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« Orlando » de Haendel au Châtelet, une belle distribution, mais une mise en scène alambiquée

par Helene Adam
24.01.2025

Le théâtre du Châtelet renoue avec l’art lyrique au plus haut niveau en proposant le mythique Orlando, cette oeuvre virtuose de Haendel, dans une nouvelle mise en scène, avec l’orchestre des Talens Lyriques de Christophe Rousset. Malgré d’évidentes qualités artistiques, le spectacle nous a laissé un peu sur notre faim.

L’un des plus beaux opéras seria de Haendel

Les amoureux du baroque finissent par bien connaitre l’histoire d’Orlando (Roland, soldat de l’armée de Charlemagne), racontée dans le poème épique et éponyme de l’Arioste, écrit entre 1516 et 1527. Cette œuvre monumentale a inspiré notamment l’Orlando furioso de Vivaldi (1727) et l’Orlando Paladino de Haydn (1782).

C’est l’histoire d’un amour qui rend fou, l’amour d’Orlando, héros de guerre, pour la princesse païenne Angelica, laquelle aime, d’un amour fusionnel, le prince maure Medoro. Le mage Zoroastre les sauvera, Orlando de la folie meurtrière et les amants d’une mort impitoyable. Il rendra sa raison à Orlando.

Quand Haendel compose ce magnifique opéra seria, il est installé depuis longtemps à Londres où il a littéralement popularisé l’opéra italien et cet Orlando est son avant-dernière œuvre créée au King’s Theater avec le castrat alto Francesco Bernardi, dit «  Senesino » pour lequel le rôle d’Orlando a été écrit.

La richesse orchestrale et vocale de cet opéra ne lasse pas d’émerveiller tant elle atteint des sommets pyrotechniques à plusieurs reprises, avec des audaces réellement novatrices comme le fameux air acrobatique de la Folie d’Orlando. La tension dramatique est à son comble dans un récit qui ne ménage guère de respirations, récitatifs courts et continuo très riche, arias époustouflants avec da capo et changements de style au cours même de l’air pour tous les protagonistes.

Une belle distribution

Et de ce point de vue, la distribution proposée pour cette série de représentations d’Orlando au théâtre du Châtelet est de haut niveau.

Annoncée sortant d’une grippe sévère, la mezzo-soprano Katarina Bradić incarne malgré tout, un très bel Orlando même si l’on sent une certaine réserve prudente lors de ses premières interventions, notamment son « Imagini funeste » suivi d’un « non fu gia » déjà nettement plus affirmé, et très rythmé avec de superbes vocalises, elle prend très rapidement possession du rôle. Dès son dynamique « Fammi combattere », à l’acte 1, on apprécie les couleurs différentes dont elle pare les fameuses reprises propres au style, la beauté de ses aigus et l’assurance de ses graves. L’un des rôles les plus séduisants de ce répertoire, souvent réservé aux voix de contre-ténor est très bien servi par ce timbre d’une grande richesse.

Pourtant la mise en scène ne lui facilite pas la tâche puisqu’elle doit se battre avec son double enfant et autre fantaisie qui vont à l’encontre du sérieux de son dilemme de héros hésitant entre l’amour et la guerre et on lui sait d’autant plus gré de nous livrer aussi brillamment quelques arias fameux dont l’air de la folie avec beaucoup de talent.

Sa compagne, la soprano australienne au timbre angélique, Siobhan Stagg, n’est pas en reste dans le rôle d’Angelica, prenant elle aussi de l’assurance au cours de la représentation. La voix est chaude, lumineuse et les ornementations n’ont pas de secret non plus pour elle. L’on est séduit par la grâce de son chant, surtout quand sa voix se mêle à celle de l’homme qu’elle aime, le prince Medoro de l’étonnante contralto Elizabeth DeShong dont le timbre de bronze est fascinant de beauté. On regrette un peu que son superbe « Vorrei Poterti amar » n’ait pas été applaudi comme il le méritait du fait d’une fuite hors du plateau sur la dernière mesure, prévue par la mise en scène.

Et pour compléter cette belle équipe de femmes, il fallait la délicieuse Dorinda de la soprano italienne Giulia Semenzato, la bergère au grand cœur.

Leurs trois voix, idéalement assorties, nous offrent d’ailleurs un terzetto de haute tenue avec « Consolati, a bello » valorisant la richesse vocale de l’écriture de Haendel.

Pour réussir un Orlando, il faut cinq voix exceptionnelles. Malheureusement, le Zoroastro de Riccardo Novaro ne se situe pas tout à fait sur les mêmes cimes. Il commence même assez mal, avec un timbre un peu confidentiel et des difficultés à vocaliser même si peu à peu, la voix se chauffe et se désengorge davantage notamment pour son dernier air « Sorge infausta une procella ».

Une mise en scène déconcertante

Et pourtant, malgré ces incontestables talents, ces voix qui honorent l’étonnante et si moderne partition de Haendel, l’on peine à décoller. On passe une soirée agréable l’oreille et les sens bercés par les harmonies superbes, mais il manque un petit quelque chose, sans doute l’élan d’un orchestre de grande qualité, mais un peu monotone et manquant d’intensité sous la battue de Christophe Rousset. Il faudrait parfois des accélérations plus audacieuses, des moments climax qui changent de rythme pour rendre compte des passions qui se déroulent sur scène. Pourtant on ne peut nier que Christophe Rousset et ses « Talens lyriques » soient à leur affaire dans ce répertoire. Peut-être fallait-il aussi ménager le plateau. Gageons que la Première avait encore besoin de quelques réglages pour adopter un rythme plus « fou » à l’image du héros de l’histoire.

Il est fort possible également de la mise en scène ait gêné l’adhésion du public, resté anormalement froid face aux déferlantes vocales de nos artistes, tant il était difficile de trouver le lien entre les choix de Jeanne Desoubeaux et l’histoire racontée par Haendel, et même de découvrir la logique des différentes scènes et des changements de décor (par ailleurs esthétiquement plutôt réussis par Cécile Trémolières).

 

Il n’est pas nécessaire de rajouter la moindre chorégraphie dans les seria de Haendel, mais le parti pris qui consiste à doubler chacun des personnages adultes de son double enfant, conduit à confier à de jeunes élèves des conservatoires de Gennevilliers et de Paris (en alternance), le soin de « danser », ou plus exactement de mimer des mouvements de gymnastique cadencés tout au long de la représentation.

Dès la  sinfonia, alors que les premières scènes se déroulent dans un musée, les enfants arrivent ensemble avec leur professeur sous le regard sévère et attentif du gardien, Zoroaste. Et ce sont les enfants qui vont passer la nuit au musée en imaginant l’ensemble de cette histoire d’amour et de guerre et en s’identifiant à chacun des personnages.

Jeanne Desoubeaux choisit quelques tableaux (et une épée d’époque enfin de l’époque de Haendel pas de celle d’Orlando), qui symbolisent chacun des personnages (un mouton et des champs pour Dorinda la bergère par exemple…).

À plusieurs reprises les tableaux prennent une troisième dimension quand les héros en sortent pour les rendre soudain vivants. Et puis, le musée s’efface, bientôt le plateau est nu avec quelques rochers, buttes témoins d’un monde qui n’existe que dans l’imagination des petits. Le musée se réinstalle pour les dernières scènes.

Le problème est que ce parti pris ne fonctionne pas et vient souvent heurter la logique de l’œuvre elle-même malgré une belle esthétique des décors et des lumières astucieusement disposées.

Et entre cette perpétuelle confusion qui distrait le spectateur de l’essentiel et une certaine tiédeur dans la fosse qui ne parvient pas à fusionner réellement avec le plateau, le spectacle n’est pas toujours à la hauteur recherchée.

Théâtre du Châtelet – Orlando du 23 janvier au 2 février

Réservations ici

 

Visuels : © Thomas Amouroux