Existant depuis 1981 l’Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine était dirigé depuis l’an 2000 par le pianiste Jean François Heisser ; il sera remplacé à compter du 1er janvier 2026 par le violoncelliste Raphaël Merlin (ex membre du quatuor ébène). Mais le traditionnel concert de noël est toujours dirigé par un chef invité ; et en 2025 c’est la cheffe Catherine Larsen Maguire qui a pris la tête de la phalange néo aquitaine pour un concert Mozart / Rossini qui a remporté un très beau succès.
Pour sa dernière saison en tant que directeur musical, Jean François Heisser a vu les choses en grand et a programmé des concerts de qualité avec plusieurs têtes d’affiche aussi bien pour les solistes que pour les chefs d’orchestre invités. Et le traditionnel concert de Noël ne fait pas exception : la cheffe d’orchestre anglaise Catherine Larsen Maguire et la célèbre mezzo soprano Karine Deshayes ont reçu un accueil très chaleureux, voire même enthousiaste de la part d’un public venu nombreux en ce doux mardi soir de décembre.
C’est donc avec l’ouverture de La clémence de Titus de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) que commence la soirée. Catherine Larsen Maguire en livre une lecture dynamique, rigoureuse ; la gestuelle de la cheffe anglaise est précise, claire, et les musiciens suivent leur chef du jour avec une précision millimétrée. Karine Deshayes enchaîne avec l’Aria de Sesto « Parto, parto, ma tu, ben mio » également extrait de La clémence de Titus. Mozart composa cet opéra sur la commande de l’imprésario Domenico Guardasoni pour célébrer le couronnement de Léopold II comme roi de Bohême. Le chef d’œuvre de Mozart trouve là une interprète superbe car Karine Deshayes fait passer Sesto par des sentiments contradictoires avec brio. On les retrouve, ces sentiments dans l’Aria de Donna Elvira « In quali eccessi O numi … Mi tradi quell’alma ingrata » qu’elle interprète sans fards ; on retrouve la femme trahie et malheureuse mais toujours aussi amoureuse malgré le comportement de Don Giovanni à l’égard d’Elvira. La dernière œuvre de Mozart que chante Karine Deshayes est le très bel air de concert « Vado, ma dove ? Oh dei ! » composé en son temps pour la soprano Louise Villeneuve dont on ne sait pas grand-chose par ailleurs, sinon qu’elle chanta dans plusieurs œuvres de Mozart.
Gioachino Rossini (1792-1868) a composé de nombreux chef d’œuvre aussi bien de le genre comique (l’Italienne à Alger, La cenerentola, Le Barbier de Séville, Le turc en Italie par exemple) que dans le genre dramatique (Semiramide, Moïse et pharaon, La chute de Corinthe entre autres œuvres). Pour ce concert, l’Orchestre de Chambre de Nouvelle Aquitaine interprète l’ouverture très martiale de l’Italienne à Alger avec un panache « qui défrise ». Karine Deshayes chante avec brio – et même avec gourmandise – le premier air de Rosina « Una voce poco fa » ; la malice de la jeune fille, la déclaration d’amour et sa détermination à obtenir ce qu’elle veut s’entremêlent jusqu’à exploser en un feu d’artifice multicolore. Et le premier air de Sémiramide « Bel raggio lunsinghier » est tout aussi formidablement interprété par Karine Deshayes décidément survoltée en ce mardi soir. La voix large, charnue et parfaitement maîtrisée de Karine Deshayes envahit la salle de l’auditorium ; l’ample tessiture de la mezzo lui permet d’aborder des rôles difficiles allant du mezzo au soprano dramatique et dont nous avons de très beaux extraits lors de ce concert de Noël. Quant à l’Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine, il a accompagné Karine Deshayes avec talent ; Catherine Larsen Maguire a parfaitement « donné la cadence » avec des tempos et des nuances quasi parfaits sans jamais couvrir la chanteuse qui était à ses côtés.
Au retour de l’entracte, c’est la symphonie N° 40 K 550 de Mozart qui est interprétée par l’Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine. La cheffe anglaise maîtrise avec un art consommé une partition difficile, truffée de pièges qu’elle évite sans efforts. Dès les premières notes du chef d’oeuvre de Mozart, composé et créé en 1788, Catherine Larsen Maguire dirige d’une main ferme, nerveuse, utilisant des tempos et des nuances parfaits ; le thème célébrissime du premier mouvement résonne dans l’auditorium comble tel une explosion de fusées multicolores. Pendant 35 minutes la phalange néo-aquitaine interprète le chef d’œuvre de Mozart avec talent sous la dynamique et rigoureuse direction de Catherine Larsen Maguire très inspirée.
C’est sans conteste un des plus beaux concerts de l’Orchestre de Chambre Nouvelle Aquitaine placé sous la direction avisée et très « dansante » de Catherine Maguire. Quant à Karine Deshayes, elle a donné une interprétation exceptionnelle des airs d’opéra et de concert au programme de la soirée.