Le forum ODB organise son gala lyrique contre le cancer

Programme varié

Comme les deux éditions précédentes, ce concert permet aux spectateurs de découvrir ou retrouver quelques grands talents parmi les jeunes (ou moins jeunes) artistes qui se produisent, à cette occasion, pour un ou deux airs accompagnés du seul piano sur lequel joueront les infatigables accompagnateurs, Maxime Neyret et François Bettencourt.

L’ensemble est de bonne facture malgré une acoustique un peu sèche et l’on a d’abord plaisir à écouter les poésies fort bien dites et qui sonnent juste de Hannah Rees, petits instantanés écrits en écoutant de la musique et qui comprend un fort bel hommage à la mezzo soprano Béatrice Uria-Monzon, récemment disparue.

Après cet agréable prélude à une après-midi lyrique, une série de jeunes artistes montent à tour de rôle sur la scène, un peu à la manière des auditions, pour présenter leurs performances.

Quelques coups de cœur

Notre premier coup de cœur ira directement à la jeune mezzo-soprano venue du Cameroun, Victoria Lingock, qui nous offre un « Mon cœur s’ouvre à ta voix » (Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns), d’impressionnante facture, d’une voix magnifique, sombre et profonde, dans un style parfait. Elle reviendra d’ailleurs, au cours du concert, en Adalgisa dans l’un des duos de Norma (Vincenzo Bellini) puis dans « Acerba voluttà, dolce tortura » extrait de Adriana Lecouvreur (Francesco Cilea) n’hésitant pas à s’affronter aux parties difficiles du répertoire des grandes mezzos dramatiques.

Et c’est une autre remarquable artiste, la soprano Clara Luz Iranzo qui l’accompagne dans « Si, Fino All’Ore Estreme » (Norma), leurs deux timbres se marient harmonieusement et l’ensemble est parfaitement rythmé. Cette dernière nous offre également, deux belles prestations avec des extraits de Thaïs de Massenet et de Lucia di Lammermoor de Donizetti.

Il ne manque pas d’autres très belles sopranos qui confirment leur talent comme Erminie Blondel avec son bel air de Leila dans Les Pêcheurs de perle, un personnage qu’elle interprètera en novembre prochain sur la scène de l’opéra de Massy. Belle mise en bouche que cette occasion de se confronter au public pour une artiste qui sait déjà très bien conduire son chant avec une grande expressivité.

Où l’on sort parfois des sentiers (lyriques) battus

Et l’on a beaucoup aimé également Pauline Courtin se risquant dans le rare « les adieux de l’hôtesse arabe », poème de Victor Hugo extrait des Orientales et mis en musique par le même Bizet. La soprano confirmera d’ailleurs son talent en interprétant le célèbre « Air des bijoux » extrait du Faust de Gounod dans une incarnation aérienne très séduisante.

La belle voix profonde et la prosodie russe impeccable de la soprano Serafima Liberman dans l’arioso de Iolanta sont également fort agréables à écouter tout comme sa superbe interprétation du poème de Pouchkine, « Ne poi krasavitsa pri mne » mis en musique par le compositeur russe Mili Balakirev, injustement méconnu, et qui fédéra le Groupe des Cinq » en 1860 en Russie (César Cui, Modeste Moussorgski, Alexandre Borodine et Nikolaï Rimski-Korsakov).

Du Bel canto

Côté bel canto, vocalises et trilles, la palme revient à Momo Jang et son époustouflant et émouvant air d’Elvira dans Les Puritains « Qui la voce sua soave mi chiamava », la quintessence du drame de Bellini, puis le « Martern aller Arten » décidé de Constance dans l’Enlèvement au sérail de Mozart.

Marion Charlo s’est également distinguée dans ce style exigeant dans un air du Comte d’Ory de Rossini tandis que Mali Zivkovic, dans « Si ritrovarla io giuro» de La Cenerentola, rencontrait quelques difficultés vocales, finalement surmontées.

Cela permet de ne pas oublier les vrais défis du spectacle vivant en direct et sans micro !

Et des voix masculines 

Notons également la jeune voix très prometteuse du ténor Hugo Tranchant dans l’air de Beppe, extrait de Pagliacci (Ruggero Leoncavallo), où il fait montre d’une grande aisance et d’un sens des nuances très appréciable.

D’autres ténors intéressants se sont également produit dans ce riche après-midi très musical, comme Vincent Guérin, Christophe Poncet de Solages, nous livrant notamment un élégant « Dein ist mein ganzes Herz » ( Le Pays du sourire de Franz Lehár)  ou encore Ismaël Billy avec un « Lucevan le stelle » (Tosca, Puccini) intéressant en ce qu’il révèle de potentiel à approfondir.

D’autres artistes ont des carrières déjà plus construites comme Claire Monteil qui nous fait le plaisir de prêter sa belle voix et sa technique impressionnante dans Kurt Weil, ou le baryton Adam Barro dont la faconde et la présence sur scène fait merveille dans Rossini et qui nous fait découvrir un air d’opéra Arménien.

Et des moments ludiques

Et nous n’oublierons pas les divers moments de respiration permis par les interventions toute douces de la chanteuse de variété, Isabelle Carrar, qui renoue avec le style cabaret et le répertoire de Juliette Greco accompagnée de son brillant pianiste Arnaud Kérébel.

Comme l’un des organisateurs et animateurs de ce concert, n’est autre que le ténor Stéphane Sénéchal – l’autre étant bien sûr le rédacteur en chef d’ODB, Jérôme Pesqué -, les intermèdes joyeux et comiques sont assurés avec talent, en compagnie d’Aurélien Vicentini qui assure également un des airs les plus célèbres des contre-ténors, « Lascia ch’io pianga », la sarabande de Haendel pour Rinaldo (et quelques autres œuvres).

Ce fut un programme assurément éclectique et pour tous les goûts, qui a réuni des artistes parfois juste débutants, et qui a permis, pour la bonne cause, celle de la lutte contre le cancer, l’organisation d’un concert rempli de surprises, même si sa longueur (4h30 sans entracte) méritera d’être revue pour les éditions suivantes.