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« Il ritorno d’Ulisse in patria » par l’ensemble I Gemelli : un retour aux sources de l’opéra

par Helene Adam
06.11.2023

L’enregistrement de l’intégrale du Retour d’Ulysse dans sa patrie, de Claudio Monteverdi, réalisé par l’ensemble I Gemelli sous la houlette du ténor Emiliano Gonzalez Toro, est une nouvelle contribution passionnante à l’univers musicologique du baroque. Il constitue déjà une référence parmi les multiples interprétations de cet opéra du Seicento, époque dorée qui vit émerger les premières formes élaborées de l’art lyrique.

Le travail de recherche sur une partition ancienne

Le parcours du ténor et de la soprano, cofondateurs du groupe I Gemelli et du label du même nom, est un long chemin de travail pour décrypter les compositions de Monteverdi et de ses contemporains. 

Emiliano Gonzalez Toro n’est pas seulement un ténor à la voix d’or, un interprète hors pair qui rend familier et moderne la figure d’Ulysse, grand voyageur rentrant enfin « chez lui » et qui devra affronter bien des épreuves pour s’y imposer. Tout comme Mathilde Etienne n’est pas seulement une soprano baroque brillante, surdouée des mises en espace qui rendent tellement vivantes ces pièces lyriques. 

L’un et l’autre sont aussi de très fins musiciens, des têtes chercheuses, qui savent exploiter toutes les indications des partitions, mais surtout des écrits de Monteverdi et des compositeurs de cette époque. 

Car une « partition » comme celle d’Ulysse, se présente avec une « ligne » de notes pour les voix et un continuo à la basse avec quelques variations. D’où le grand nombre d’interprétations possibles qui nous ont été proposées depuis que Monteverdi a connu sa renaissance posthume à Paris en 1925 grâce à Vincent d’Indy et surtout à l’édition d’Harnoncourt et l’entrée au répertoire de l’œuvre en 1971.

Mathilde Etienne précisait d’ailleurs à propos du continuo : « il faut savoir qui va jouer quoi et plonger dans l’histoire du manuscrit pour en comprendre l’enjeu ». Emiliano Gonzalez Toro souligne à son tour : « dans l’Italie du XVIIe siècle, il n’y avait pas de chef d’orchestre comme nous l’entendons aujourd’hui. Il y avait évidemment une direction artistique, mais en amont. Notre hypothèse est que la représentation était le fruit d’une dynamique collective, impulsée par les chanteurs (souvent le compositeur était lui-même chanteur) et non par le continuo, contrairement à ce que l’on pense habituellement – car le continuo n’est pas directeur, mais accompagnateur. Chaque chanteur dirige à son tour, c’est lui qui a en charge la ligne mélodique, le geste déclamatoire, la dramaturgie. C’est la base du travail de notre ensemble ».

Et c’est ce qui rend si passionnante la démarche proposée ici.

Ulysse, dramma per musica

Si l’on considère la « trilogie » des opéras de Monteverdi, Ulysse se situe près de quarante années après sa première œuvre de théâtre lyrique, L’Orfeo que l’ensemble I Gemelli a enregistré en 2019. Ce dernier portait le sous-titre de « Favola in musica ». Ulysse se pare du beau qualificatif de « Dramma per musica », donnant à la dramaturgie qui sera au centre des tous les « opéras » jusqu’à nos jours, ses lettres de noblesse. Et le fil dramatique est réel, bien construit, avec ses scènes graves voire tragiques, ses réflexions sur les hommes et les dieux, sur la guerre et les destins, mais aussi ses scènes drôles, voire loufoques, qui donnent autant de « respirations » à l’œuvre et au spectateur auquel d’ailleurs plusieurs personnages de ce foisonnant récit, s’adressent directement à plusieurs reprises. L’opéra a été repris plusieurs fois, probable signe qu’il plaisait à un large public et n’est pas resté confiné à un cercle étroit d’habitués. Et pour donner une interprétation vivante de l’œuvre, il faut l’aborder à la manière de la commedia dell’arte, comme le revendiquent les deux artistes qui en donnent une lecture animée, drôle, passionnante, qui tient l’auditeur en haleine, comme c’était déjà le cas lors des représentations mises en espace en 2021, au Théâtre des Champs-Élysées à Paris puis à Genève, représentation qui a servi de support au splendide enregistrement d’aujourd’hui.

Voix et instruments d’époque

Emiliano Gonzalez Toro réussit à restituer la richesse musicale et dramaturgique développée dans ce chef d’œuvre parfois malmené, formant avec les musiciens et les chanteurs, une équipe complète, en osmose, qui évolue sur le plateau sans temps morts et met en scène – ensemble – cette histoire de retour après une longue errance, puisque la Guerre de Troie est terminée depuis deux ans quand le héros parvient enfin à Ithaque, sa terre.

Instruments d’époque, cela va de soi, mais aussi en nombre réduit pour respecter cet équilibre entre tous les protagonistes, mettant au centre les voix, avec même un très étrange instrument aujourd’hui disparu et construit pour l’ensemble I Gemelli et sa performance, la « tromba marina » dont les effets sonores sont impressionnants. Tous très talentueux, les instrumentistes sont impressionnants de présence entourant les chanteurs. Ils les accompagnent et les soutiennent, leurs parties étant musicalement très expressives et très variées en rythme, style, sonorités recherchées. Et on aime les violes, violons, cornets, flûtes de bois ou les dulcianes (ancêtre de basson), les lirones.

Ulysse

Explorer toutes les facettes du héros et de ceux, celles qui l’entourent, est l’une des richesses cardinales de l’œuvre que Emiliano Gonzalez Toro réussit à exploiter à merveille. 

D’abord pour son propre rôle, celui d’Ulysse, magnifiquement interprété, à qui il prête une voix qui semble à toujours plus belle, un timbre riche, charnu, rond, presque barytonnant par sa profondeur, qui explore tous les aspects des formes musicales alors mises en œuvre par Monteverdi et qui sont d’une richesse et d’une variété impressionnante : longs « discours » en « Parlare cantando » qui exigent une belle gestion du souffle sans perdre de vue les nuances nécessaires et l’expressivité qui rend vivant le récit (curieusement ou peut-être pas d’ailleurs, on pense à Wagner…), mais aussi courtes exclamations, changement de style et de ton, trilles et vocalises, legato, nous offrant une expression émouvante de la profondeur des sentiments du héros qui passe de la tendresse et de la colère, à la tristesse et à la joie, c’est incroyablement réussi, moments tragiques comme effets comiques, voire grinçants, qui emmènent le spectateur dans une histoire passionnante qui n’a plus rien d’ennuyeux ou de scolaire ! Il parvient même à changer sa voix pour représenter Ulysse vieillissant.

Artisan de cette belle réussite, Emiliano Gonzalez Toro sait s’entourer des meilleurs et là aussi l’album se montre exceptionnel et réjouissant.

Et sa brillante équipe

On se sait d’ailleurs par qui commencer, peut-être par les « stars » du baroque présentes qui ont fait plus que briller dans leurs rôles et s’y sont totalement investies : d’abord saluons la prestation de Philippe Jaroussky pour la « fragilité humaine » et cet exposé du Prologue qui présente le destin des hommes jouets des dieux et tributaire du temps (aveugle) de la fortune (boiteux) et de l’amour (cruel), première illustration de l’importance des « voix » dans la conception moderne de Monteverdi, où celle-ci doit « toucher » le spectateur par la qualité de son interprétation, les instruments l’accompagnant dans les évolutions de ses émotions. La voix chaude et grave de Nicolas Brooymans (le temps) lui donne la réplique, formant un bel ensemble harmonieux pour le final de ce Prologue. 

 

Quant à la merveilleuse Emőke Baráth, elle prête son talent de comédienne et la beauté de sa voix, souple, au timbre capiteux, à Minerve, un personnage central qu’elle fait vivre intensément. Le style impeccable de la soprano hongroise se marie parfaitement avec celui de Gonzalez Toro et l’on prend une leçon de très beau chant qui valorise ces débuts du genre « opéra » avec le brio nécessaire. On a dit parfois que l’œuvre était longue et fastidieuse. Avec de tels interprètes, ce n’est vraiment pas le cas bien au contraire. Ils nous captivent, on attend avec impatience leurs grands airs, on retient son souffle pendant leurs duos…on redécouvre l’œuvre et ses incroyables richesses musicales, parce que l’on tient là des interprètes capables de chanter l’ensemble des « exercices » vocaux parfois complexes et surtout changeants du maestro à Venise.

 

La Pénélope de la mezzo-soprano Rihab Chaieb, une découverte, séduisante dès son « Di misera regina » introductif, a cette résignation de la noble dame obstinée, qui refait inlassablement son étoffe, et qui ne croit pas au retour d’Ulysse, jusqu’au coup de théâtre final. Très beau chant là aussi, avec beaucoup d’expressivité et une fidélité amoureuse qui s’entend, se voit, et nous touche. Elle a les plus beaux airs pathétiques, ce déchirement de l’âme humaine mis en musique par Monteverdi qui se fait alors le chantre de la douleur insondable et inconsolable. Le continuo se fait répétitif tandis qu’elle psalmodie sa peine, et ce double effet musical si bien traduit par l’artiste sur scène, traverse le cœur, rendant tangible et obsessionnelle cette souffrance si célèbre…jusqu’à l’émouvant « O delle mie fatiche » final. Les voix d’Emiliano Gonzalez Toro et de Rihab Chaieb s’enroulent l’une dans l’autre symbolisant leurs retrouvailles.

 

Mais la nourrice, fidèle ombre plus bouillonnante qu’il n’y parait (dans l’œuvre !) n’est pas en reste : l’Ericléa de Alix Le Saux, également mezzo-soprano, est dotée elle aussi d’un beau timbre riche dans le médium et son dernier air, explosion de la vérité concernant l’identité d’Ulysse, la révèle comme une artiste de premier plan. 

 

La jeunesse, l’avenir, sont symbolisés par le couple Melanto/Eurymaco, auquel Mathilde Etienne, et le ténor Alvaro Zambrano, prêtent leurs voix souvent joyeuses, un rien désinvolte et surtout amoureux. Cette touche d’insouciance sert de contrepoint aux parties les plus dramatiques comme les plus burlesques et donne une vraie fraicheur à l’ensemble.

 

Tout comme d’ailleurs le beau ténor de Zachary Wilder campe un Telemaco à la voix juvénile, mais décidée, aux airs très séduisants. La rencontre avec son père Ulysse montre d’ailleurs à quel point les timbres des deux ténors sont différents, celui de Gonzalez Toro infiniment plus sombre, semblant du bronze face à voix claire de son fils. On ne pouvait rêver, là encore, contraste plus saisissant et plus authentique.

 

Très impressionnant en Neptune, Jérôme Varnier, prête sa belle voix de basse soumise à des graves abyssaux qu’il contrôle parfaitement, au dieu capricieux qui empêche le retour d’Ulysse tandis qu’Anthony Leon est Jupiter dans un contraste physique et vocal entre le ténor et la basse, parfaitement en phase avec leurs affrontements très réussis qui font la richesse et l’originalité de la soirée et servent très efficacement l’œuvre.

 

On se réjouit aussi de voir Philippe Talbot en si bonne forme dans le rôle très lyrique et qui lui convient très bien, d’Eumète. Le ténor lui donne une belle dimension chaleureuse et généreuse. Et l’on découvre Lauranne Oliva, très belle soprano à la voix aérienne et délicate, qui nous offre la Fortune et Junon sur un joli plateau d’argent. Une jeune voix à suivre qui vient de remporter le concours des Voix nouvelles le mois dernier !

 

Incroyable Fulvio Bettini incarnant le personnage grotesque d’Iro, ne lésinant devant aucune « pitrerie », rires et changements de voix dans « Pastor d’armenti puo » et il nous faut à cette étape, saluer la très belle réussite vocale de la scène de l’épreuve de l’arc. On se rappelle que Pénélope sur les conseils avisés de Minerve, impose à ses trois prétendants une épreuve : prouver qu’ils savent se servir de l’arc d’Ulysse. Fanfarons, se défiant les uns les autres, Antinous (Nicholas Brooymans), Pisandro (Anders Dahlin) et Amfinomo (Anthony Leon qui chante également Jupiter), vont brandir un arc immense et échouer. Les trios qu’ils nous donnent alors (et même le quatuor avec leur serviteur Iro) sont tout à fois drôles et enjoués, très réalistes et dignes de la scène « clé » de la dramaturgie proposée par Monteverdi puisque Ulysse, déguisé en mendiant, réussira l’épreuve sans pour autant convaincre la noble et méfiante Pénélope. Pour compléter cette équipe, il faut citer également le ténor Juan Sancho dans le rôle de Mercurio et de la soprano Cristina Fanelli dans celui d’Amore

Notons enfin que les chœurs des marins Phéaciens sont chantés par une bonne partie des solistes, auxquels s’ajoutent les voix de Natalie Pérez et Lorrie Garcia, qui, ensemble, réalisent ce fameux travail d’équipe qui prévalait à l’époque de la composition de l’œuvre.

L’album est accompagné d’une tournée de neuf concerts qui mène l’équipe, presque au complet, en France, Suisse, Espagne, Belgique. 

Il Ritorno d’Ulisse In Patria

Avec Emiliano Gonzalez Toro, Rihab Chaieb, Emöke Baráth, Zachary Wilder, Philippe Jaroussky

Visuels : © 2023 Gemelli Factory – All rights reserved