Pour ouvrir ce deuxième week-end de concerts, c’est Samuel Marino, accompagné par l’orchestre Concerto de’ Cavalieri, qui a été invité à se produire sur la vaste scène de l’Opéra de Tours. Le jeune et talentueux sopraniste a reçu une ovation debout en fin de soirée.
Si le festival se diversifie en programmant des concerts de musiques très différentes les unes des autres, la musique ancienne et baroque reste le cœur de cible de la manifestation tourangelle. On ne s’étonnera donc pas de la venue d’artistes comme Philippe Jarrousky en ouverture de festival et Samuel Marino, la semaine suivante.
Rares sont les artistes lyriques dont la carrière est fulgurante. La regrettée Jodie Devos en faisait partie ; le tout jeune sopraniste vénézuélien Samuel Marino, qui n’a que trente ans, a littéralement explosé dès ses débuts. Si la voix de contre-ténor est assez répandue (Philippe Jarrousky, Gérard Lesne, Filippo Mineccia, par exemple en étant trois très beaux représentants), la voix de sopraniste, soprano masculin, est beaucoup plus rare ; on citera bien sûr le jeune brésilien Bruno Da Sé, également sopraniste et qui, à 34 ans, mène lui aussi une carrière exceptionnelle. Si l’on peut faire une comparaison avec les castrats du XVIIIe siècle, on s’arrêtera uniquement à la voix, car si celles [les voix] de Marino et de Da Sé sont naturelles, celle des castrats était celle des enfants qu’ils n’ont jamais cessé d’être puisqu’on leur ôtait les parties génitales afin de conserver leurs voix d’anges.
Cela étant dit, le programme monté par Samuel Marino et Marcello di Lisa, chef et fondateur du Concerto de’ Cavalieri (fondé au début des années 2000), est assez classique et l’on y trouve beaucoup d’œuvres d’Antonio Vivaldi. Cela étant dit, les morceaux choisis mettent dans l’ensemble la voix de Samuel Marino en valeur. Pour permettre au jeune homme de prendre quelques minutes de repos entre deux airs d’opéra, l’ensemble Concerto de’ Cavalieri interprète deux concertos : l’un est le concerto grosso N°4 opus 6 de Archangelo Corelli (1653-1713), l’autre, le concerto alla rustica RV151, d’Antonio Vivaldi (1678-1741).
Le premier aria qu’interprète Marino est un extrait de Griselda, « Agitata da due venti », de Vivaldi ; et nous en apprécions la belle lecture des deux hommes. Les vocalises sont fort belles, les tempos et les nuances sont parfaits. D’Antonio Caldara (1670-1736), nous écoutons ensuite « Vanne pentita », extrait d’Il trionfo dell’innocenza.
Le seul bémol dans ce concert de très belle facture se révèle être « Torbido, irato e nero » extrait de l’opéra Erminia d’Alessandro Scarlatti (1660-1725). Composé pour le célèbre castrat Farinelli (1705-1782), cet aria est particulièrement difficile et Samuel Marino peine à convaincre : vocalises hachées, souffle court, ligne de chant instable ; on ne peut que regretter que le jeune homme ait vu trop grand en programmant cet aria, même si l’intention était louable.
Mais dans l’ensemble, Marino offre au public venu nombreux une performance extraordinaire. Et il le lui rend bien ce public en réservant au jeune homme une belle ovation ; le discours qu’il prononce, dans un excellent français, dans le cadre du mois de la santé mentale lui permet de mettre en valeur une cause qui lui est chère. Après ces quelques mots, Marino interprète en bis et avec talent un aria incontournable dans le répertoire baroque : « Lascia ch’io pianga » extrait de Rinaldo (Georg Friedrich Haendel [1685-1759]). La lecture sobre et très intimiste de cette si belle mélodie vaut à l’ensemble des artistes présents sur la scène de l’Opéra de Tours une ovation debout grandement méritée.
C’est donc un très beau récital auquel nous avons assisté en ce beau vendredi soir d’octobre. Nous espérons revoir ce jeune et très prometteur talent dans les années à venir en souhaitant le voir faire preuve de prudence dans le choix de ses rôles. Quant à Marcello di Lisa et au Concerto de’ Cavalieri, ils ont parfaitement accompagné Samuel Marino, mettant sa belle voix de sopraniste en valeur avec talent.
Visuels : © Rémi Angéli