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« Pelléas et Mélisande » à l’Athénée, une magnifique interprétation d’une grande intensité dramatique

par Helene Adam
17.02.2024

La fondation Royaumont nous propose la version piano du chef d’œuvre de Debussy au théâtre de l’Athénée Louis Jouvet. Jeunesse et beauté des voix, simplicité et efficacité de la mise en scène, une soirée sous le signe de l’émotion et des passions sombres et intenses.

Huis clos étouffant

« J’ai voulu que l’action ne s’arrêtât jamais, qu’elle fût continue, ininterrompue. La mélodie est anti-lyrique. Elle est impuissante à traduire la mobilité des âmes et de la vie. Je n’ai jamais consenti à ce que ma musique brusquât ou retardât, par suite d’exigences techniques, le mouvement des sentiments et des passions de mes personnages. Elle s’efface dès qu’il convient qu’elle leur laisse l’entière liberté de leurs gestes, de leurs cris, de leur joie ou de leur douleur. » avait écrit Debussy à propos de son œuvre.

Si la version avec un simple accompagnement piano déconcerte au premier abord, elle a l’avantage de la simplicité recherchée et valorise singulièrement la beauté et la pertinence du texte envoûtant de Maurice Maeterlinck.

Et de ce point de vue la réalisation du célèbre duo de metteurs en scène, Moshe Leiser et Patrice Caurier, est parfaitement adaptée à cette recherche de l’épure dans la tragédie en marche qui commence avec l’évocation des sombres forêts où Golaud découvre Mélisande.

Moshe Leiser et Patrice Caurier reviennent à cette œuvre après l’avoir mise en scène il y a vingt ans au Grand Théâtre de Genève, avec une distribution prestigieuse comprenant notamment les beaux barytons contrastés de Simon Keenlyside et José Van Dam et la fièvre jamais éteinte de la soprano Alexia Cousin. En s’adaptant à la version piano, ils proposent un tout autre visuel et une conception tout à la fois épurée et intense.

La scène est plongée dans une pénombre trouée de quelques éclairs de lumière puis baignée d’une douce clarté, le jour, la nuit se mélangent pour mieux refléter l’intensité des sentiments dans ce cadre oppressant renforcé par les très beaux éclairages de Christophe Forey. Et c’est l’aspect théâtral avec une magnifique direction d’acteurs qui va dominer pour raconter, pas à pas, cette lente progression vers le drame final. La scène est dépouillée, le décor minimaliste : un canapé, un fauteuil roulant, le piano où l’on joue dans les deux sens du terme, quelques projecteurs lumineux qui trouent la nuit au loin. Ces accessoires servent de point d’appui à la progression des personnages qui nous offrent, dans une grande maitrise de l’art dramatique, une succession de tableaux évocateurs et totalement adaptés. Ainsi Arkel arrive dans ce fauteuil roulant qui sert ensuite à Golaud quand il se blesse puis à Mélisande quand la mort de Pelléas l’anéantit. Mélisande s’installe sur le piano quand elle déroule ses longs cheveux vers Pelléas qui s’accroupit sous le bel instrument pour symboliser la distance qui les sépare, tandis que la scène où Golaud malmène Mélisande est efficacement mimée derrière le piano. Les scènes de la grotte et du gouffre se jouent quant à elles autour du canapé où aucun des chanteurs ne ménage ses efforts pour interpréter les scènes et incarner les personnages. Et l’ensemble bénéficie des costumes contemporains de Sandrine Dubois associés aux archétypes et aux évolutions des personnages.

L’imaginaire poétique de l’œuvre

C’est toujours avec une certaine émotion que l’on retrouve cette histoire d’eau, de château mystérieux, de bague perdue, de forêts sombres, de grottes profondes, d’amour et de haine, de joie et de drame.

Pelléas et Mélisande est un long poème symboliste, un « drame lyrique », de Maurice de Maeterlinck, à plusieurs voix, enroulé dans une musique hypnotique de Debussy, qui épouse chaque note chantée et vous emmène au pays mystérieux d’Allemonde où règne le roi Arkel. Ni époque précise, ni lieu autre qu’imaginaire, pourtant le réel s’invite par incursions discrètes tels ces trois mendiants réfugiés près de la grotte parce qu’on meurt de faim dans le vaste monde, ou telles ces servantes invisibles qui affluent à la mort de Mélisande alors que personne ne leur a demandé de venir, ou ce médecin, ce berger, ces moutons qui apparaissent un court temps comme des flashes dans les fantasmes d’un imaginaire poétique.

Les thèmes « symboles » reviennent sans cesse s’enroulant, se déroulant dans les paroles, dans la musique : la peur d’abord, celle de Mélisande, celle de Golaud, celle de Pelléas. L’obscurité ensuite, celle de la forêt où Golaud chasse et découvre Mélisande apeurée, celle du château d’où on ne voit pas le ciel, celle de la grotte dont Pelléas illumine les parois, celle des souterrains où Golaud conduit son frère. L’eau aussi, celle où Mélisande menace de se jeter si Golaud la touche, celle de la mer où elle perd son anneau, celle des larmes qu’Yniold ne comprend pas. La longue chevelure de Mélisande, plus longue que ses bras, ses toutes petites mains et sa robe déchirée, son amour fou pour Pelléas, l’enfance dont elle ne sortira que pour mourir…

Version piano pour un retour aux sources

L’Opéra Comique avait déjà récemment proposé cette belle version piano, avec Martin Surot au piano, tandis que Stéphane Degout était Golaud et Jean-Christophe Lanière était déjà Pelléas.

Ce n’est pas une transcription, mais une version originale en quelque sorte puisque Debussy la composa en 1893 avant d’orchestrer son opéra créé sur scène en 1902. La partition du clavier reste complexe et riche, Debussy sachant tirer de son instrument préféré, des sonorités, des accords, des arpèges et gammes magnifiques qui évoquent tour à tour ses merveilleuses arabesques, ses jeux d’eau et toutes sortes de cascades de notes évoquant les cavalcades de l’amour ou de la mort.

C’est évidemment déconcertant au début et lors de quelques moments-clés, mais l’interprétation de Martin Surot est suffisamment colorée, animée et contrastée pour que l’on prenne un réel plaisir à cette version.

L’avantage en retour, c’est de ne rien perdre, pas une miette, pas un mot, pas une syllabe, pas un « e » muet élégamment suggéré, de ce « chant parlé » qui compose les longs dialogues-monologues de l’opéra.

Ajoutons aussitôt que nos artistes nous ont donné une leçon de diction, de beau français, si impeccable que tout surtitre aurait été superflu.

La belle équipe

D’une très grande homogénéité de style, l’ensemble de l’équipe lyrique brille de mille feux.

« Mes longs cheveux descendent jusqu’au seuil de la tour/Mes cheveux vous attendent tout le long de la tour ». La belle Mélisande de la soprano Marthe Davost a cette grâce de la fragile et délicate jeune fille, qui tombe amoureuse du poétique Pelléas. Le chant est superbe et chacune de ses phrases est prononcée du fond de son cœur, oscillant sans cesse entre crainte et passion, timbre magnifique, jeunesse et innocence chevillée au corps, belle prosodie, une interprète idéale.

« Que fais-tu là, à la fenêtre/en chantant comme un oiseau qui n’est pas d’ici ? ».

Jean-Christophe Lanièce donne à son Pelléas tout à la fois la force et la détermination de l’homme pris d’une passion interdite pour la femme de son frère et la folie du poète qui décrit si bien le mystère des lieux et de la nature qui les entoure. Le baryton, qui nous a offert récemment en ces lieux, un Winterreise à deux voix très expressif, sait « dire » les belles phrases, colorer son chant, émouvoir par la profondeur des sentiments exprimés et sa si belle déclaration d’amour « Je cherchais partout dans la campagne/et je ne trouvais pas la beauté…/Et maintenant je t’ai trouvée » à Mélisande, juste avant l’issue fatale, nous va droit au cœur. Le baryton sait alors si bien alterner le murmure, le chuchotement avant la véhémence de la passion qu’il sait fatale.

Et l’on admire tout autant le contraste des voix avec le Golaud sombre et puissant du baryton Halidou Nombre, à la passion contrariée, à la brutalité alternant avec le désespoir dans une prestation en tous points impressionnante : beauté d’un timbre d’une grande richesse en harmonies, justesse des sentiments exprimés, émotion des belles phrases si bien dites : « Oh! Oh! qu’y a-t-il là au bord de l’eau?/Une petite fille qui pleure au bord de l’eau? »

Arkel, le roi d’Allemonde est interprété par la basse Cyril Costanzo pétri d’humanité, qui cherche à empêcher le drame qui se noue sous son toit. La voix possède les graves du rôle, elle est souple et ductile, le timbre est là aussi de toute beauté, d’une grande homogénéité dans une tessiture plutôt difficile et son « Si j’étais dieu, j’aurais pitié du cœur des hommes » est bouleversant.

La soprano Marie-Laure Garnier, qui chante le rôle de Geneviève, généralement dévolu à une contralto, démontre que son medium et son grave sont suffisamment riches, stables et élégants pour qu’elle domine sans problème la partition et nous offre, elle aussi, une très belle incarnation, tout en douceur persuasive, en phrases rassurantes et apaisantes, où affleure l’amertume « Il y a des endroits où l’on ne voit jamais le soleil/,Mais l’on s’y fait si vite…/Il y a longtemps, il y a longtemps…/Il y a presque quarante ans que je vis ici /Regardez de l’autre côté, vous aurez la clarté de la mer. »

Le sixième personnage le « petit Yniold » l’enfant du premier mariage de Golaud, n’a qu’un petit rôle, mais il est fort bien tenu, scéniquement et vocalement par la jeune soprano Cécile Madelin, qui campe un adolescent rebelle, bonnet vissé sur le crâne et mine farouche, profondément juste dans sa scène où la brutalité de Golaud révèle son vrai visage et qui nous livre ensuite un très émouvant « Oh! oh! j’entends pleurer les moutons…/Tiens!/Il n’y a plus de soleil… ».

Le public de l’Athénée Louis-Jouvet a réservé un excellent accueil à ce Pelléas et Mélisande de très belle facture, aux chanteurs, aux deux metteurs en scène comme au très brillant pianiste de la soirée. C’est un opéra envoûtant dont on ne sort jamais indemne même après l’avoir vu des dizaines de fois. Quand le noir envahit la scène une dernière fois, on se sent comme éreinté par la violence de l’évocation et tout à fait convaincu par la beauté de la représentation qui sera suivie de cinq autres soirées de cette production brillante de la Fondation Royaumont. À ne pas rater !

Pelléas et Mélisande de Claude Debussyà  l’Athénée Louis Jouvet les 15, 17, 19, 21, 23, 25 février.

Réservations

Production de la Fondation Royaumont

Visuels : © Guillaume Castelot