Version française de La Cenerentola, la Cendrillon de Rossini brille à l’Opéra royal de Versailles par sa féérie et ses voix. Dans la mise en scène pleine de sève de Cécile Roussat et Julien Lubek, la mezzo-soprano Gaëlle Arquez s’impose dans un rôle taillé pour sa voix. Un régal de musique rossinienne.
Composé à Rome en 1817 en un temps record, La Cenerentola est un opéra de jeunesse où Rossini déploie déjà son sens du rythme et du théâtre. En version française, la vivacité des récitatifs, les ensembles foisonnants et les airs de bravoure gardent toute leur fraîcheur. C’est un dramma giocoso au mouvement continu, plein d’élan, d’humour et de jubilation musicale. Dès l’ouverture, Gaétan Jarry imprime un ton festif et précis, où chaque mesure est ciselée, chaque accent soutient l’action. L’orchestre, d’une élégance rare, installe un univers qu’on retrouve à l’oeil, quand les deux vilaines demi-soeurs prennent un bain en dévoilant leurs pieds. C’est un univers à la Macha Makaïev qui s’ouvre à nous, à la fois bouffe et plein de paillettes.
Avec ses cheveux bleus bouclés, ses haillons relookés et son sourcil haut d’inspiration drag, Gaëlle Arquez illumine la soirée. Toute en lumière et en energie, imprégnée du texte et parfaitement virtuose, elle triomphe dans un rôle qu’elle connaît bien pour l’avoir chanté en italien dans la version de Guillaume Galienne qu’on retrouvera en juin à l’Opéra de Paris. Tout converge vers son grand air final, le somptueux « Non più mesta », où elle paraît seule au monde tant elle en impose. À ses côtés, en prince caché sous les habits de son valet, Patrick Kabongo déploie un timbre clair et une agilité rayonnante. Le duo de barytons-basses formé par Jean-Gabriel Saint-Martin et Alexandre Baldo (Fabio), apporte un contrepoint comique savoureux. En miroir les demi-sœurs, Gwendoline et Éléonore Pancrazi, rivalisent d’audace et de grimaces, ce qui ne nous fait pas oublier l’agilité de leurs voix.
La mise en scène de Cécile Roussat et Julien Lubek fait tourner tous ces morceaux de bravoure locaux comme un grand manège de joie. Un module central néogothique pivote avec grâce. Parfois, les buissons et les tapis grimacent et la la féerie n’a pas peur du burlesque. Il se tisse par petit bouts un univers à la fois carnavalesque et poétique, qui va puiser plus loin encore que le conte de Perrault dans nos folklore. Laissant quand il le faut toute la place sur le devant de la scène aux six voix principales et les rehaussant d’acrobates muets et souples, la scène de l’opéra Royal nous convainc que bonté et la beauté intérieure finissent toujours par triompher. E! ça fait du bien !
Cendrillon, de Giacomo Rossini, Dramma giocoso en deux actes sur un livret de Jacopo Ferretti, créé au Teatro Valle de Rome en 1817, Traduction française de Louis-Ernest Crevel de Charlemagne (1868), Chanté en français.
Gaëlle Arquez (Cendrillon), Patrick Kabongo (Don Rodolphe, le Prince), Gwendoline Blondeel (Éléonore), Éléonore Pancrazi (Isabelle), Jean-Gabriel Saint-Martin (Perruchini), Alexandre Baldo (Fabio), Alexandre Adra (Don Magnifico)
Chœur et Orchestre de l’Opéra Royal, Direction : Gaétan Jarry
Mise en scène, chorégraphie, décors, costumes et lumières : Julien Lubek et Cécile Roussat
Durée : 3h entracte inclus
visuel (c) Franck-Putigny