Opéra

Le « Don Quichotte » de Paisiello était de passage au Louvre

par La redaction
11.11.2023

Dans le cadre de l’exposition « Naples à Paris » (avec la collection du musée de Capodimonte en prêt), le musée du Louvre organise une série d’événements (concerts, conférences, spectacles…) centrés sur la culture de la ville parthénopéenne et ses liens avec la capitale française. Parmi les événements les plus attendus, le 8 novembre, l’Auditorium Michel Laclotte a accueilli l’Académie lyrique et l’orchestre du Teatro San Carlo de Naples (le plus ancien opéra en activité, fondé en 1737) dans la représentation, sous forme de concert, du Don Quichotte de Giovanni Paisiello.

Par Emanuele Zazzero

Un chevalier espagnol dans le Royaume de Naples

Créé au Teatro dei Fiorentini de Naples à l’été 1769, Don Chisciotte della Mancia naît de la rencontre entre le compositeur napolitain et le librettiste Giovanni Battista Lorenzi. Ce dernier, poète de grand talent chercha à renouveler l’opéra bouffe napolitain, en développant les intrigues entre les personnages avec plus de profondeur et en équilibrant les scènes les plus comiques et grossières des comédies de l’époque.

Faisant partie de la période de jeunesse de Paisiello, son Don Quichotte révèle déjà les principaux éléments stylistiques du compositeur : alternance entre légèreté, airs brillants et airs pathétiques, orchestre en soutien des voix et jamais en contraste avec le chant (sauf dans les dialogues entre chanteurs et instruments à vent) et, surtout, une grande maîtrise des ensembles (maîtrise qui influencera les œuvres de Mozart), ouvrant déjà le premier acte avec un quintet de voix et utilisant cette technique dans tous les finals de scène.

Paisiello et Lorenzi ont résumé les principaux événements du célèbre roman de Cervantes, en soulignant le lien entre la folie du chevalier espagnol et celle de l’Orlando de l’Arioste (Don Chisciotte s’inspire des exploits d’Orlando pour affronter ses aventures), au point de créer des moments hilarants et mille aventures entre le protagoniste, Sancho Pança et les différents personnages de la comédie. Malgré le cadre espagnol, ceux-ci chantent en italien ou en napolitain selon leur niveau social (nobles en italien et peuple en napolitain). Cette différence de registre linguistique était un trait fondamental des opéras bouffes napolitains de cette époque, des œuvres destinées à un public populaire.

L’Académie du Teatro San Carlo de Naples

Fondée par l’actuel directeur de l’Opéra de Naples Stéphane Lissner en 2020 (comme il l’avait déjà fait lors de son mandat à La Scala et à l’Opéra de Paris), l’Académie est composée de jeunes chanteurs du monde entier, suivis dans leur formation artistique par la célèbre soprano Mariella Devia. Malgré la modalité de la forme concert, les jeunes chanteurs ont fait preuve de bonnes qualités d’acteur, en exploitant au maximum les espaces de la petite scène.

Sun Tianxuefei (Don Chisciotte) est un ténor à la couleur claire et à la voix bien projetée, il a interprété avec brio les virtuosités difficiles du rôle (notamment dans les dialogues avec les instruments à vent de l’orchestre) et a fait preuve d’une bonne diction italienne dans les différentes scènes comiques (comme celle dans laquelle Don Quichotte veut se déshabiller)

Sebastià Serra (Sancho Pança) est une basse espagnole et possède une voix riche en couleur et, malgré une diction pas toujours parfaite, il a fait preuve d’une bonne présence scénique et d’un bon « feeling » dans les duos avec Don Quichotte.

Tamar Otandze (la Contessa) possède une voix légère mais pénétrante et Maria Knihnytska (la Duchessa) a montré une voix large, chaude et bien homogène. Avec leurs chant élégiaque, les deux cantatrices se sont distinguées par un phrasé noble que les rôles exigent.

L’interprétation de Costanza Cutaia (Cardorella) a présenté des problèmes d’intonation et la voix n’était pas toujours homogène dans les différents registres, tandis que Maria Sardaryan (Carmosina), soprano arménienne dotée d’une excellente technique du bel canto, était excellente.

La fraîcheur vocale du ténor Francesco Domenico Doto (il conte Don Galafrone) et le style brillant du baryton Maurizio Bove (Don Platone) ont forgé un duo comique très drôle. Les deux chanteurs ont prouvé leur alchimie sur scène, interprétant des airs et des duos en napolitain du XVIIIe siècle.

Une direction fraîche et un orchestre flamboyant

Le jeune chef d’orchestre Diego Ceretta a fait preuve d’une grande maîtrise de l’orchestre, mettant en valeur chaque détail. Il a été un guide solide pour tous les artistes sur scène. Son geste élégant a donné de la fraîcheur, de la légèreté et la juste énergie à l’orchestre du San Carlo (en version réduite d’Orchestre de Chambre pour l’occasion) qui s’est montré brillant et équilibré.

Les liens culturels entre le Royaume des Deux-Siciles et la France ont toujours été très fructueux et pouvait, ce soir, être résumés par la célèbre citation de Stendhal: « Paris et Naples, les deux seules capitales » !

Le « Don Quichotte » de Paisiello était de passage au Louvre

Par Emanuele Zazzero

Un chevalier espagnol dans le Royaume de Naples

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