Nora Hamzawi, en pleine tournée, s’arrête pour quelques dates à l’Olympia à Paris. Ce troisième spectacle s’inscrit dans la ligne directe du précédent : Nora nous raconte sa vie, entre détails de l’existence et angoisses universelles.
Il y a dans les habitudes, quelque chose de rassurant. Nora Hamzawi nous l’avait d’ailleurs confié lors de son précédant spectacle : elle est une femme d’habitude. Nous ne sommes donc pas surpris de la retrouver, seule, sur la mythique salle de l’Olympia, armée de son traditionnel jean / t-shirt blanc, de son chignon haut et de ses tics de langages. L’entrée est sobre, une prise de contact, « ça va vous ? et moi ? oh c’est gentil de demander », mais efficace et sincère. On se dit que c’est comme arriver chez une amie.
Cette impression, celle d’être à un dîner, est une bonne définition de la méthode Hamzawi, et elle le dit d’entrée, affichant les retardataires : ici, pas de quatrième mur. C’est nous et elle, enfin plutôt elle et nous. C’est sa soirée, nous sommes autour de la table, bouteille débouchée et Nora conte, incarne ses angoisses. La quarantenaire l’affiche, entre le deuxième et ce troisième volet, peu de temps s’est écoulé, et pourtant tout s’est dégradé. L’état du monde, les conditions de vie, l’actualité, l’essor de la souffrance généralisée, … Les sujets ne manquent pas, mais ce n’est pas sa manière. N’en déplaise, l’humoriste nous prouve que, parfois, le meilleur prisme est encore de parler de soi.
En se prenant pour sujet, Nora Hamzawi draine des questions de société, parfois encore tabous ou simplement symptomatiques de ce que l’on vit, des réseaux sociaux aux antidépresseurs, des cuissardes aux boules quies. Elle s’affiche, se moque d’elle-même et lance des scuds à son public comme à ses proches, ami•es et mari n’ont qu’à bien se tenir ! Elle nous prend par la main, nous emmène dans ses dîners comme dans son salon, dans sa chambre comme dans sa pharmacie, ravie que l’on ait payé pour l’écouter. Au moins sur scène, elle peut s’auto-interviewer en paix.
Comme dans un dîner, à mesure que le temps passe les effluves montent. Nora parle vite, très vite, et ses mains suivent son débit. À l’observer se déplacer sur la scène et balayer la tablée – enfin la salle ! – du regard, on prend conscience de la maîtrise qu’elle a de son art. Feignant les oublis, rebondissant au grès de ses digressions et de ses improvisations, notre hôte nous balade, nous sollicite, nous concerne vis-à-vis de ses histoires, sans l’once d’une sensation de conférence TED.
Elle joue la carte de l’intime, de l’honnêteté, partageant sa passion pour les « darkside de la pharmacie », avouant ne pas avoir d’avis sur tout et en changer souvent, être hantée par la question du sommeil, les crashs d’avion, l’irrémédiable vieillissement et le couple. Le couple et l’érotisme, le couple et le quotidien, le couple et les engueulades, son couple est nos fous-rires. On se délecte de ses phrases imagées et bien senties, de ses punchlines que l’on note pour les ressortir (à notre moitié ou un prochain dîner, qui sait ?).
« Bon bref », comme elle dit, tout est là, sa voix et ses gimmicks de langage, sa posture et son génie de description de nos quotidiennetés. Pendant une heure on rit, et on est venu pour ça, on rit et on n’a pas tout oublié pour autant, on a juste relativisé. On s’est couché•e plus léger•es, jouissant dans des draps propres, d’avoir ri en bonne compagnie de tous les détails de nos existences, qui, dans leur immense banalité, nous font tenir plus que jamais.