Après l’avoir gravé au disque tout récemment, Emiliano Gonzalez Toro et l’ensemble I Gemelli ont entamé une tournée présentant Il ritorno d’Ulisse in patria de Claudio Monteverdi (1567-1643). Le premier concert qui se déroulait au Grand Théâtre de Tours a reçu un accueil triomphal.
Ce n’est pas la première fois que le groupe baroque I Gemelli, spécialiste de Monteverdi et de la musique du Seicento, se produit au Grand Théâtre de Tours dans le cadre du festival Concerts d’automne. En 2021, ils avaient déjà présenté l’Orfeo, premier opéra connu de l’histoire de la musique.
Cette année, avec Il ritorno d’Ulisse in patria, ils donnent une version concert enthousiasmante de l’avant-dernier opéra conservé de Monteverdi.
Le coffret publié par leur label I Gemelli, est sorti en septembre, a reçu un accueil très enthousiaste et a été récompensé par de nombreuses distinctions.
La première soirée de la tournée se déroulait le 14 octobre dernier devant un public nombreux. La distribution est jeune, très prometteuse et dynamique sous la houlette de Emiliano Gonzalez Toro, qui incarne lui-même le rôle-titre.
Comme lors des deux concerts avec mise en espace à Paris et à Genève en 2021, le rôle d’Ulysse est interprété par Emiliano Gonzalez Toro avec panache et beaucoup de talent. La voix est ferme, assurée et claque dans la salle avec une belle puissance. Le ténor fait siens les sentiments contradictoires d’Ulysse qui, à peine rentré à Ithaque, doit se confronter à la haine de Neptune, farouchement opposé à son retour ; et le seul fait que les Phéaciens aient pu l‘aider à rejoindre Ithaque est une offense mortelle.
C’est le très chevronné baryton allemand Christian Immler qui incarne un impressionnant maître des mers, à la voix ferme et assurée, aux interventions marquantes.
La belle alto Fleur Barron incarne une Pénélope musicalement irréprochable, incarnant la forte personnalité de la souveraine grecque. Chacune de ses apparitions marque le public. Les lamentations du premier acte – ponctuées d’interventions discrètes d’Euriclea – sont bien vite remplacées par une impressionnante fermeté face aux arrogants prétendants.
Le rôle d’Euriclea est court mais important et Alix le Saulx, qui est dotée d’une fort belle voix de mezzo-soprano, incarne la vieille nourrice de Pénélope avec talent.
C’est le jeune et séduisant ténor franco-américain Zachary Wilder qui prête ses traits à Télémaque, le fils d’Ulysse et de Pénélope. Le jeune homme, issu du Jardin des voix de William Christie, nous livre une performance remarquable ; si les échanges avec le berger Eumée sont une forme de « mise en bouche », le duo fêtant les retrouvailles avec Ulysse est tout à fait exceptionnel. Les deux hommes font passer par leur chant toute l’émotion du père et du fils, qui tout à la joie de leur rencontre, en oublient toutes les peines et tous les déboires subis depuis toutes ces années.
C’est Nicholas Scott qui incarne le berger Eumée au rôle primordial de médiateur entre les personnages. Le ténor britannique a une voix agréable et on ne peut que regretter qu’il n’ait pas de véritable air propre à part son aria d’entrée. Fulvio Bettini est un Iro hilarant. Juan Sancho (Anfinomo et Giove), Nicolas Brooymans (Antinoo et Tempo) et Anders Dahlin (Pisandro) forment un trio de prétendants très convaincants.
Quant à Mathilde Etienne (Melanto) et Alvaro Zambrano (Eurimaco) incarnent avec talent un beau couple d’amoureux que l’on voit trop peu mais dont on se souvient surtout parce que chacun son tour ils tentent de convaincre Pénélope d’oublier Ulysse et d’accepter les avances de l’un des trois prétendants.
Ulysse entré au palais d’Ithaque sous les traits d’un mystérieux vieillard, voit et entend tout, ce qui lui permettra en temps voulu de se venger des prétendants et de leurs pique-assiettes.
L’excellent orchestre de l’ensemble I Gemelli est dirigé du clavecin par Violaine Cochin, qui assure un continuo très fourni et très inspiré. Les musiciens connaissent parfaitement la partition de Monteverdi et ils l’interprètent avec talent. Les nuances et les tempi adoptés sont parfaits et le travail fourni en amont des répétitions, sous la direction avisée de Emiliano Gonzalez Toro nous a permis de voir une version Concert de Il ritorno d’Ulisse in patria remarquable en tous points.
La tournée qui a débuté le 14 octobre dernier ( avec Bordeaux, Tours, Genève, Nantes, La Corogne, Toulouse, Bruxelles, Toulouse (2e), Madrid) reçoit déjà un accueil public très enthousiaste tant grâce au talent des chanteurs qui incarnent avec panache leurs personnages que grâce à un très bel orchestre qui accompagne les artistes avec talent et sans faiblesse.
Et l’on ne peut que recommander l’écoute du merveilleux CD !
Crédit photo : Rémi Angéli