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Maria José Siri : « J’ai chanté Aïda dans toutes les productions des Arènes de Vérone des dix dernières années ».

par Marta Huertas de Gebelin
09.10.2024

Pianiste diplômée à 16 ans, elle entreprend des études de saxophone. Un jour, elle se trompe de salle de classe et découvre le chant lyrique. C’est le coup de foudre !  Vingt ans plus tard, la soprano uruguayenne María José Siri a déjà une belle carrière derrière elle et un avenir florissant. À l’occasion de son retour à l’Opéra de Monte-Carlo pour y incarner le rôle-titre de Tosca, elle nous a accordé cette interview par visioconférence depuis sa maison à Vérone.

Bonjour Maria José. En tant qu’Uruguayenne, c’est un vrai plaisir pour moi de vous faire davantage connaître par les lecteurs de Cult.news. Votre carrière lyrique a commencé en 2003 à Buenos Aires. Par la suite, vous vous êtes vite fait un nom dans ces contrées d’Amérique du Sud, surtout en Uruguay et en Argentine, et notamment au Teatro Colón. Mais, en 2006, vous décidez d’aller vivre en Europe. Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?

 

C’est par amour que j’ai fait ce grand pas. Puis, comme j’étais en Europe, j’ai essayé d’y entreprendre une carrière lyrique. Mais j’avais peu d’expérience et j’ai dû repartir de zéro. J’ai donc repris mes études avec Ileana Cotrubas.

 

Deux ans se sont écoulés avant que vous ne décrochiez quelques contrats. Votre premier « début » important en Europe a été, en 2008, et sous la direction du célèbre Bruno Bartoletti, le rôle de Leonora dans Il Trovatore au Teatro Carlo Felice de Gênes. Pouvez-vous nous raconter comment se sont alignées les planètes pour que Bartoletti vous choisisse pour ce rôle ? Vous étiez une jeune chanteuse uruguayenne, inconnue en Europe…

 

À l’époque, j’étudiais avec Ileana à Monte-Carlo. J’ai préparé le rôle de Leonora avec elle, car il y avait des auditions à Gênes, mais elle m’a découragée. Elle croyait que je n’étais pas prête.

Je retournais donc en Italie par le train quand, à Vintimille, mon cœur s’est mis à battre très fort. J’avais le sentiment que je devais passer cette audition. Suivant mon instinct, je suis descendue à Gênes. À l’entrée principale du Théâtre, j’ai lu sur une plaque : « Cardinale Giuseppe Siri ». Étonnée, je me suis dit : « Je ne sais pas qui tu es, mais tu vas me porter chance » (rires). Au Théâtre, on m’a demandé, en plaisantant, si je faisais partie de la famille du Cardinal Siri et j’ai répondu par l’affirmative. Pour rire, bien entendu ! Une fois l’audition finie, Bartoletti m’a assuré que j’avais un grand potentiel, mais que je devais apprendre les traditions des cadences et des arias. J’y suis donc restée une semaine à travailler ces traditions de l’opéra italien. Après quoi, il m’a réécoutée et m’a annoncé que je serais sa Leonora.

 

Quinze mois plus tard, vous faisiez vos débuts à La Scala de Milan dans le rôle-titre d’Aïda. Vous étiez encore inconnue sur les grandes scènes européennes. Comment se fait-il que vous ayez été convoquée pour chanter l’un des plus grands rôles féminins de Verdi dans la Mecque de l’art lyrique ?

 

Ce fut aussi à l’issue d’une audition. En l’occurrence avec Daniel Barenboim à La Scala. Après m’avoir écoutée, il m’a dit qu’un jour je serais une grande Aïda, mais qu’il ne fallait pas me presser. Il m’a donc proposé un double contrat pour la saison 2008-2009 de La Scala : chanter la Prêtresse d’Aïda et couvrir le rôle-titre de ce grand opéra. Finalement, j’ai dû interpréter le rôle de la princesse éthiopienne à toutes les répétitions. Et puisque tout s’était très bien passé, la direction de La Scala m’a communiqué, après la générale, que je ferai mes débuts dans le rôle-titre. Moi ! Aïda à La Scala, dans les costumes et les décors de Lila de Nobili – traditionnels, mais très modernes en même temps, avec ses rideaux peints en 3D – et la mise en scène de Zeffirelli ! Ensuite, Barenboim m’a encore choisie pour incarner Aïda lors de la tournée 2009 de La Scala au Japon et à Tel-Aviv. En définitive, je n’ai jamais chanté la Prêtresse d’Aïda !

 

Quelle est l’importance de cet opéra dans votre carrière ?

 

En 2003, j’avais fait mes débuts comme Aïda en Argentine. À ce moment-là, j’étais encore trop jeune et j’ai décidé de ne pas rechanter ce rôle pendant quatre ou cinq ans afin qu’il mûrisse tout seul. C’est ce qui s’est passé. En 2009, j’étais prête. Après La Scala, beaucoup de théâtres ont fait appel à moi pour chanter le rôle. J’ai même été choisie pour assumer ce rôle au Caire, avec les Pyramides et le Sphinx de Gizeh en guise de décors. L’année prochaine, je vais fêter mes 200 représentations d’Aïda. Ce sera sûrement à Vérone dans la production de Stefano Poda.

 

Dans votre carrière, il y a sans doute eu d’autres événements qui méritent d’être mentionnés. Par exemple, l’ouverture de la saison de La Scala dans le rôle-titre de Madama Butterfly en 2016. C’est un fait marquant qui vous a fait entrer dans le Livre d’Or de La Scala. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

 

Historiquement, la première mondiale de Madama Butterfly a eu lieu à La Scala en 1904. Ce fut un fiasco. Puccini a, par la suite, révisé son opéra à plusieurs reprises. C’est donc sa dernière version que nous entendons aujourd’hui le plus souvent. Depuis sa création donc et jusqu’en 2016, la version originale de Madama Butterfly n’avait plus été jouée à La Scala. L’idée était donc de la relégitimer.

C’est ce qui m’a valu de figurer dans le Livre d’Or du Théâtre, car après Rosina Storchio qui l’avait créé, j’ai été la première soprano à chanter la version originale, sans coupures, à La Scala. De plus, il s’agissait de l’ouverture de la saison et la couverture médiatique était considérable. J’ai répondu à de nombreuses interviews de chaînes étrangères et de magazines internationaux spécialisés, au point que j’avais deux agences pour gérer toute la couverture de presse. Ce fut vraiment un double travail pour moi !

 

Vous êtes souvent revenue à La Scala depuis vos débuts en 2009. Combien de productions y avez-vous chantées ?

 

À La Scala, j’ai chanté dans plusieurs Galas, dans trois différentes productions d’Aïda, dans Butterfly, Francesca da Rimini, Manon Lescaut et dans la Messe pour Rossini dirigée par Riccardo Chailly. Cette soirée est aussi entrée dans l’histoire de La Scala, car c’était la première fois que l’on chantait cette œuvre en Italie. Un enregistrement a, d’ailleurs, été réalisé par Decca. Enfin, la saison dernière, j’y ai été Elisabetta dans Don Carlo.

 

Vous avez également une relation incroyablement stable et nourrie avec les mythiques Arènes de Vérone. Pouvez-vous nous en parler ?

 

J’ai fait mes débuts aux Arènes en 2013 dans la production d’Aïda de la compagnie espagnole La Fura del Baus. J’avais, auparavant, passé une audition à ciel ouvert, indispensable pour savoir si ma voix s’y entendait bien. Il est très différent de chanter dans un espace grand et ouvert que dans un théâtre ! En plus, jouer un rôle aux Arènes est très physique. Les déplacements sur de longues distances sont fatigants. Il faut savoir bien s’y prendre.

Finalement, depuis 2013, j’y ai chanté tous les ans – même l’année où on a dû fermer à cause du Covid – car ils ont construit une scène minimale au centre de l’amphithéâtre pour présenter des concerts auxquels j’ai participé.

 

Pour revenir à Aïda, j’ai été l’esclave éthiopienne dans toutes les productions reprises ou créées aux Arènes au cours de ces dix dernières années : celles de Gianfanco de Bosio (celle que l’on appelle Aïda 1913), de Zeffirelli, de La Fura del Baus et de Poda. Cette année, j’ai même participé à deux versions de Aïda, celle de Gianfranco de Bosio et celle de Stefano Poda.

J’ai également été choisie pour interpréter d’autres rôles aux Arènes : Donna Elvira de Don Giovanni dans une production de Zeffirelli parue en DVD, Abigaille dans Nabucco, Madama Butterfly, et Cavalleria Rusticana que j’ai chanté avec Roberto Alagna. Il y a deux ans on m’a proposé d’incarner dans la même soirée Santuzza et Nedda. Et j’ai relevé le défi. Un challenge difficile, mais merveilleux. Durant la saison 2023, j’y ai été Abigaille, Aïda et Cio-Cio San.

 

Les œuvres de Verdi et de Puccini constituent la base de votre répertoire, auxquelles se sont ajoutés ces dernières années quelques opéras véristes. Avez-vous toujours senti que vous seriez une soprano verdienne et vériste, ou est-ce la carrière qui vous a mené sur cette voie ?

 

J’ai suivi les conseils que l’on m’a donnés. Quand je suis arrivée en Europe, lors des auditions dans de grands théâtres, on voulait m’écouter dans Musetta ou Gilda. Mais, à chaque fois, à la suite, on me demandait de chanter un Verdi plus lyrique, moins léger. Quand je pouvais présenter ce que je voulais, je choisissais Thaïs, Manon de Massenet ou Micaela. J’aime beaucoup les opéras  français et, au moins au début, je pensais que ce serait mon répertoire. Mais on ne me les a jamais proposés. Mon répertoire est donc le produit de mes auditions. Les directeurs de théâtre, les chefs d’orchestre, les agents et les directeurs de casting qui m’ont écouté au début de ma carrière m’ont tous dit que j’avais une voix qui matchait avec les opéras de maturité de Verdi. Toutefois, j’ai pris soin d’intercaler des œuvres de jeunesse de Puccini, pour ne pas trop peser sur mon répertoire trop tôt. Ce furent donc de nombreuses années où j’ai dit non à Nabucco, à Attila, à Macbeth

Le vérisme est venu par la suite comme une autre facette importante de mon épanouissement  artistique.

 

Quels sont les titres que vous avez le plus chantés en dehors d’Aïda et quels sont ceux que vous aimez le plus interpréter ? 

 

De mon répertoire actuel, j’aime surtout Adriana Lecouvreur, c’est un personnage passionnant. Je l’ai débuté il y a 4 ans. Malheureusement, on ne le programme pas souvent.

En ce moment, j’interprète souvent Abigaille. Il est, en fait, plus difficile de trouver une Abigaille qu’une Adriana. Mais je veille à ne pas dépasser trois productions par an de ce rôle exigeant. Quoique je chante un répertoire très lourd, j’ai un atout important : la façon dont j’ai géré mon agenda pendant ces 20 années de carrière. Je tiens toujours compte, par exemple, de ce qu’il me convient de chanter ou de ne pas chanter après un rôle comme Abigaille. Se reposer est fondamental pour la durée d’une carrière lyrique et le maintien de la fraîcheur de la voix.

Aujourd’hui, heureusement, les jeunes chanteurs sont de plus en plus préparés dès leur plus jeune âge, mais malheureusement, leurs carrières sont plus courtes, car ils chantent tout ce qu’on leur propose et sans arrêt, sans gérer l’économie vocale et physique. Les cordes vocales sont très délicates, mais on n’y pense pas quand on est jeune. Et si l’on peut prendre certains risques, ce n’est pas possible tout le temps.

 

Si vous aviez à choisir un opéra qu’on ne vous a jamais offert jusqu’à présent, ce serait lequel ?

 

Thaïs est mon opéra préféré, mais on ne me l’a jamais proposé. Maintenant, il est trop tard pour moi, parce que la tradition veut des sopranos plus légères pour ce rôle.

 

L’un des titres que vous chantez souvent, c’est la Tosca que vous incarnerez bientôt à l’Opéra de Monte-Carlo avec Roberto Alagna. Vous avez déjà partagé la scène avec lui à l’Opéra de Vienne dans ce chef-d’œuvre puccinien. Quels souvenirs en gardez-vous ?

 

Ce furent des représentations extraordinaires qui, de plus, ont été retransmises en direct gratuitement sur un écran géant installé sur la Place du Staatsoper, car les billets avaient été vendus pour toutes les représentations. Une de ces représentations a été diffusée en HD à l’internationale. C’est exaltant parce que l’on chante en même temps pour des millions de personnes du monde entier. La production de Tosca de l’Opéra de Vienne est très classique, mais elle a un grand atout : les costumes de la soprano sont une reproduction exacte de ceux qu’a portés Maria Callas !

 

Vous avez déjà une belle carrière derrière vous, quoique vous soyez encore jeune. Mais il n’y a pas de roses sans épines. Avez-vous vécu des moments difficiles sur scène ?

 

L’opéra est très dangereux (rires) ! Les accidents sur scène peuvent arriver à n’importe quel moment ! Mais nous essayons de faire en sorte que le public ne les remarque pas.

Je peux donner deux anecdotes parmi tant d’autres. Je chantais le rôle-titre de La Juive d’Halévy à Saint-Pétersbourg. À un moment donné, les soldats devaient me jeter par terre. Le soir de la répétition générale, ils m’ont poussé trop brusquement, je suis tombée sur un coude et mon épaule s’est déboitée. Mon expression de douleur a dû être très visible, car ma fille qui, était dans la salle, a couru sur scène pour savoir ce qui m’était arrivé. À l’hôpital, on a remis mon épaule à sa place, et conseillé de porter un plâtre. Mais je n’ai pas accepté. J’ai utilisé une attelle pour maintenir le bras près du corps. C’est ainsi que j’ai chanté toutes les représentations. Ce fut très, très douloureux.

 

Une autre fois, dans le deuxième acte de Tosca, un mur géant a commencé à se pencher en avant. J’étais seule sur scène avec Scarpia. Comme je me trouvais près du mur, depuis les coulisses on m’a chuchoté : « Soutenez-le, nous tirons des cordes pour qu’il ne tombe pas ! ». Je me suis appuyée de tout mon corps sur le mur, les deux bras en haut, et je chantais en tournant la tête autant que possible vers le public. On ne m’entendait sans doute pas très bien. Certains spectateurs ont dû penser : « Qu’arrive-t-il à cette chanteuse qui reste toujours plantée au fond de la scène ? ».

 

Eh bien ! C’est comme ça. Nous nous devons de faire face à des situations de ce genre et à bien d’autres ; par exemple un plateau où l’on glisse tout le temps ou une mise en scène où il faut monter très haut. C’est terrible pour moi puisque j’ai le vertige !

Il faut s’adapter à tout. Nous l’acceptons et agissons en conséquence, car chaque représentation est une occasion unique pour un chanteur.

 

Vous avez chanté avec de nombreux chefs d’orchestre. Lesquels ont vraiment fait la différence ?

 

Tout d’abord Bartoletti parce qu’il m’a découvert. Après lui, d’autres chefs tels que Barenboim ou Chailly m’ont choisie. Il y a eu aussi Zubin Mehta, un grand chef d’orchestre avec qui j’ai chanté… Aïda ! Toujours Aïda (rires) ! Il m’a appris à enrichir le personnage de différents points de vue. Cette année, j’ai enfin chanté avec Muti à Tokyo. Aïda, évidemment ! Avec lui, j’ai revisité ce rôle que j’avais déjà tant chanté.

 

Vous vous êtes produite à plusieurs reprises aux côtés de Plácido Domingo. Qu’est-ce que ça fait de chanter avec une star comme lui ?

 

C’est la personne la plus humble que je connaisse. De fait, les plus grands sont toujours les plus humbles. Une star du lyrique qui a chanté 145 rôles, c’est un record absolu ! Pourtant, lorsque l’on répète avec lui, s’il se trompe, il s’excuse ! Ce n’est pas très courant ! Il n’y a que des chanteurs de la stature de Domingo ou de Leo Nucci qui sont susceptibles de le faire. Ce n’est pas par hasard qu’ils ont atteint le sommet.

Pour cette saison qui vient de commencer, mon planning prévoit un bon nombre de concerts de musique espagnole en Europe avec Domingo. Cela me fait du bien d’interpréter des romances et des duos de zarzuela en plus des opéras où il n’y a que drame, mort, suicide, meurtres et empoisonnements et qui sont mon lot quotidien (rires) ! Aborder un répertoire plus enjoué pour un public qui l’apprécie, c’est vraiment très agréable.

 

Outre l’Amérique du Sud (où vous vous êtes surtout produite à vos débuts), votre carrière s’est principalement déroulée en Italie, Espagne, Allemagne et Autriche, ainsi que dans des pays plus lointains comme la Russie, la Turquie, le Japon, l’Inde ou le Sultanat d’Oman.  Mais très peu en France. Croyez-vous qu’il soit possible que le public français vous écoute à court terme ?

 

C’est vrai. J’ai chanté très peu en France. Un concert d’airs et duos de Verdi, en 2018, au Théâtre des Champs-Élysées avec Gregory Kunde et l’Orchestre de l’Opéra de Bologne.  Il y a aussi eu un gala de musique espagnole avec Domingo, en 2021, à la Salle Gaveau. Ainsi que Aïda au Théâtre gallo-romain de Sanxay, il y a bien longtemps, en 2009. Je serais bien sûr ravie de chanter à nouveau en France ! Mais, en attendant, en novembre, je chante Tosca à  Monte-Carlo. J’ai déjà eu la joie de me produire dans ce beau théâtre, notamment dans Pagliacci aux côtés de Leo Nucci. Ce fut le plus beau Pagliacci de toute ma carrière !

Par ailleurs, je me produis souvent dans les grandes maisons lyriques et festivals d’Italie, ainsi qu’au Staatsoper de Vienne et à celui de Berlin.

Voudriez-vous nous parler de votre vie quotidienne quand vous êtes chez vous, à Vérone ?

 

J’aime beaucoup rester en contact avec les fans sur les réseaux sociaux, mais je n’ai pas le temps de répondre à tous ceux qui m’écrivent. Je leur souhaite donc le bonjour lors du café du matin. Ceux qui me suivent savent où je suis, rien qu’en voyant la cafetière ! Après le café, je bois du maté. Quand je ne travaille pas, je m’occupe de mes plantes, je joue avec mes chats Tillo et Mimi qui sont mes compagnons et que j’emporte souvent lors de mes déplacements si je voyage en voiture ou en train. Ensuite, je fais quelques exercices pour maintenir la souplesse du corps et de la voix, puis j’étudie ou je révise ce que je vais chanter. Maintenant, par exemple, j’étudie Loreley, un opéra peu connu d’Alfredo Catalani. En fin d’après-midi, je me promène, et le soir, je lis ou je regarde la télévision ou YouTube. S’il s’agit d’un jour de répétition, il n’y a pas de maté, juste du café. Puis je pars au théâtre et j’essaie de ne pas parler pour prendre soin de ma voix.

 

Quand ferez-vous vos débuts dans le rôle-titre de Loreley ?

 

Pour le moment, on m’a demandé de le lire. Nous verrons bien. L’année prochaine, je vais faire mes débuts dans La Wally, un autre opéra de Catalani plus connu, car son air a été utilisé dans des spots publicitaires.

 

Avec un planning aussi chargé que le vôtre, vous est-il possible de consacrer du temps à vos autres amours : votre fille et vos parents qui habitent en Uruguay ?

 

Ma fille est une jeune adulte qui travaille dans le domaine de l’art en Italie. Je la vois souvent, mais elle a ses propres engagements. Quand elle était petite, elle voyageait avec moi, puis elle a dû continuer ses études… À cette époque-là, beaucoup de mes choix de travail n’ont pas été dictés par la projection de ma carrière de soprano, mais par mon rôle de mère. Je privilégiais les théâtres pas trop loin de Vérone où j’habite toujours.

En ce qui concerne mes parents, je vais en Uruguay au moins une fois par an. Si je peux, pour leurs anniversaires (ses yeux s’embuent). Ils n’ont, malheureusement, jamais quitté l’Uruguay pour des raisons de santé. Alors, chaque fois qu’il m’est possible, je chante là-bas pour eux.

 

Une carrière de soliste internationale, c’est vraiment difficile. À certains moments, il faut fermer les yeux et aller de l’avant. Et c’est la famille qui souffre le plus des déplacements des artistes.

Moi, je suis quelqu’un de très déterminé. J’ai commencé à étudier le chant assez jeune et, en même temps, je suis devenue maman. J’ai pu réaliser à la fois deux rêves complexes et presque incompatibles : me former comme chanteuse soliste et grandir en tant qu’artiste, et bien élever ma fille toute seule. Au final, je suis très heureuse d’avoir capitalisé des résultats positifs dans les deux domaines : heureuse de ma carrière, mais encore plus fière de ma fille.

 

Merci Maria José, et à bientôt.

 

Merci Marta.

 

Visuels :  Portrait © Michele Monasta – Aida © ENNEVI Arena di Verona – Abigaille Maggio Musicale Fiorentino 2020 © Michele Monasta – A Lecouvreur Maggio Musicale Fiorentino 2021 © Michele Monasta.