéra est très long pour le ténor. C’est difficile, autant pour le ténor que pour la soprano et cela demande beaucoup de résistance. D’autre part, si l’on ne connaît pas vraiment la personnalité de Gustave III, il y a des scènes difficilement compréhensibles, par exemple, celle où l’aristocrate, déguisé en pêcheur, se trouve dans l’antre d’une sorcière.

 

Votre carrière est parsemée de succès remarquables, mais il n’y a pas que des applaudissements dans la vie d’un artiste. En général, le public n’est pas conscient des difficultés qu’implique cette carrière. 

 

Cela ne les intéresse pas. De plus, la mémoire est courte. Même si un artiste a chanté à merveille dans un théâtre, quand il y retourne pour une autre production, et qu’il a mal à la tête ou au ventre, ou une infection à l’ongle d’un orteil qui le fait souffrir en marchant, ou que sa mère est malade, personne ne s’en soucie. À la fin du spectacle, on entend: « Il n’a pas bien chanté ce soir. »

Nous, chanteurs lyriques, sommes les athlètes de la voix. On demande à un coureur de faire 100 mètres en moins de 10 secondes. Tout le monde attend de nous des exploits semblables à toutes les représentations. Les voix aiguës sont les plus exposées. Mais nous le savons et l’assumons. Le monde de l’opéra est cruel. Mais il est aussi magique. Il y a des gens qui vont au théâtre pour entendre un air et d’autres pour voir toute la production. Il y a aussi ceux qui ne s’intéressent qu’à la mise en scène, comme cela arrive souvent en Allemagne ; il y a aussi ceux qui vont écouter les aigus, car les aigus sont excitants. D’importantes études ont déterminé que l’aigu excite, car c’est un signe de danger anthropologique. Chanter des notes aigües c’est quelque chose d’extraordinaire, comme le cri que poussaient nos ancêtres quand ils sentaient venir le danger.

 

Après Buenos Aires, vous retournez au Capitole de Toulouse, les 7 et 8 décembre, pour chanter la Misa Criolla de l’Argentin Ariel Ramírez avec Emiliano González Toro et l’ensemble I Gemelli. 

 

Nous y chanterons non seulement la Misa Criolla, mais aussi Navidad nuestra. C’est la première fois que je vais interpréter ces œuvres et je les trouve fantastiques. Dans certains passages, Navidad nuestra me semble même plus accomplie que la Misa Criolla. Ariel Ramírez a trouvé un créneau que personne n’avait exploité et il en a tiré un excellent parti.

 

En plus de la Misa Criolla, avez-vous d’autres débuts dans votre agenda ?

 

J’aimerais faire mes débuts dans Lohengrin. Il y avait un projet en germe, mais il a été mis de côté parce qu’il faut de grands chœurs. Chanter Lohengrin, ce serait l’aboutissement de ma carrière. J’ai la chance de très bien parler l’allemand. Quand j’étais très jeune, je suis parti pour l’Autriche et j’habite à Vienne depuis de nombreuses années. J’espère pouvoir réaliser ce rêve. Pour moi, ce serait atteindre le top.

 

Et après le top, il y a quoi ?

 

J’adore ce que je fais, et je trouve, honnêtement, que ma voix se porte bien, qu’elle est saine. Il y a quelque temps, nous discutions, mon fils et moi, et je lui ai dit : « Je crois que je devrais peut-être me retirer ». Il m’a répondu : « Il y a quatre ans, tu m’as dit que tu allais le faire et tu chantes toujours merveilleusement bien. Alors, reconsidère ton avis. »

Je dois donc y aller pas à pas. Il y a encore beaucoup de rôles que je peux chanter. Quand je sentirai que cela ne va plus, je changerai sans peur ni nostalgie. Je remercie la vie de m’avoir donné la possibilité d’être si heureux. Toute une existence consacrée au chant c’est une bénédiction. La plupart de mes collègues sont déjà chez eux, à s’occuper de leurs petits-enfants. Et moi, je suis toujours là. J’ai vraiment du plaisir à monter sur scène et à participer activement à la vie culturelle des pays où je me produis. J’ai passé pendant longtemps par une étape de recherche, maintenant il est venu le temps de remercier.

 

Vous avez donc déjà pensé qu’un jour il sera temps de faire vos adieux à la scène…   

 

Oui. Un jour, je dirai : « Aujourd’hui, le rideau se ferme », du moins pour les opéras mis en scène. Par la suite, je m’occuperai de pédagogie. J’ai eu une très belle expérience d’enseignement à l’Université de Vienne, même si c’était compliqué parce que je n’avais pas le temps d’étudier les opéras que j’allais jouer. L’enseignement est épuisant, mais la transmission d’expériences est une dimension qui m’intéresse.

 

Transmettre des expériences, témoigner. C’est aussi ce que le grand baryton Leo Nucci m’a dit dans l’interview qu’il m’a consacrée il y a quelques semaines !  

 

L’enseignement est une belle mission. Les chanteurs débutants mettent leur vie, leurs espoirs, leur argent, leur temps, leur jeunesse entre nos mains. Il ne faut pas le prendre à la légère, c’est une énorme responsabilité. Au demeurant, le chant ne s’enseigne pas, il s’apprend. Nous devons donner aux jeunes la possibilité d’apprendre, leur montrer leurs faiblesses pour qu’ils puissent eux-mêmes trouver leur voie. Il ne faut donc pas enseigner, mais être un guide. Pour ce faire, il est nécessaire d’être très équilibré, ne pas transmettre ses propres frustrations ou croire que ce qui a marché pour soi sera forcément utile à tous.

 

Pourriez-vous résumer en une phrase ce que votre carrière vous a donné ?

 

Je pense que je suis comme je suis grâce à ma carrière. Enfant, j’étais très timide, je manquais de confiance en moi. Je me sentais bien quand je chantais, parce que je voyais que les gens appréciaient ce que je faisais. Cela m’a permis de compenser ma timidité et de croire en moi.

Maintenant, la question qui se pose est la suivante: que va-t-il se passer quand je ne chanterai plus ? Je dois trouver une voie qui me rende tout aussi heureux. Je crois que je vais y arriver.

 

Pour conclure, j’aimerais que vous nous parliez de la Fondation Ramón Vargas.

 

La Fondation est née sous le nom de Fonds commémoratif Eduardo Vargas, en mémoire de notre fils aîné qui, malheureusement, est décédé d’une paralysie cérébrale peu avant son 7e anniversaire. Lorsque sa maladie s’est manifestée, ma femme et moi nous avons cru que c’était quelque chose de transitoire, jusqu’à ce que nous saisissions la portée de l’affection de notre fils. Heureusement pour lui, nous avions les ressources et les possibilités de l’aider, de sorte que, bien qu’ayant vécu si peu de temps, il a eu une enfance très heureuse.

Lorsqu’il est décédé, nous avons pensé que nous pouvions épauler les familles d’autres enfants malades, d’autant plus que, beaucoup de parents ne savent pas comment aider leurs enfants handicapés. Une maladie comme celle de notre fils est très difficile à affronter, mais quand on vit dans la pauvreté, et encore plus dans la misère, tout est cinq fois plus difficile. Sur cette base, nous avons d’abord créé le Fonds commémoratif, puis la Fondation Ramón Vargas. Nous en avons changé le nom parce que, pour développer ce projet, il est plus facile d’utiliser mon nom que celui de notre fils. Le travail de la Fondation consiste à collecter des fonds pour soutenir des groupes établis qui aident les enfants et les jeunes handicapés dans les zones marginalisées de mon pays.

 

Une œuvre digne d’estime, sans doute. Merci beaucoup pour votre temps et votre disponibilité. Je reviendrai bientôt à Buenos Aires vous voir sur scène !

 

À bientôt alors, et merci à vous, Marta !

Visuels : portait © Lou Valérie Dubuis, Les contes d’Hoffman © Julien Benhamou / Opera de Paris, Un Ballo in maschera – Teatro de la Maestranza de Sevilla © Guillermo Mendo, Dmitri Hvorostovsky et Ramon Vargas dans Eugene Onegin © Ken Howard / Metropolitan Opera.