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La puissance de « Dialogues des Carmélites » retrouvés au théâtre des Champs-Élysées

par Paul Fourier
05.12.2024

La reprise du spectacle de 2013 avec la mise en scène d’Olivier Py est une réussite éclatante portée par des interprètes idéaux et la direction tendue de Karina Canellakis.

Une conception douloureuse

L’histoire des Dialogues commence avec la nouvelle de Gertrud von Le Fort (1876-1971) La Dernière à l’échafaud (Die Letzte am Schafott), publiée en 1931. Elle s’inspire de la vraie histoire des Carmélites de Compiègne dont seize furent exécutées le 17 juillet 1794, quelques jours avant la chute de Robespierre.

 

En 1948, Georges Bernanos (1888-1949) s’empare de cette nouvelle pour écrire les dialogues d’un film qui ne verra jamais le jour, mais l’auteur en tirera une pièce de théâtre qui ne sera publiée qu’après sa mort, et créée à Zurich en 1951.

En 1953, le directeur des Éditions Ricordi suggère à Francis Poulenc d’adapter ce matériau en opéra. Poulenc qui se lance à corps perdu dans une entreprise qui l’amène à des extrémités émotionnelles : « Je ne pense qu’à cela, ne vis que pour cela. Ou c’est mon chef-d’œuvre ou je veux mourir. Pour l’instant, je penche vers la première solution » dit-il alors.

Se cumulent à cet état de crise profonde, de l’hypocondrie liée à ses soucis de santé, et surtout les problèmes affectifs qu’il entretient avec Lucien Roubert, son compagnon. À la fin de 1953, Lucien est atteint d’une pleurésie à laquelle il succombe rapidement. Enfin, un conflit juridique portant sur les droits d’auteur finit par pousser Poulenc, à l’automne 1954, à la dépression nerveuse. Quelques années après la création de l’opéra, Poulenc avouera « Blanche, c’était moi »…

Finalement, Dialogues des Carmélites est créé, le 26 janvier 1957, à La Scala de Milan dans une production CCN, puis arrive, le 21 juin, à l’Opéra de Paris dans une direction de Pierre Dervaux et la distribution voulue par Poulenc. L’opéra, dont le succès jamais ne se démentira pas, sera ensuite servi par les plus grandes chanteuses de par le monde.

Une œuvre magnifique

Le livret, segmenté en douze tableaux, autant que la musique, donne aux Dialogues des Carmélites une puissance hors du commun. L’histoire est centrée sur la jeune Blanche de la Force dont le caractère évolue au fil du temps, chaque acte la montre en train de se confronter à un moment puissant voire traumatique. C’est d’abord la mort de la Prieure (et une forme de « passage de relais de la Grâce » qui s’effectue alors entre deux générations). Il y a ensuite la présence des chants révolutionnaires et la peur qui lui fait briser la statue du « Petit Roi Glorieux ». Enfin, il y a cette arrivée finale et in extremis pour rejoindre ses sœurs et mourir en martyre avec elles.

 

Musicalement, Poulenc s’inscrit dans la lignée de Pelléas et Mélisande de Debussy, mais pas que, puisque la dédicace figurant en tête de sa partition dit : « À la mémoire de ma mère, qui m’a révélé la musique, de Claude Debussy, qui m’a donné le goût d’en écrire, de Claudio Monteverdi, Giuseppe Verdi, Modest Moussorgski qui m’ont servi ici de modèles »…

 

Enfin, dans une histoire de femmes, dans laquelle Blanche, Madame Lidoine, la première Prieure, Mère Marie et Constance sont toutes vêtues de l’habit religieux, Poulenc s’est attaché à établir des profils vocaux puissants et bien identifiables. Il dira « C’est, si l’on veut, côte à côte : Thaïs, Desdémone, Amneris, Kundry et Zerline »…

 

On ne peut enfin louer ce chef-d’œuvre qu’est Dialogues sans faire référence à la bouleversante et pétrifiante scène finale portée par les protagonistes lorsque les gorges sont tranchées et que les voix se taisent une à une, jusqu’à celle de Constance, jusqu’à celle de Blanche.

Une distribution idéale

Il est certain que la distribution présentée au Théâtre des Champs-Élysées est exemplaire jusque dans les plus petits rôles. Souvent pris dans une dynamique de groupe, tous.tes sont individualités, et chacun.e peut se prévaloir d’une prononciation qui lui permet d’interpréter pleinement le drame de Bernanos et de Poulenc.

 

En Blanche de la Force, Vannina Santoni possède cette voix aussi ronde et puissante que lumineuse, à même de porter les différents états de la jeune femme.

Les ainées, Patricia Petibon et Véronique Gens, respectivement Mère Marie de l’Incarnation et Madame Lidoine, la nouvelle prieure, étaient déjà de la distribution de 2013 (Petibon était Blanche à l’époque). Elles restent d’une présence extraordinaire.

Quant à Sophie Koch dans ce rôle de Madame de Croissy d’une intensité folle, avec sa voix si riche et ses graves naturels (parfois caverneux), elle est stupéfiante dans sa scène de délire et de mort.

Manon Lamaison sait, quant à elle, contrairement à Blanche, apporter l’insouciance d’une jeune fille qui n’entend pas abandonner la gaieté à son passage dans les ordres.

Dans le rôle du Chevalier de La Force, dont il a la voix claire idéale, Sahy Ratia est exemplaire et montre qu’il est désormais un ténor qui compte dans le paysage. En Marquis de la Force, Alexandre Duhamel fait preuve de sa présence marquante et de sa grande classe habituelles.

Ramya Roy est intraitable en Sœur Mathilde et Loïc Félix ne rate pas son moment en Père confesseur du couvent. Enfin, n’oublions pas Marie Gautrot en Mère Jeanne de l’Enfant Jésus, ainsi que Blaise Rantoanina, Yuri Kissin et Matthieu Lécroart  qui font très bien leurs quelques apparitions, souvent pour figurer un milieu masculin et révolutionnaire, hostile aux religieuses.

Comble du bonheur : la direction de Karina Canellakis et la mise en scène d’Olivier Py

Pour tenir cet opéra, il faut un orchestre très présent sachant, toutefois, respecter les équilibres avec les chanteuses.rs. Au théâtre des Champs-Élysées, l’acoustique est un véritable atout et, si les sonorités peuvent parfois paraître un peu violentes, elles ne contreviennent jamais à l’action qui nous est présentée sur scène, bien au contraire. Avec la direction ferme et tendue de Karina Canellakis, les césures entre tableaux sont nettes et les reprises nous permettent de reprendre pied, immédiatement, dans chaque nouvelle situation.

L’orchestre (comme le chœur peu, mais justement sollicité) est un acteur du drame, un drame qui a besoin pour se dérouler sur ses douze tableaux d’une grande et forte mise en scène.

On connaissait déjà celle qu’Olivier Py a créée ici en décembre 2013. Et elle s’avère toujours aussi admirable d’autant que l’équipe habituelle (Daniel Izzo, Pierre-André Weitz à la scénographie et aux costumes, Bertrand Killy aux lumières) est encore de la partie.

Il suffit, parfois de peu de choses pour figurer un lieu ou un temps (même si celui-ci est celui de la période de « la Terreur »). Ce peut être là, un imposant lustre bourgeois par exemple, qui a lui seul peut résumer le côté « lutte des classes » de l’époque ; ce peut être ici quatre morceaux de cloison qui en se disjoignant forme une gigantesque croix ; ce peut aussi être de grands arbres, symboles d’une nature calme alors que l’Homme est en pleine ébullition.

Et c’est ce lit – suspendu – dans lequel la prieure qui meurt, mais règne encore comme une araignée géante, impressionne (voire façonne) Blanche. Et, c’est là un moment saisissant de confusion, d’affrontement et, disons-le, de violence d’une intensité rare.

Enfin, on sait qu’Olivier Py a, avec la religion, une relation ambivalente. Pour ces Dialogues, il touche juste, joue de la symbolique, recréé des scènes connues, jusqu’à la Cène et la Crucifixion et, à la fin, évacue, allégoriquement, ses héroïnes vers un ciel étoilé.

Avec les lumières, à tout moment, fabuleusement réglées, c’est simple, c’est fort, ce sont les Dialogues dans toute leur épure. C’est sûrement même une production qui aurait peut-être pu apaiser le torturé Poulenc, qui sait…

Visuels : © Vincent Pontet

 

Trailer avec la distribution de 2013.