Opéra de Paris : brillante ouverture de la saison Brésil-France 2025

Du Brésil…

Les artistes de l’Académie de l’Opéra de Paris se produisent régulièrement en concert salle Garnier, au studio Bastille ou, comme ce soir, à l’amphithéâtre Olivier Messiaen, aux gradins combles pour l’occasion de cette rencontre musicale France-Brésil.

Le choix du programme, qui sera également présenté à São Paulo et Rio de Janeiro en septembre prochain, s’est avéré particulièrement judicieux puisqu’il permettait pour l’essentiel de découvrir des compositeurs brésiliens dans leurs œuvres lyriques.

Et l’on est immédiatement impressionné par les premiers airs de Marlos Nobre qui nous a quittés récemment, et s’était notamment illustré dans la composition de ces desafio, défis ou joutes oratoires chantées où deux artistes s’affrontent en improvisant autour d’un thème.

C’est Villa-Lobos qui a permis que Marlos Nobre connaisse également une popularité dans nos contrées, et notamment au travers de ces Três cançoes de Beiramar, opus 21a (1966/1998), qui ouvraient la soirée. Inspirées par le folklore de Bahia, dans le droit fil du style de Villa-Lobos, elles étaient brillamment interprétées par le baryton Luis-Felipe Sousa d’origine brésilienne, accompagné par le piano de Ramon Theobald. Le chanteur nous a offert une très belle prestation, sombre, tourmentée et romantique, de ces chansons de la mer où l’amoureux cherche en vain sa belle ; Sou filho das aguas claras (je suis le fils des eaux claires) nous emmène, le temps de ses chansons, vers Do mar (la mer) avec laquelle il conclue cette première entrée en matière, particulièrement envoûtante.

Nous avions remarqué déjà Luis-Felipe Sousa dans les soirées précédentes de l’Académie, et il est revenu dans la deuxième partie de la soirée, avec deux airs très impressionnants par leur rapidité et l’articulation des syllabes. Il s’agissait de la mélodie Nhapopé numéro 6 de Heitor Villa-Lobos et du Banzo très dansant, rythmé, scandé, de Hekel Tavarès, deux airs dans lequel il a confirmé son art de la scène et de l’incarnation d’un rôle, même le temps d’une chanson. Il a su allier une voix aux graves profonds et au timbre très séduisant, avec un sens des couleurs et des variations de style pour exprimer les sentiments. Saluons au passage l’excellent accompagnement (partenariat ?) d’Antoine Dutaillis au piano.

Du grand et incontournable Villa-Lobos, nous aurons également des pièces plus romantiques comme la Melodia Sentimental, la Canção do amor et la Canção do poeta do seculo XVIII, toutes trois poétiques et rêveuses, hymne à la nature et à la lune. Ce sont trois sopranos qui illustrent, chacune à leur manière et dans leur style, ces très belles romances. Les Brésiliennes Lorena Pires Adao et Juliana Kreling, aux voix claires et aux belles lignes de chant, se succèdent puis c’est au tour de Sima Ouahman, cette artiste de l’Académie qui allie charme, technique et agilité dans son interprétation.

D’autres chansons brésiliennes d’un style plus « classique » seront proposées au cours de la soirée par le ténor d’origine norvégienne Bergsvein Toverud, Coração triste d’Alberto Nepomuceno, Modinha de Jayme Ovalle et Lundú da Marquesa de Santos de Villa-Lobos, où il fait preuve d’une belle diction et d’une incarnation touchante.

… à la France

C’est la mezzo-soprano Amandine Portelli dont nous avions déjà salué le talent et apprécié le chaud timbre de contralto, notamment en Costanza dans l’Isola Disabitata, qui remporte le plus grand succès avec Banalités de Poulenc, puis Je te veux d’Éric Satie en duo avec le ténor. Accompagné.e.s des quatre mains des deux pianistes, ils offrent tous deux une interprétation très inspirée comme le sera celle des Bohémiennes de Pauline Viardot, que Portelli chante également en duo, mais avec la soprano Juliana Kreling, leurs deux timbres se mariant merveilleusement du fait d’un contraste impressionnant.

Et l’art du beau chant français est à l’honneur avec ce « Et le soir dans les roseaux, je fais mon nid ainsi que les oiseaux » accompagné d’un long trille du plus bel effet.

Elle nous offre encore une délicieuse Berceuse de Pinto Fonseca où elle s’alanguit sur le tabouret du pianiste Ramon Theobald puis un magnifique Les chemins de l’amour de Francis Poulenc, un véritable chemin de la séduction pour cette belle artiste que nous reverrons avec plaisir.

Sima Ouahman, voix souple et ductile, aisance dans les vocalises, illustre l’art lyrique français avec deux airs de Leo Delibes, le Chant de l’almée puis Myrto qu’elle interprète avec talent nonobstant un léger vibrato dans les aigus avant de se lancer dans un extrait des Filles de Cadix choisi sans doute pour son aspect hispanisant et dansant.

Le concert s’achève en apothéose par l’une des célèbres Bachianas brasileiras, la cinquième, chantée par Lorena Pires Adao.

Cette série de neuf suites du père de la musique brésilienne, a été composée ente 1930 et 1945 pour diverses combinaisons d’instruments. Cette œuvre majeure de Villa-Lobos symbolise mieux que toute autre, la fusion entre la musique classique occidentale (Bach en particulier pour l’art de la fugue) et le folklore brésilien. La première partie de la suite numéro cinq est une aria en la mineur, écrite pour voix de soprano et transcrite par la suite pour guitare, constituant l’un des thèmes les plus connus dans le monde entier (avec Jeux interdits…). C’est donc la version chantée que nous proposait brillamment, en clôture de ce magnifique concert la soprano brésilienne qui intégrera l’Académie de l’Opéra de Paris dès septembre 2025, ce qui nous donnera l’occasion de l’entendre à nouveau !

Soirée relax

L’Opéra de Paris organisait l’ouverture de la saison Brésil-France avec ce concert où étaient invitées des personnalités du pays, dont l’ambassadeur, mais illustrait également sa volonté d’ouverture à des publics diversifiés avec le concept de « soirée relax » : les codes habituels des concerts sont assouplis, les réactions du public pouvant être plus sonores ou plus spontanées que d’habitude. Disons tout de suite que la chaleureuse présence d’animateurs prêts à chaque instant à aider les demandes du public, a apporté une évidente plus-value à la soirée sans gêner le moins du monde, ni les artistes ni le public habituel.

Et nous avons tous passé une excellente soirée sous le signe de la convergence des musiques dans un programme passionnant et très bien interprété.