Le show des frères Pati et de Golda Schultz réchauffe la froide soirée d’hiver au Théâtre des Champs-Élysées
par Helene Adam09.01.2024
Les deux frères Pene et Amitai Pati, s’étaient associés à la soprano Golda Schultz pour un récital de rentrée, ce 8 janvier. Le concert, organisé par les Grandes Voix dans la salle de l’avenue Montaigne était accompagné par l’orchestre des Frivolités parisiennes sous la direction de Quentin Hindley. Un programme un peu éclectique et inégal mais une soirée sympathique et chaleureuse.
Le Haka à l’opéra
Une fois n’est pas coutume, nous commencerons par la fin, ces fameux « bis » qui n’en sont pas et sortent résolument du programme annoncé comme des sentiers battus. Depuis que Juan Diego Florez a donné le « la » en ajoutant systématiquement à ses récitals, des airs de son Amérique latine natale, airs accompagnés par sa seule guitare sèche, le public s’est habitué au rappel bienvenu par les artistes de leurs origines et des musiques dans lesquelles ils ont souvent fait leurs débuts.
Les frères Pati sont originaires des îles Samoa, mais ils ont surtout vécu en Nouvelle-Zélande. Ils ont longtemps été partie prenante du groupe qu’ils avaient fondé avec un cousin. Ce groupe baptisé Sole Mio a, quand même, sorti quatre enregistrements à grand succès et présentait tout à la fois des airs folkloriques populaires et des airs d’opéra célèbres.
C’est un petit morceau de ce soleil de ces traditions musicales et de ces manifestations populaires que les deux frères nous ont proposé avec un véritable Haka, ce chant dansé rituel des Maoris, d’une très grande maitrise, où Pene Pati prouve d’ailleurs qu’il a une voix puissante, large, magnifique, dans cet exercice que l’équipe de rugby des All Blacks a popularisé dans le monde entier.
Juste avant, Pene et Amitai Pati, très complices, nous avaient proposé un chant traditionnel Samoan, avec accompagnement au Ukulélé, devant les musiciens de l’orchestre assez ébahis. Golda Schultz à son tour concluait par le célèbre « Pata, Pata » de Myriam Makeba (malheureusement peu audible), achevant de rendre le public totalement participatif, tapant des mains, des pieds, dansant et ovationnant les artistes.
Une très belle fin incontestablement, pour préparer les spectateurs à un autre paysage, celui de la neige tombant sur Paris.
Inégales prestations en première partie
Pourtant ce récital ne commençait pas sous les meilleurs auspices, du fait d’un programme trop éclectique, et d’une évidente frustration d’entendre trop peu Pene Pati, la star du trio, en première partie.
C’est pourtant le formidable ténor qui fut un Roméo inoubliable à l’Opéra-Comique il y a deux ans, qui nous propose le premier air, après une ouverture orchestrale du Pardon de Ploërmel de Meyerbeer qui montre l’orchestre des Frivolités Parisiennes, dirigé par Quentin Hindley, moyennement performant dans cette musique où il faut absolument éviter le côté « fanfare » pour lui rendre ses subtilités mélodiques.
Et malheureusement, Pene Pati n’est pas vraiment un Mario Cavaradossi. Son « Recondita armonia » (de Tosca) manque un peu de largeur, d’harmoniques, sonne un peu court et un peu étriqué et l’on sent qu’il ne peut pas donner son meilleur quand il sort de son répertoire de ténor lyrique.
On regrette déjà ses choix quand sa deuxième apparition sera celle – très courte et assez frustrante – des quelques paroles du dialogue de Don José avec Micaela dans Carmen, le fameux « parle-moi de ma mère ». Pene Pati n’est pas non plus un Don José. Et il laisse son frère Amitai Pati, très joli timbre, mais très petite voix, se charger du « Una furtive lacrima » extrait de l’Élisir d’amore de Donizetti, qui manque du coup de cette ampleur qu’il faudrait lui donner.
Heureusement, dans cette première partie un peu pauvrette et qui semble bien décousue, il y aura le miracle de la prière de Robert le Diable de Meyerbeer, « « Oh ! ma mère, ombre si tendre » où Pene Pati confirme son immense talent dans le grand opéra français où l’on manque de ces voix chaudes à la diction impeccable, de ces interprètes capables de donner un sens à chaque mot et, parce qu’ils y sont parfaitement à l’aise, de nuancer et de colorer leur chant en de multiples variations.
Le récital a sans doute été conçu pour valoriser le moins connu des deux frères dans le monde de l’opéra, Amitai Pati, mais ses prestations nous ont laissé un peu sur notre faim tant il est évident que sa voix a du mal à « passer » l’orchestre. Le duo des deux frères chantant ensemble l’air d’Alfredo du début de l’acte 2 « De’ miei bollenti spititi », n’était pas non plus très convaincant, sans doute parce que la Traviata ne prête pas à rire et que leur numéro était un peu décalé de tous les points de vue.
Un sublime « Lève-toi soleil »
Pour la deuxième partie, le récital prend enfin ses marques et décolle réellement avec un enchainement plus fluide des airs et une présence de plus en plus chaleureuse des artistes.
Le « Com’e gentil» extrait du Don Pasquale de Donizetti réussit bien à Amitai Pati.
Pene Pati nous offre un « Lève-toi soleil » absolument magnifique qui recueille d’ailleurs la première véritable ovation de la part d’un public touché par la grâce infinie de ce Roméo, le duo et l’air de Juliette restant à un niveau moins enthousiasmant malgré le charme de Golda Schultz du fait d’une prononciation un peu hasardeuse de la soprano sud-africaine.
L’orchestre nous prouve alors qu’il est bien plus adéquat à la musique légère du XXe siècle avec le charleston de Reynaldo Hahn, extrait de la comédie musicale Le Temps d’aimer. Il ouvre d’ailleurs une dernière partie hors airs d’opéra, avec le célèbre « Be my love » de Nicholas Brodszky, dont Mario Lanza fut le non moins célèbre interprète, chanté hier soir par Amitai Pati, très à l’aise dans la prosodie anglaise de ce type d’airs de variété, tout comme Golda Schultz dans « The Glamorous Life », extrait de la comédie musicale A little Night Music de Stephen Sondheim.
En revanche, ce n’est pas certain que Pene Pati ait grand-chose à apporter au germanique extrait de l’opérette de Lehár, le Pays du sourire, avec son « Dein ist mein ganzes herz » où la prononciation allemande laisse à désirer. Cela permet juste de donner un aperçu très international des talents réunis hier soir.
On oubliera les deux chansons de Trenet chantées à trois et sans doute choisies pour faire plaisir au public français. Mais le manque probable de temps de répétition et la connaissance approximative des textes a rendu l’exercice souvent laborieux.
La fin hors programme fut grandiose et ce qui restera dans nos mémoires : une soirée sympathique et des artistes généreux.
