Jean Benoit Patricot tente l’impossible. : donner des visages à un monde que chacun veut ignorer. Dans un Ehpad, les vieux vont apparaitre un après l’autre par la performance souriante, dynamique et rythmée de Tessa Volkine dans la petite salle de la Reine Blanche.
Brel a écrit : Les vieux ne parlent plus, Ou alors seulement parfois du bout des yeux. Mais, la parole viendra par Annie. Elle qui vient de suivre une formation d’aide-soignante, vit sa première folle journée dans un Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).
Au début, je croyais que j’allais les soulager, les soutenir et puis c’est comme tout, il y a l’espoir et la réalité
Sauf que la réalité n’est pas belle. Catherine Schaub, la metteure en scène, et Jean-Benoît Patricot, l’auteur, ont mené des interviews de toute l’équipe encadrante d’un tel établissement ainsi que de plusieurs résidents. Les salariés réclament plus de moyens humains et financiers ; les actionnaires demandent plus de bénéfices. Chacun défend son intérêt, excepté les vieux rendus invisibles du collège des vivants. Pourtant, au centre, une communauté de souffrances : celle des résidents, des familles et du personnel soignant.
Jean-Benoit Patricot caricature ; son coup de gueule se veut manifeste. Néanmoins, les Ephad n’illustrent rien d’autre que la place donnée par la société à ses vieux. Ils en sont le reflet, mais aussi la métaphore.
Mais la pièce n’est pas syndicale ; elle ne gronde pas d’une revendication. Dans un seule-en-scène attachant et parfois drôle, Tessa Volkine, la comédienne, épouse l’optimisme candide de l’auteur sans adhérer à sa colère. Pour se préparer à son travail d’actrice, elle a enfilé une blouse d’aide-soignante et a accompagné les soignants dans leur travail quotidien. Elle en a gardé ce qui se fabrique et s’anime sous ces blouses : un désir pour le soin et une profonde humanité. Durant une grosse heure, elle magnifie l’oblativité nécessaire des soignants.
Au cours de cette folle journée, elle posera un regard sur chaque vieux, sur chaque vieille. Tessa Volkine est solaire ; son regard est magnétique. Loin des fiches de paye, des dividendes et des taux de rentabilité, elle nous enseignera. Elle saisira ce qui manque à notre système social d’accompagnement des veilles personnes grabataires : l’amour.
Émouvant et vital !
OLD UP
TEXTE=Jean-Benoit PATRICOT
MISE EN SCÈNE + SCÉNOGRAPHIE=Catherine SCHAUB
LUMIÈRES=Rosalie DUMONT
JEU=Tessa VOLKINE
à la reine Blanche jusqu’au 18 février
Visuel Affiche