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Le retour incontournable de La vestale, l’opéra révolutionnaire de Spontini, à l’Opéra de Paris

par Paul Fourier
22.06.2024

Cette nouvelle production marque le retour dans la maison parisienne, de cette œuvre de transition entre Tragédie classique et Grand Opéra romantique et rappelle à quel point La vestale marqua l’histoire de l’opéra… et que sa présence dans le répertoire de l’Opéra National de Paris est une nécessité.

En illustrant l’histoire en mode La servante écarlate de Margaret Atwood, Lydia Steier met l’accent sur le sort de l’héroïne dans un régime politique autoritaire. Ce faisant, elle fait aussi l’impasse sur le contexte politique de la création en pleine apogée napoléonienne.

Remplaçante d’Elsa van den Heever, souffrante, Élodie Hache domine aisément une distribution louable.

Pour apprécier La vestale et comprendre à quel point l’intérêt de l’opéra pour le public de 2024 peut reposer sur son caractère révolutionnaire, il faut se plonger dans l’histoire de sa création.

Une œuvre majeure et de transition

En 1803, Gaspard Spontini arrive à Paris. Il a 29 ans, vient de Naples et ne manque pas d’ambition. Il a même pour projet de s’imposer dans la capitale française, devenue, depuis Marie-Antoinette, un centre musical cosmopolite qui attire de nombreux artistes venant de toute l’Europe. Il vise même l’institution phare, l’Académie Royale de Musique (qui se transforme, en 1804, en « Impériale »), ce lieu où règnent les opéras des compositeurs de la Révolution, notamment Méhul et Lesueur.

Son empreinte parisienne débute donc avec des petites œuvres pas particulièrement remarquables, données à l’Opéra Italien et à l’Opéra Comique.
Mais, rapidement, celui qui est devenu, en 1804, le « compositeur particulier de la Chambre de l’Impératrice Joséphine » tire profit d’un très bon livret d’Étienne de Jouy – cet auteur de talent qui travailla avec Méhul, Cherubini puis le fera avec Rossini – pour frapper un coup d’éclat avec La vestale.

Bien que de naissance italienne, comme Cherubini qui, en 1797, s’est imposé dans l’Histoire de l’Opéra Français avec sa Médée, une œuvre déjà révolutionnaire, Spontini s’attache, avec cette œuvre, à respecter le style français en vogue. Il s’inscrit ainsi résolument dans la continuité de Gluck avec sa réforme et ses grandes tragédies lyriques.

 

Finalement, la création de La vestale, le 15 décembre 1807, s’avèrera être un triomphe qui consacre définitivement le compositeur et son style « napoléonien ». L’opéra ainsi que Fernand Cortez, l’autre grande œuvre de Spontini restera à l’affiche de l’Opéra de Paris durant des décennies, bénéficiera alors d’une immense notoriété internationale, puis tombera dans l’oubli jusqu’à sa résurrection au XXe siècle, en version italienne, en grande partie grâce à Maria Callas.

Dans le numéro 340 de l’Avant-scène opéra récemment paru et consacré à La vestale, Alexia Cousin rappelle que « Ce style (français), lui-même héritier de plusieurs traditions – notamment l’air de cour –, est élaboré et développé par Lully au sein de l’Académie royale de musique à partir de 1672, puis raffiné dans l’œuvre de Rameau. En quelques mots, il repose sur l’expression plutôt que sur la séduction. On recherche alors la précision, la justesse et la clarté du texte, l’ornementation est pensée comme un raffinement dont se pare la déclamation plutôt qu’un élément de virtuosité ». Elle complète : « On observe un rejet clair de la virtuosité démonstrative, une absence de grands passages de prouesses vocales, très peu de traits vocalisants ainsi qu’une économie extrême des ornements. » (1)

La continuité dans le style musical n’empêche cependant pas la Révolution française d’avoir une influence sur un public désormais plus exigeant et davantage demandeur de sensibilité pour les personnages en complément de son goût pour la pompe héroïque. Spontini va tenir compte de cette tendance qui, par la suite, aura pour aboutissement les épanchements de la période romantique.

De l’audace dans l’écriture

Cela étant, le côté novateur du compositeur déconcerte face à la tradition qui règne à l’Opéra. À cette époque, les œuvres doivent être préalablement présentées à un jury de lecture et celui-ci trouve l’opéra « bizarre », affecté « d’une harmonie défectueuse » et « d’une orchestration bruyante ». Il est donc probable que la protection impériale ait été déterminante dans le choix de La Vestale pour l’Opéra….

S’il est une chose pour lequel laquelle Spontini reste dans la tradition du siècle qui vient de s’achever, c’est le « lieto fine », cette fin optimiste alors de rigueur, qui nous paraît aujourd’hui anachronique. Certes, la totalité de l’intrigue est foncièrement dramatique ; l’on y entend notamment une sentence telle que « l’Amour est un monstre barbare » venant de la Grande Vestale. Mais « le dénouement heureux semble encore tributaire des tragédies lyriques et de l’opera seria du XVIIIe siècle. En ces premières années du XIXe siècle, l’humeur du public – composé de bourgeois nantis d’une nouvelle position politique à l’issue de la Révolution française – n’est pas encore tout à fait à la sensibilité romantique et à la mort des personnages principaux. Il est friand d’œuvres renvoyant à son propre triomphe, ainsi qu’à celui du nouveau souverain. » (cf. l’article de Justin Ratel dans l’Avant-scène opéra N°340). (1)

 

Musicalement, Spontini, de diverses façons, entre en rupture avec ses prédécesseurs.

Comme le souligne Bertrand de Billy dans le programme de salle, il impose, en lien avec une intrigue extrêmement simple et linéaire, une continuité musicale dans le récit, rendant ainsi les applaudissements après les airs quasi impossibles. Il abandonne également le schéma classique italien (récitatif – air – cabalette), notamment dans la grande scène vertigineuse de Julia « Toi que j’implore avec effroi… Impitoyables Dieux », prodigieuse de modernité. Toutes ces audaces seront, plus tard, saluées par Hector Berlioz et Richard Wagner, deux musiciens sur lesquels l’influence de Spontini est indéniable.

Enfin, l’on trouve, dans La vestale, les éléments constitutifs de ce que va être le Grand Opéra français (œuvre épique s’appuyant sur un grand orchestre, un effectif choral important, la présence d’un ballet, une mise en scène grandiose), un genre qui trouvera son apogée avec Meyerbeer, Halévy, Rossini ou Verdi.

Une œuvre « politique »

On l’a dit, Spontini bénéficie du soutien de l’Impératrice. Et celle-ci n’est pas désintéressée, dans la mesure où son rôle protecteur de l’art lyrique lui permet de promouvoir… les qualités, militaires et de grandeur d’âme, de son époux.

Ainsi les exploits guerriers du général Romain Licinius peuvent-ils être mis en parallèle avec ceux de Napoléon. À l’instar de l’Empereur, Licinius est également celui qui « défie le pouvoir religieux, sans toutefois remettre en cause la légitimité de l’Église ni ses institutions, comme une manière de transcrire en musique les effets du Concordat de 1801 qui reconnaissait la religion catholique comme majoritaire en France » (Justin Ratel pour l’Avant-scène opéra N°340)(1).

Julia, une « servante écarlate » ?

Pour La vestale, Étienne de Jouy s’est basé sur un thème d’actualité en ces périodes révolutionnaires, à savoir le couvent comme mode de vie, allant à l’encontre de la nature et de l’individualité. Julia se retrouve enfermée dans le temple, selon les souhaits de son père, et contrainte à la chasteté, ce qui percute l’amour qu’elle porte à Licinius.

 

Soucieuse avant tout, de mettre en avant, la condition d’une femme prise dans un système archaïque qui nie son autonomie et son amour, la metteuse en scène, Lydia Steier, a fait des choix qui peuvent s’avérer, à bien des égards, antinomiques avec ce qui fait la richesse de la passionnante histoire post-révolutionnaire de la création de l’œuvre. Se réfugiant dans un contexte de dystopie totalitaire proche de Gilead – la « république » de La servante écarlate de Margaret Atwood -, elle nous éloigne des complexités de la Rome du livret et de l’Empire napoléonien qui suit la Révolution Française, avec ses acquis et ses progrès.
De Licinius qui, à l’instar de Napoléon, était un général fier de ses combats et de ses conquêtes, elle fait, au contraire, un homme brisé par la guerre. Et, pour le mettre en évidence, elle montre les conséquences tragiques de la folie des hommes. Le procédé n’est, à vrai dire, pas très novateur ; on l’a vu récemment, par exemple, dans l’Aida, mise en scène par Damiano Michieletto, au Bayerische Staatsoper.

Certes, la condition féminine reste le nœud de l’histoire qui nous est donnée à voir, – et notamment cette condition en période de totalitarisme – mais, bien des grands écarts séparent le récit de Julia à Rome de celui de June Osborne à Gilead.
La première différence fondamentale est que la vie des vestales devait se faire sous le double précepte de la virginité et de la chasteté, alors que les « servantes » d’Atwood doivent réserver leur fertilité à la conception forcée d’enfants pour la caste des puissants. Ce qui est, en revanche, commun aux deux intrigues, c’est la punition suprême imposée par un système patriarcal aux deux héroïnes qui décident de désobéir par amour.

 

Comme dans Salomé, mais dans une moindre mesure, ce qui caractérise finalement la proposition de Steier est la présence de scènes visuellement fortes, appuyées sur des décors (Étienne Pluss) et costumes (Katharina Schlipf) totalement adaptés à la vision de la metteuse en scène.
Si la première scène, avec un « mur » avec ses pendus, image connue de La servante écarlate, ne manque pas d’impact, on se demande, toutefois, si elle est indispensable tant le propos sera surligné par la suite.
Le décor de l’amphithéâtre de la Sorbonne (en référence à Harvard où siège le centre de Gilead dans La servante écarlate), s’il est aussi impressionnant qu’esthétique, ne paraît pas d’une évidente lisibilité pour qui n’aura pas consulté le programme de salle.

 

En revanche, l’idée de présenter un autodafé de livres fait justement écho au combat contre le savoir de tous les régimes totalitaires. Et, indéniablement, les scènes de groupe, dirigées avec une grande force, prouvent comment la pression du « peuple » peut servir les dictatures, lorsqu’elles décident de punir les « révolutionnaires » qui menacent l’ordre établi, par leurs actes subversifs. Enfin, si, toutefois, l’on adhère aux choix de Steier, les personnages du Souverain Pontife et de la Grande Vestale (façon « Tante Lydia ») et de libertés qu’ils prennent, eux-mêmes, avec les règles sur lesquelles ils règnent, sont particulièrement réussis. De surcroît, les moments où la scène se fige, laissant comme seul centre d’intérêt éclairé une Julia qui évolue comme si elle s’extirpait un instant de sa sinistre réalité, sont remarquables.

Et, enfin, on ne relèvera aucune incongruité à citer Voltaire (« Le fanatisme est un monstre qui ose se dire le fils de la religion ») car ce rapprochement rappelle qu’Étienne de Jouy était un élève passionné de l’écrivain et philosophe.

Un opéra avec de grandes difficultés vocales dominé ici par Élodie Hache

Les novations réalisées par Spontini, et notamment, la présence d’un grand orchestre qu’il faut arriver à surmonter, ne sont pas sans conséquence pour les interprètes. Le compositeur avait alors repoussé, de plusieurs crans, les limites qui étaient alors de mise à l’opéra en ce début de XIXe siècle.

À propos du rôle de Julia, Alexia Cousin dit : « Pour exprimer cette complexe palette de sentiments ainsi que l’évolution du personnage dans sa prise de décision finale, Spontini se livre à un travail d’écriture vocale précis où il articule le lyrisme italien tel qu’il est développé dans le bel canto, et la déclamation française mise au point dans la tragédie lyrique et transmise à travers l’œuvre de Gluck. Dès lors, il faut une interprète à la voix ample pour incarner la grandeur tragique, et souple pour assurer la précision de la déclamation comme de la phrase belcantiste. C’est sans doute ce que fut Caroline Branchu, créatrice du rôle, dont Berlioz disait qu’elle était « la tragédie lyrique incarnée » (1)

Il faut, en effet, une voix exceptionnelle, de type soprano dramatique d’agilité ou grand soprano français, ainsi qu’une détermination remarquable pour incarner Julia, un personnage que l’on peut situer entre la Médée de Cherubini et la Norma de Bellini. « Les lignes nécessitent un soutien important, les phrases sont longues et intenses, et demandent une maîtrise du legato et de la conduite de la phrase qui s’éloigne du style du XVIIIe siècle italien. Certaines scènes, notamment celles de Julia, requièrent une endurance considérable de la part des interprètes. Selon les informations fournies par Berlioz, Branchu, créatrice du rôle de Julia, se serait plainte, déclarant que les récitatifs étaient trop difficiles à apprendre, allant jusqu’à affirmer à Spontini « qu’elle n’apprendrait jamais ses inchantables récitatifs. » (1)
Ainsi, dans l’histoire, pour surmonter les difficultés du rôle, il aura fallu une Cornélie Falcon (1814-1897), une Régine Crespin (1927- 2007) et pour le pendant italien, une Isabella Colbran et bien sûr, l’unique Maria Callas, qui ressuscitera l’œuvre dans la mise en scène de Luchino Visconti.

 

Tout récemment, Marina Rebeka, au Théâtre des Champs-Élysées, a su prouver son adéquation au rôle (une performance que l’on peut écouter sur l’album du Palazetto Bru Zane). Sur la scène de l’Opéra Bastille, l’on devait retrouver Elza van den Heever qui avait déjà interprété le rôle en 2019 au Theater an der Wien. La maladie en a décidé autrement ; elle a été remplacée pour les deux premières représentations par Élodie Hache. Et c’est-là une excellente surprise ! La voix est forte de très belles harmoniques et seul le registre aigu, assez tendu, montre ses limites. Mais ce n’est rien à côté de l’extraordinaire maîtrise technique qui lui permet, bataillant contre un orchestre très présent, assurant la gestuelle imposée par la mise en scène, d’arriver sans ambages au terme de son effrayant solo décomposé de 11 minutes à l’acte II. Elle est ensuite exceptionnelle dans « Ô des infortunés déesse tutélaire », où elle démontre qu’elle peut dominer les ensembles dans lesquels elle apparaît mais, également, qu’elle a la capacité d’alléger sa voix à la toute fin de l’ouvrage.

Comme le note Justin Ratel, « Spontini a écrit les rôles de ténors (Licinius et Cinna) dans une tessiture plutôt centrale. Ces rôles, parfois interprétés de nos jours par des barytons (surtout Cinna), sont pourtant notés dans la partition originale en clé d’ut 4, spécifique aux ténors. Spontini n’a pas inclus de passages très aigus pour ces personnages, ce qui suggère que des barytons aigus pourraient en effet les interpréter. Surtout, cela permet aux chanteurs de déployer une grande intensité de timbre et une vocalité puissante, alors plus difficilement réalisable dans le registre aigu, car la technique vocale à l’époque de La Vestale n’avait pas encore fait une habitude des aigus de poitrine pour les ténors. » (1)
De fait, le choix de Michael Spyres pour le rôle de Licinius pouvait s’imposer avec une certaine évidence ; d’autant que celui qui se qualifie lui-même de baryténor, a déjà interprété le rôle au Theater an der Wien. Et il est vrai qu’il se place dans cette fameuse tessiture centrale, mais, toutefois, la contrepartie est un manque de brillance, celle qui donnait un avantage à Stanislas de Barbeyrac au Théâtre des Champs-Élysées. Et si Julien Behr, en Cinna, ne démérite nullement, leurs duos ne sont pas particulièrement spectaculaires.

 

La Grande Vestale d’Eve-Maud Hubeaux est plus problématique. On peut penser que ses récentes prises de rôles lourds ne sont pas sans conséquence sur une voix qui accuse ici des insuffisances, dans ce nouveau rôle écrasant, un rôle qui lorsqu’il est présent doit, à la fois, surmonter l’orchestre et supplanter, en termes de puissance, les autres protagonistes. La voix d’Hubeaux s’avère tendue et le registre grave sur lequel elle devrait s’appuyer, est bien trop limité. Cela n’est, malheureusement, que faiblement compensé par l’incontestable présence de scène et le port de cette femme qui incarne avec aplomb ce personnage, fortement inspiré par celui de « tante Lydia » de La servante écarlate.

 

En revanche, Jean Teitgen, démontre là, une nouvelle fois, qu’il sait donner corps aux « grands méchants » que sont les basses dans cet opéra, et dans ceux qui vont suivre avec Meyerbeer ou Verdi.

Dans La vestale, le chœur est omniprésent ; il apparaît dans dix numéros sur vingt. Il possède des très belles pages dans nombre de scènes clefs de l’œuvre. Et tant dans le passage « De lauriers couvrons les chemins » (acte I), que dans le final impressionnant du deuxième acte (« De son front que la honte accable »), ou dans l’épilogue, le chœur dirigé par Ching-Lien Wu se montre, une fois de plus, exceptionnel, tant pour son réglage parfait que pour sa diction impeccable.

Malgré ce que l’on a souligné plus haut sur l’évolution musicale imposée par Spontini après Gluck, si le compositeur a ouvert la voie au futur « Grand opéra français », Bertrand de Billy semble déjà s’inscrire dans ce dernier style. L’on préfèrera les sonorités gluckistes, un résultat moins homogène, une meilleure émergence des différents corps tels qu’ils étaient rendus par Les talens lyriques de Christophe Rousset au Théâtre des Champs-Élysées.

Quelles que soient les quelques réserves émises sur cette création 2024, il est d’une considérable importance que La vestale soit, ainsi, de nouveau présente au répertoire de l’Opéra de Paris. On peut espérer que l’initiative sera suivie du retour d’autres grandes œuvres (notamment celles de Meyerbeer) fondatrices de l’histoire de cette grande maison. Après la version concert de La vestale donnée au Théâtre des Champs-Élysées l’an dernier, la direction de l’Opéra de Paris vient de poser un évènement à marquer d’une pierre blanche.

 

(1) Extraits du numéro 340 de l’Avant-scène opéra.

Pour réserver, c’est ici.

 

Visuels : © Guergana Damianova / OnP

 

Pour compléter sa connaissance de La vestale, ne pas hésiter à se rapporter au numéro 340 de l’Avant-scène opéra, inappréciable source d’informations sur l’histoire de l’œuvre et ses interprètes.