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Laideur, mais théâtre de qualité au programme du « Rheingold » à l’Opéra Bastille

par Paul Fourier
30.01.2025

Cet Or du Rhin est, incontestablement, l’un des évènements de la saison à l’Opéra de Paris. Si la laideur prévaut sur scène, Calixto Bieito démontre son sens et sa maitrise du théâtre au service de personnages pour la plupart malfaisants.

Parler du Ring, c’est, nécessairement, revenir à sa genèse. L’Or du Rhin est le dernier du cycle à avoir été rédigé par Wagner. En 1868, Wagner rédige d’abord sa version du mythe des Nibelungen, suivi du livret de La mort de Siegfried qui deviendra Le Crépuscule des Dieux. C’est donc par la mort de son héros qu’il commence son cycle.

Ce sera ensuite Le jeune Siegfried puis les deux volets restants, à savoir La désobéissance de la Walkyrie et, finalement, Le vol de l’or de Rhin. Une fois achevé, l’ensemble va constituer Le Ring, son « festival scénique ».

La composition débute en juin 1854 par la composition de La Walkyrie (qui sera terminée en mars 1856). En septembre, il achève L’or du Rhin puis s’attelle à Siegfried dont la genèse prendra… 15 ans. Dès le prologue, Wagner a déjà introduit les 90 leitmotivs qui vont parcourir son œuvre.

L’Or du Rhin est créé à Munich le 22 septembre 1869. En octobre de cette même année, il commence à composer Le Crépuscule des Dieux (qui ne sera verra son aboutissement qu’en 1874). Au bout du compte, il faudra 26 ans à Wagner pour venir à bout de sa grande œuvre.

Appréhender Le Ring aujourd’hui

Comme le souligne Bettina Auer dans son article de programme de salle, L’anneau du Nibelung peut être lu comme une critique du capitalisme. Y fleurissent actes cupides, abus de pouvoir, obsession de vouloir tout contrôler, plaisir de la destruction entrainant l’éternel cycle de la violence. Cela se double, d’un point de vue intimiste, d’une « tragédie familiale » au domaine des Dieux.

 

Pour sa part, Calixto Bieito et sa dramaturge ont décidé de mettre, en toile de fond, notre période actuelle baignée dans des technologies et une virtualité de plus en plus envahissantes, et de s’intéresser à la façon dont celles-ci influencent les relations humaines. En 2025, cela ne peut que se compléter avec la question de l’impact que l’intelligence artificielle va avoir sur notre société.

 

Calixto Bieito annonce ainsi la couleur de la globalité de son Ring : « nous avons opté pour une narration discontinue, où le passé et l’avenir s’entremêlent. Nous commençons par le big data, dans l’obscurité de la lumière de l’information totale et de la surveillance totale de notre vie privée. Nous faisons ensuite un bond vers une apocalypse émotionnelle, la guerre à tous les niveaux, avec l’empoisonnement des forêts vierges, et nous terminons par la perte de la mémoire et de l’avenir. (Il s’agit d’) un drame familial avec pour fond la situation préoccupante de notre environnement, de notre économie brutale et malsaine qui détruit les humains et la nature. »

 

Au prologue de la Tétralogie, chez Bieito, la partie haute du plateau est le domaine protégé et luxueux des « Dieux », en fait des puissants et des riches, qui se font construire un château.

Dans le bas, loge l’envieux Alberich qui rêve de richesse et, du fond de sa caverne, joue avec les technologies et produit des humanoïdes, ceux-là mêmes qui, bientôt, sous une forme ou une autre nous remplaceront. Des prototypes y sont alignés et l’espace est recouvert de câbles, parabole de la domination technologique qui transmettent les informations et nous emprisonnent progressivement dans une réalité parallèle dans laquelle fleurissent, par exemple, aujourd’hui, les plus énormes « fake news ». D’ailleurs, sans « spoiler », les illusions qui figurent dans le Ring ne font-elles pas partie de ces territoires où le réel a perdu pied…? Finalement, les « Dieux » ont l’argent et la puissance, mais Alberich possède aussi une arme redoutable.

Face aux cruelles filles du Rhin qui le raillent, ce « pauvre type » n’a d’autre choix, pour se voir reconnaître, et comme le dit Bettina Auer, « pour s’acheter une belle femme cultivée », il doit accéder au statut des puissants. Et la moindre des richesses n’est pas forcément l’or, une richesse du passé, mais un anneau magique qui donne du pouvoir, mais qui pèsera aussi sur les esprits lorsqu’il en sera dépossédé et qu’il y attachera une malédiction.

Comme l’explique Calixto Bieito : « À la fin de L’Or du Rhin, c’est la haute technologie qui triomphe. Notre Dieu n’existe plus, parce que quelques hommes se prennent eux-mêmes pour Dieu ». Ces hommes qui ont la fortune d’États, pèsent sur les guerres, ont le pouvoir de détruire les esprits ou de tuer et peuvent se nommer Elon Musk, Marc Zuckerberg, Steve Jobs…

Une laideur assumée pour un monde et des personnages laids

Alors que Le Ring est considéré comme « une œuvre sacrée », Bieito a fait un choix artistique radical, celui de traduire la laideur de l’histoire et des personnages dans sa propre mise en scène. Car l’imagerie de cette production « pique » vraiment.

 

Mais l’histoire elle-même contenue dans le prologue n’est-elle pas aussi urticante ? Il est difficile de trouver des qualités aux protagonistes de L’or du Rhin. Les Dieux (incluant Wotan, le chef de famille), les Géants et les Nibelungen sont médiocres, cupides, batailleurs, parfois assassins, et n’ont de cesse de vouloir voler pour gagner en richesse et en pouvoir. Les filles du Rhin sont provocatrices et vaniteuses, mais se retrouvent flouées. Seul peut-on trouver quelques excuses à Fricka qui cherche à défendre sa sœur Freïa ou aux bien passifs Donner et Froh, et bien sûr à Erda qui surgit quelques instants pour mettre en garde contre le pouvoir de l’Anneau.

Ainsi, l’intérêt de cette production ne serait-il pas précisément dans cette laideur (de costumes, de décors, de comportements) utilisée à fins de servir le théâtre ?

Car du théâtre, il y en a dans le Ring et il y en a sur scène et même du sérieusement réussi. Certes, la descente dans la fange humaine peut s’avérer tellement ordinaire et ennuyeuse ; c’est le cas dans la deuxième scène lorsque les Géants réclament leur paiement et que tout le monde se dispute de manière triviale.

 

Mais n’est-il parlant de représenter les insouciantes filles du Rhin, touristes de luxe affublées en plongeuses que l’on imagine plus aux Seychelles que dans le Rhin ? N’est-il pas représentatif d’habiller les médiocres en médiocres, qui en cowboys de pacotille, qui en pseudo-hommes d’affaires véreux, qui en individus débraillés et sales ? Cela ne correspond-il pas, loin de l’imagerie habituelle wagnérienne, aux habillages extérieurs de leurs esprits minables ? Quant aux casquettes que les uns et les autres portent, n’y manquerait-il que la mention « MAGA » ?

 

Enfin, dans une optique de domination numérique du monde, que Wotan et Fricka doivent se frayer leurs chemins pour rejoindre leur château, en évitant les nombreux câbles qui jonchent le sol du plateau, montre que la puissance du pouvoir politique est bien aujourd’hui sous contrôle des agents de l’ordre numérique tapis dans l’ombre.

Une production qui « pique », mais une très belle distribution

Des acteurs au service du récit donc il y eut ; qui furent aussi, pour la plupart, de magnifiques chanteurs. Certes, le Wotan de Iain Paterson est bien fatigué et a commencé aussi mal qu’il a terminé, aménageant cependant au cœur de l’histoire un beau sens du récit.

 

Du côté des personnages vraiment ignobles, l’Alberich de Brian Mulligan mène d’une courte tête même s’il remplace la noirceur absolue habituelle du personnage par une forme de trivialité répugnante. À ses côtés, le Mime de Gerhard Siegel est épatant dans son exercice de soumission servile, qu’il soit face à son frère ou au Loge-homme de main de Wotan, l’exemplaire Simon O’Neill. Les deux Géants (Kwangchul Youn et Mika Kares) brillent par le contraste de leur voix quand les Dieux Donner (Florent Mbia) et le Froh hippie de Matthew Cairns tiennent leur rang.

 

Du côté des chanteuses, les trois filles-plongeuses du Rhin (Margarita Polonskaya, Isabel Signoret, Katharina Magiera) apportent chacune toute la fraicheur et l’ironie requise avant qu’elles ne se fassent bêtement voler. Quoiqu’elles aient l’une comme l’autre des voix trop claires pour les rôles, Marie-Nicole Lemieux réussit un court, mais beau numéro en Erda, tandis qu’Ève-Maud Hubeaux, comme à son habitude, marque Fricka de son empreinte, par sa belle voix, son engagement et son élégance. À cela, il faut ajouter la très sensible Freia d’Eliza Boom.

 

Que la direction de Pablo Heras-Casado soit de bonne tenue, mais paraisse parfois manquer de saillances est peut-être dû à l’Orchestre de l’Opéra de Paris, moins familier de ce répertoire. On se souvient surtout de ce que le chef savait faire à la tête de celui du Teatro Real pour son Ring.

 

À la fin de la soirée, Calixto Bieito n’est pas venu saluer. Il ne faut pas être prophète pour imaginer que cela aurait provoqué un de ces tumultes que le public de première est capable d’infliger à l’Opéra de Paris. Il y a aussi une tradition que le metteur en scène vienne à la fin du Ring donné dans son intégralité. Compte tenu de ce que l’on a vu dans ce prologue et de ce qui est promis par Bieito, cela parait plus sage. Il sera bien temps à ce moment d’applaudir ou de hurler à ce voyage de Wagner dans le monde absurde de l’époque Trump et consorts.

Visuels : © Herwig Prammer