Créé à Aix en 2023 (lire notre article) et passé par Strasbourg, le nouvel opéra du compositeur George Benjamin et de l’auteur Martin Crimp est à l’affiche de l’Opéra Comique. Fable initiatique, aussi profonde que lumineuse, l’oeuvre Picture a day like this nous emmène dans un univers où l’on touche à l’essentiel.
La scène de la salle Favart s’entrouvre sur les silhouettes sombres démultipliées dans la lumière vert foncée de miroirs sombres. Tout commence par du silence et un affairement solennel. Une femme (Marianne Crebassa) se place au centre sur un pont de lumière. Elle parle avant de se mettre à chanter : Son fils qui a à peine eu le temps de commencer à parler est mort. Elle est en colère. Elle apprend que si elle parvient à trouver une personne heureuse et à obtenir « un bouton de la manche de son vêtement », elle pourra ramener miraculeusement son enfant à la vie. Elle dispose de 24h et d’une liste précise de personnes à rencontrer qui sont susceptibles d’être heureuses : les amants, l’artisan, la compositrice, le collectionneur et Zabelle en son beau jardin. Elle enfile son trench sur sa robe de soie et se met en quête d’une personne vraiment heureuse…
Le bruissement de l’orchestre philharmonique de radio France dirigé par Benjamin et la beauté sombre et minimaliste de la mise en scène de Marie-Christine Soma et Daniel Jeanneteau, mettent en valeur toutes les voix de cet Opéra initiatique et majeur. La lyre et les cordes ponctuent les tableaux. Le public suit la courageuse mère et va vraiment rencontrer vocalement des amants pas si amoureux que cela (on a même le tonnerre et les foudres d’une crise de jalousie au milieu du deuil), de voir flétrir la raison de celui qui fabrique des boutons, de découvrir la solitude du riche collectionneur et d’entendre le blues de l’artiste reconnue – qui est néanmoins celle qui a le plus d’empathie pour la mère endeuillée. Il y a également de magnifiques arias : « Les tiges mortes des fleurs reprennent vie » au moment où la femme perd espoir ou « Dites que j’invente toutes les nuances de la lumière » par la compositrice (Beate Mordal). Et un duo puissant dans le dernier « acte » qui correspond aux mille couleurs du jardins psychédélique de Zabelle où Marianne Crebassa et Anna Prohaska finissent de nous envoûter. Au bout d’1h15 de quête, la musique, comme la noirceur de la scène semblent se refermer sur elles-mêmes pour nous inviter à méditer cette beauté très profonde qu’a provoqué en nous cette quête de bonheur.
Picture a day like this touche au cœur du sens et de l’Opéra. C’est tout simplement une œuvre majeure.
Picture a day like this, de Martin Crimp et George Benjamin, direction musicale : George Benjamin ; mise en scène : Marie-Christine Soma et Daniel Jeanneteau ; avec Marianne Crebassa, Anna Prohaska, Beate Mordal, Cameron Shahbazi, John Brancy – Orchestre Philharmonique de Radio France.
Visuel : © Stéphane Brion pour l’Opéra Comique