Au Semperoper Dresden, un « Eugène Onéguine » en demi-teinte

On sait tout l’amour que portent les Allemands à l’art lyrique, pour des raisons diverses (politiques, pédagogiques, culturelles, etc.). Il n’est donc pas étonnant de voir débuter les saisons de nos voisins allemands bien avant l’ouverture de nos théâtres lyriques français. L’Opéra de Dresde, un des théâtres allemands les plus importants (avec Berlin, Munich et Hambourg) ouvre donc sa saison, dès le 28 août, par un Saul de Haendel et par un Eugène Onéguine pour quatre dates (29 août, 03, 07 et 12 septembre 2025). L’opéra est au complet, touristes et habitués se côtoient pour une soirée plutôt détendue.

La production de l’opéra de Tchaïkovski signée Markus Bothe trouve ce soir du mercredi 03 septembre 2025 sa seizième représentation, la création remontant à juin 2016. La mise en scène ne renouvelle pas l’approche de ce classique de l’opéra, mais elle n’en est pas moins extrêmement lisible et plaisante à suivre. Sans parvenir au classicisme épuré et impressionnant de la production de Dmitri Tcherniakov, la mise en scène déroule de façon convaincante les moments de liesse (scènes de groupe, chœurs) comme moments de tension (scène de la lettre, scène du duel). Aidé par la belle scénographie de Robert Schweer qui utilise habilement tout l’espace scénique, Markus Bothe égrène quelques bonnes idées, comme celle des doubles de Tatjana lors de la scène de la lettre, symbolisant la complexité et les doutes de la jeune fille, ou les multiples fantômes de Lenski revenant hanter Onéguine.

Un plateau un peu décevant

Côté voix, nous sommes malheureusement sur la réserve. La Tatjana de Marjukka Tepponen manque de puissance et d’incandescence pour pleinement émouvoir. La fameuse scène de la lettre se déroule sans passion, sans enjeux, de façon même un peu mécanique. Son « partenaire » Eugène Onéguine chanté par Danylo Matviienko nous a également paru bien plat (applaudissements polis du public lors de son salut final). Le jeune homme manque de puissance, et donc de passion (lui aussi), un comble pour une œuvre si romantique. La voix et pourtant claire. Nous sommes en revanche beaucoup plus enthousiastes pour le Lenski de Thomaz Atkins, dont l’aria précédant le duel émeut profondément, notamment grâce à une technicité des piani qui impressionne. L’acteur même nous fait croire à son personnage : celui d’un homme forcé de provoquer en duel son meilleur ami. Saluons aussi la Larina de Sabine Brohm au chant expressif et enjoué, le Triquet très coquin de James Kryshak au français articulé, ou encore l’Olga de Nicole Chirka dont le chant élégant nous plonge directement dans ce bain russe au premier acte.

La cheffe Oksana Lyniv choisit un tempo lent, manquant bien souvent de fougue, et faisant de l’orchestre un véritable accompagnateur de ce qui se passe sur scène, et non un réel personnage. Pour ce chef-d’œuvre du romantisme russe, on aurait préféré un peu plus d’entrain et de passion.