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08.12.2023 → 16.12.2023

« Orfeo » d’Antonio Sartorio à l’Athénée : jeunesse, gaité, humour et fraîcheur pour cette œuvre oubliée

par Helene Adam
09.12.2023

Philippe Jaroussky dirige l’ensemble baroque Atarserse dans l’Orfeo oublié d’Antonio Sartorio et lui redonne toute sa richesse mélodique, alternant le drôle et le tragique, avec une verve servie par la mise en scène de Benjamin Lazar et le talent d’une équipe de jeunes chanteurs formidables.

Un Orfeo jaloux et une Euridice qui a du caractère

Cet Orfeo du compositeur vénitien Antonio Sartorio date de 1672. Composé après celui de Monteverdi (1607) mais avant celui de Gluck (1762), l’œuvre a connu un grand succès à son époque, voyageant de théâtre en théâtre, parfois sous des noms un peu différents, insistant le plus souvent sur la jalousie d’Orphée qui le conduit à sa perte. Ainsi à Gênes en 1706, l’opéra prend le nom de Orfeo a torto geloso overo Amore spesso inganna.

S’il s’apparente encore au style lyrique du Seicento, cet Orfeo propose une cinquantaine d’arias, toutes plus virtuoses les unes que les autres, et limite déjà les récitatifs, permettant une véritable accélération du récit et conduisant le spectateur de scènes en scènes avec un dynamisme réjouissant. En alternant des situations épiques, passionnées, drôles, avec de nombreux rebondissements et des personnages haut en couleur, Sartorio et son librettiste Aurelio Aureli, tout en s’inspirant du mythe d’Orphée et Eurydice, ont considérablement enrichi la trame et même le portrait des personnages principaux. Leur œuvre annonce le règne en gestation de l’opera seria du XVIIIe siècle.

C’est la machination d’Orfeo, fou de jalousie quand il aperçoit sa chère épouse Euridice avec son frère Aristeo, qui est au centre de la partie la plus dramatique de l’œuvre : croyant qu’elle le trahit, Orfeo demande en effet à Orillo de tuer sa bien-aimée. Celle-ci mourra un peu avant le coup fatal, mordue par un serpent, en cherchant à échapper aux avances pressantes d’Aristeo. Ce n’est que lors du dernier acte que se déroule la célèbre scène aux enfers où Orfeo perdra à nouveau Euridice pour n’avoir pas su résister au désir de la regarder. Outre une profondeur des situations et des sentiments, Sartorio explore la personnalité féminine d’Euridice, qui n’est pas une simple ombre sujet de dévotion, mais une vraie femme en proie à des pulsions contradictoires.

Une galerie de héros, demi-dieux, personnages de la mythologie grecque, accompagne cette histoire d’amour et de jalousie, enrichissant le contexte et servant de prétextes à saynètes très dynamiques qui font de cette œuvre un vrai divertissement.

Cet Orfeo original et passionnant, avait déjà fait l’objet de représentations et d’enregistrements dans les années 1980, puis à l’aube du XXIe siècle, mais restait peu connu de nos jours.

Le contre-ténor Philippe Jaroussky, passionné par cette époque musicale charnière entre le début de l’opéra et l’explosion du genre opera seria, avait également enregistré une « Storia di Orfeo » où figuraient quelques arias de trois œuvres de l’époque inspirées par ce mythe, l’Orfeo de Monteverdi, celui de Rossi et celui de Sartorio.

Jaroussky à la baguette, Lazar à la mise en scène

Philippe Jaroussky s’est alors intéressé au fait de recréer l’œuvre sur scène avec une équipe de jeunes chanteurs qui sont tout autant acteurs, danseurs, voire un peu acrobates, pour une mise en scène très ludique et époustouflante de Benjamin Lazar. L’aventure a commencé à l’Opéra-Comédie de Montpellier en juin 2023 et continue à l’Athénée-Louis-Jouvet avec une nouvelle équipe.

Philippe Jaroussky dirige avec beaucoup d’amour l’Ensemble Artaserse qui accompagne les chanteurs avec efficacité et exécute les parties orchestrales en valorisant la tonalité si spéciale de ces instruments d’époque si difficiles à accorder au début des prestations. Nous avons une petite formation baroque composée d’un violon, d’un alto, d’une harpe de deux violes de gambe, d’un violoncelle, d’un lirone, d’une guitare baroque, d’un théorbe, d’un cornet et d’une flûte à bec, de percussions (dont une machine à faire du vent) de deux clavecins et d’un orgue. Le tout récent chef d’orchestre s’assure de sa tâche avec le sérieux et le doigté du chanteur qui sait à quel point il faut veiller sur chacun des artistes lyriques et il leur donne le signal du départ à chacun de leurs airs avec une précision parfaite.

Simplicité des décors et de la scénographie pour une fluidité parfaite

Le décor d’Adeline Carton est très simple mais se révèle très évolutif au cours de la soirée, notamment grâce au subtil jeu des lumières. Trois grands panneaux à lamelles pivotantes, tantôt invisibles, tantôt mats, tantôt « miroirs », juchés sur de petits échafaudages, encadrent une petite estrade pivotante. Et il suffit de cette simple configuration pour permettre aux différents personnages d’apparaitre, de disparaitre, de se cacher tout en restant visibles par le spectateur, de se livrer à quelques pas de danse, ou à d’élégantes évolutions -combats, assauts, joutes amoureuses- dans les différents lieux ainsi ménagés, pour donner d’incroyable couleurs à cette suite de morceaux de bravoure musicaux.

Les costumes d’Alain Blanchot évoquent tout à la fois la modernité du conte avec des choix audacieux, tels Orillo en punk, et ses références mythologiques (formidable déguisement en bouc du centaure Chiron). La plupart du temps les artistes revêtent des tenues seyantes et harmonieuses, non dénuées de l’humour et du divertissement qui est le parti pris de cette soirée très réussie.

La jeune et fine équipe de chanteurs

Ce sont des chanteurs de la compagnie nationale de théâtre lyrique et musicale de l’Arcal qui incarnent avec un insolent talent, tous les rôles de cette œuvre. Il les fallait jeunes, beaux, souples et bien chantant pour assurer une telle réussite, une telle osmose et témoigner ainsi d’un véritable plaisir de se produire sur scène pour servir une œuvre et son équipe artistique.

Et ils et elles le sont pour notre plus grand bonheur d’autant plus que le choix des tessitures par le compositeur lui-même est source de cette « folie » qu’ils et elles illustrent à merveille.

Orfeo a été écrit pour un castrat et est sobrement interprété par la mezzo-soprano Lorrie Garcia qui possède un timbre d’une grande profondeur, parfait contraste avec le fruité délicieux de son Euridice, la soprano Michèle Bréant. Lorrie Garcia, dont le déguisement masculin souligne le côté androgyne de l’artiste, campe avec talent, ce héros assez trivialement jaloux, qui perd beaucoup de son panache dans ses colères et ses vengeances misérables. Pourtant elle parvient sans peine à nous faire croire à cet amour fou qui rend jaloux notamment dans le sublime air « Ahimè, Numi, son morta » et son splendide « Misero » qui montre sa colère et son regret désespéré. Les duos entre Euridice et Orféo offrent un contraste de voix tout à fait séduisant, soulignant non seulement le genre réel de l’un et de l’autre, mais aussi leurs différences de caractères. Dès après la sinfonia, c’est le très beau « Cara e amabile catena » qui nous présente les deux amoureux lors de leurs noces.

L’ Euridice de Michèle Bréant a ce côté aérien, innocent, sincère dans son amour, convoitée et désirée autant par Orfeo que par son frère. La jeune soprano, outre une silhouette de rêve et un sourire délicieux, possède un timbre suave, rond, coloré, et bien plus corsé que sa première apparition ne le laisse supposer. Elle est capable de « forte » impressionnants qui traversent sans problème la salle de part en part. Et l’on est submergé d’émotions avec son magnifique « Orfeo, tu dormi ? », ses vocalises, ses trilles délicates, ses aigus fruités et son timbre gorgé de toute la peine du monde des enfers quand elle contemple son amant abandonné.

Le frère d’Orfeo qui la convoite si fort, Aristée est un également un rôle composé pour un castrat à la partition de mezzo-soprano comme celle d’Orfeo, et là aussi, le jeu des contrastes est très réussi :  Eléonore Gagey est une soprano très grande et très longiligne, coiffée d’une perruque platine aux cheveux tirés comme un homme mais à l’élégance d’une femme, à la voix plus corsée qui sait faire passer par le chant tout ce que son personnage possède de frustration face au désir non satisfait. Dans le choix artistique, Orfeo et Aristée sont des mezzos. Philippe Jaroussky, contre-ténor a interprété quelques airs célèbres de ces deux partitions pour castrat. Mais l’on aime aussi ce duel de mezzo-sopranos qui aiment la même femme et seront responsables de son destin fatal.

La soprano Anara Khassenova, avec un rien de canaille dans le timbre, très bien chantante elle aussi, est l’autre femme qui aime, est aimée sans que tout cela concorde parfaitement mais elle incarne très bien cette Autonoe, femme de noble lignée de la maison de Thèbes, qui se déguise en Bohémienne pour tenter de séduire Aristée et qui lit l’avenir dans la main d’Euridice lors d’une très belle scène.

Dans le rôle d’Erinda, le ténor Clément Debieuvre se taille à juste titre un beau succès autant par le chant que par les multiples poses et mimiques qu’il adopte dans le cadre de cette merveilleuse direction d’acteurs, campant le personnage le plus drôle de la soirée et ne lésinant jamais sur les outrances qu’exige son rôle. On est particulièrement séduit par son interprétation des obsessions sexuelles de cette séductrice déclinante qui revendique fièrement l’héritage de tous ceux qui « ont été beaux » et qui « le restent ». Son numéro de duettiste avec Orillo est un sommet de l’art théâtral mis au service du chant. Haute-contre, il est capable d’affronter sans difficulté les aigus du rôle avec toute la puissance d’une voix riche en harmoniques, tout en jouant à merveilles les ambiguïtés dont raffolait l’époque puisque le rôle est écrit pour un travesti.

Quant au berger Orillo du contre-ténor Guillaume Ribler, il séduit également tout au long de la soirée, tant par son beau timbre ductile et percutant que par sa faculté de sautiller littéralement d’une place à l’autre, souvent rieur, soudain sérieux et même grave quand il est chargé par Orfeo de tuer Euridice, parfaite image des contradictions qui l’agitent alors. Merveilleux et si juste.

La basse Alexandre Baldo, à la longue voix d’une beauté stupéfiante, capable de graves abyssaux mais aussi de vocalises d’une grande souplesse et d’aigus souverains, nous ensorcèle en Esculape puis en Pluton, nous sert de superbes airs, d’abord teintés d’ironie, puis à l’inverse d’une grande sagesse lors de son apparition en Pluton,  enveloppé dans une cape immense qui souligne, s’il en était besoin, sa grande taille et sa belle prestance sur scène.

Les deux « comiques » de la partition que sont Achille et Hercule, tous deux passés à la craie blanche, sont interprétés avec une verve inouïe et une justesse qui laisse le spectateur tout à la fois séduit et hilare, par le contre-ténor Fernando Escalona et son comparse, le ténor Abel Zamora. Ces « respirations » légères qui ponctuent l’œuvre et la rendent si « digeste » sont également assurées par l’étonnant et bondissant Chiron, aux chaussures en forme de sabots de bouc puis le massif Bacchus et sa chope de vin par le baryton-basse à la voix puissante et même percutante, Matthieu Heim qui se taille lui aussi une bonne part du succès.

Et n’oublions pas les danseurs déguisés en animaux qui donnent tant de vie à cette histoire de la mythologie où hommes, dieux, animaux étaient si souvent interchangeables par le jeu des métamorphoses : le sanglier de Gabriel Avila Quintana, le cerf de Chloé Scalese et le félin de Théo Pendle.

Cet Orfeo est à l’affiche de l’Athénée-Louis-Jouvet jusqu’au 16 décembre ! Courez-y !

Orfeo d’Antonio Sartorio, opéra en 3 actes et un Prologue (1672) – À l’Athénée-Louis-Jouvet les 8, 9, 12, 13, 15 et 16 décembre.

Réservation par ce lien.

 

Visuels : © S. Gosselin