Fondé en 1980 par Olivier Desbordes, le festival de Saint Céré a perdu beaucoup de sa superbe depuis le départ forcé de son fondateur en 2021. Cette version très largement coupée de Tosca, commandée par le théâtre impérial-Opéra de Compiègne au metteur en scène Florent Siaud en est l’un des symboles.
Si on ne peut que saluer la volonté de la nouvelle équipe du festival de Saint Céré de maintenir une production lyrique au château de Castelnau Bretenoux, on ne peut aussi que regretter la venue d’une production qui a été très coupée et très malmenée en amont des représentations. Si nous comprenons très bien la volonté de Romain Fabre et de Florent Siaud de « démocratiser » l’opéra, sur la demande du directeur du Théâtre impérial-Opéra de Compiègne, nous nous demandons si c’est bien le chemin à emprunter pour cette nécessaire vulgarisation de la musique classique en général et de l’opéra en particulier.
Quand le directeur du Théâtre impérial-Opéra de Compiègne a souhaité monter Tosca pendant sa saison musicale, il a souhaité attirer un public plus « populaire », moins citadin. L’intention était excellente, mais était-il vraiment utile de le faire au détriment de la musique ? Le mal étant fait, avec la complicité du compositeur Benoît Coutris (né en 1987), on ne peut que déplorer les coupes ainsi réalisées : l’ouverture, une bonne partie des premier et troisième actes ont ainsi fait les frais des coups de rabot de Coutris, privant ainsi le public du premier aria de Cavaradossi « Recondita Armonia ».
C’est le comédien et metteur en scène Florent Siaud qui est en charge de la mise en scène de cette Tosca tronquée ; s’il réalise une belle direction d’acteurs, on regrettera que les chanteurs manquent par moment d’initiative même s’ils font leurs sentiments contradictoires de leurs personnages. Les décors, voulus rouges pour marquer le parcours sanglant de Scarpia à Rome, sont plutôt sympathiques, les accessoires atténuant bien les choses par ailleurs. Les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz sont assez beaux dans l’ensemble, encore que la robe à fleurs que porte Axelle Fanyo au 1ᵉʳ acte ne la mette vraiment pas en valeur – peut-être une robe plus longue et/ou plus ample aurait-elle été mieux adaptée. Nous avons également apprécié les belles lumières de Nicolas Descoteaux qui a parfaitement cerné l’ambiance angoissante, voire glauque du chef-d’œuvre de Puccini. Si Emmanuelle Verani réalise de belles coiffures et des maquillages de toute beauté, nous aurions aimé la voir pousser un peu les choses lorsque Mario Torturé par Scarpia revient sur scène quasiment porté par les sbires de Scarpia qui s’amuse beaucoup de l’angoisse et de la terreur de La malheureuse Tosca.
C’est l’orchestre Les frivolités parisiennes qui interprète avec talent la partition de Puccini. Si nous regrettons très fort que ladite partition ait été à ce point saccagée par Benoît Coutris, nous sommes en revanche frustrés de constater que la totalité des chœurs – le chœur Les métaboles (fondé et dirigé par Léo Warinski) ne manque pourtant pas de talent – ait été enregistré en amont des représentations gâchant ainsi le « Te Deum » clôturant le 1ᵉʳ acte. Alexandra Cravero dirige la soirée avec talent malgré toutes ces coupes et la « disparition » du chœur. Et nous tenons à saluer sa très belle performance lors des représentations à Compiègne, à Reims puis à Saint Céré.
Heureusement, les responsables du Théâtre impérial-Opéra de Compiègne ont eu la bonne idée d’inviter des artistes jeunes et prometteurs pour donner vie aux trois personnages principaux de Puccini. C’est la jeune et séduisante soprano Axelle Fanyo qui incarne Tosca. La voix ferme, ample et assurée de la jeune femme claque dans la vaste cours du château de Castelnau Bretenoux, bien remplie pour l’occasion. On ne peut que saluer un très beau « Vissi d’arte, vissi d’amore » que la soprano a parfaitement interprété dans le si bel écrin qu’est le château de Castelnau.
Le ténor mexicain Joël Montero est un très beau Mario ; si les coupes sombres réalisées par Benoît Coutris le prive d’une bonne partie de son rôle, hélas, ce qui en reste est plutôt de très belle tenue et nous avons pu apprécier un « E lucevan le stelle » parfait laissant transparaître le désespoir du jeune homme qui a bien compris qu’il n’a pas d’autre destin que la mort.
Le baryton français Christian Helmer campe un Scarpia méchant, retors, froid et calculateur. C’est bien le genre de méchant que nous attendons de voir dans une œuvre comme Tosca. Il chante le « Te Deum » avec talent, mais sans la présence physique du chœur, il perd quand même un peu de son éclat.
Le Spoletta d’Étienne de Bénazé est aussi retors que son maître et Mathieu Gourlet laisse sa marque dans les deux courts rôles du sacristain et de Sciarrone. On ne voit Adrien Fournaison (Angelotti) que dans une très courte et convaincante apparition, mais son nom est si souvent cité que l’on pourrait presque le prendre pour le personnage principal de l’opéra.
On ne peut que regretter que cette pâle copie d’opéra ait été présentée dans le cadre magnifique du château de Castelnau Bretenoux. Pourtant, c’est une très belle distribution qui a donné vie aux personnages de Puccini. Saluons aussi Alexandra Cravero qui a dirigé Tosca – ou plutôt ce qu’il en reste – avec un beau talent et Florent Siaud, qui avec Nicolas Descoteaux (aux lumières), Jean-Daniel Vuillermoz (aux costumes) et Emmanuelle Verani (coiffures et maquillages), a fait un beau travail de mise en scène. Notre seul regret à son sujet étant qu’il ait participé au jeu de massacre sur la partition.
Visuel : ©Nelly Blaya